Publié le 31 mai 2015Lecture 6 min
Ambulatoire et cardiologie interventionnelle
M. SIMON, Cadre de Santé, Institut Cardiovasculaire Paris Sud (ICPS)
La France fait figure de mauvais élève en matière d’activité ambulatoire, alors qu’aux États-Unis et au Canada, l’activité ambulatoire dépasse les 90 % des actes de chirurgie et qu’elle avoisine les 75 % dans les pays du Norda. En 2009, en France elle ne représentait que 24 % dans les hôpitaux publics et 44 % dans les établissements privés.
Pourtant, les avantages de l’activité ambulatoire ne sont plus à démontrer en matière de satisfaction des usagers : qualité et sécurité des soins avec moins de maladies nosocomiales mais aussi bénéfices reconnus pour les personnes âgées chez qui les modifications de rythme liées à l’hospitalisation peuvent impacter l’état de santé. L’ambulatoire permet également de dédramatiser les actes, d’améliorer les pratiques et également de gagner en qualité de vie. Les conditions de travail sont aussi plus favorables pour le personnel soignant, notamment en diminuant le travail de nuit.
Situation actuelle et volonté politique
Considérant le retard pris par la France, les tutelles poussent les établissements à développer l’activité ambulatoire. La ministre des Affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, a d’ailleurs rappelé dernièrement sa volonté de développer davantage la chirurgie ambulatoire en France. D’ici 2016, son objectif est que la moitié des patients retourne à leur domicile le jour même de leur opération. Mais l’environnement de la santé, complexe et incertain, n’incite pas toujours les structures aux changements.
En effet, les tutelles francaises se sont peu intéressées à l’activité de cardiologie interventionnelle en ambulatoire, malgré les progrès constants de cette spécialité et notamment les avantages de la voie radiale et des stents actifs qui ont permis une diminution considérable des complications tant pour les coronarographies que pour les angioplasties.
Certains établissements publics ou privés en France ont commencé une activité ambulatoire pour la coronarographie mais très peu pour les angioplasties. Le manque de tarification spécifique pour l’angioplastie ambulatoire (tarification à l’activité T2A) reste un frein incontournable.
Environ 256 000 coronarographies et 121 000 angioplasties sont réalisées en France chaque annéeb. Si tous ces examens ne peuvent être réalisés en ambulatoire, une grande partie pourrait l’être pour le bénéfice du patient.
En France, la chirurgie ambulatoire se définit comme un acte programmé, réalisé dans un environnement sécurisé sous anesthésie locale ou générale suivie d’une surveillance permettant une sortie le jour même de l’intervention sans risque supplémentaire. Il n’existe pas de listes d’actes réalisables en ambulatoire car cela pourrait être dangereux : ce n’est pas l’acte qui est ambulatoire, mais le patient.
Photo 1. Le service ambulatoire se situe au 1er étage et accueille plus de 9 000 passages par an toutes spécialités confondues. Le bloc de cardiologie interventionnelle est situé au 3e étage du même bâtiment.
Comment débuter et organiser une activité ambulatoire en cardiologie interventionnelle ?
À l’ICPS (Hôpital Privé Jacques Cartier, Massy), nous avons débuté une activité ambulatoire il y a plus de 5 ans. Plus de 900 coronarographies sont réalisées chaque année en ambulatoire, représentant environ 33 % de l’activité totale de ces actes.
Il n’existe pas de prise en charge modèle, chaque spécialité doit adapter sa propre organisation à sa structure en gardant comme objectif la sécurité et l’optimisation de la prise en charge du patient.
Photo 2. La surveillance et le management du point de ponction radial est une étape importante dans la prise en charge des patients en ambulatoire.
Les modalités d’organisation reposent sur trois leviers
Préparer la mise en place de l’activité ambulatoire en amont
Définir le nombre de places pour les coronarographies par jour et par tranche horaire avec le service ambulatoire.
Ne pas programmer d’actes après 15 heures car c’est un facteur de risque d’hospitalisation clairement identifié.
Former le personnel du service ambulatoire au suivi des patients ayant eu une coronarographie (suivi, management du bracelet radial, complications, etc.).
Mettre en place des outils ciblés (les documents qui suivent peuvent être visualisés et téléchargés sur le site www.cardioparamed. com : http://www. cardio-paramed.com/fr/revuepresse- cathlab.html) :
- fiche : « Document à lire avant une coronarographie en ambulatoire » ;
- fiche : « Document à lire impérativement après une coronarographie en ambulatoire ».
Sélectionner les patients sur le plan cardiaque (patients stables, etc.).
Sélectionner les patients compatibles à l’activité ambulatoire :
- demeurant à moins d’une heure de l’hôpital ;
- ayant un accompagnant pour le retour à domicile ;
- présence d’un accompagnant la nuit qui suit l’examen.
Organiser le parcours patient
En plus des contre-indications
Prise de rendez-vous téléphonique
- définir la date et l’heure avec le patient et/ou son cardiologue ;
- donner un rendez-vous de consultation d’anesthésie au moins 48 h à l’avance (le plus souvent possible) ;
- envoyer par mail ou courrier :
1. la convocation en précisant la date, l’heure et le service ou` sera attendu le patient ainsi que les documents à ramener (ancien dossier, ordonnance, etc.). Le patient est convoqué 1/2 heure avant l’heure de passage au bloc de cardiologie interventionnelle ;
2. une ordonnance de prise de sang à ramener le jour de l’examen ;
3. la feuille de consignes ambulatoires ;
4. la feuille de consentement éclairé.
Si consultation d’anesthésie
- vérification du bilan sanguin ;
- remise du consentement éclairé ;
- préadmission administrative.
La veille de l’examen, rappel téléphonique systématique du patient (indispensable pour éviter toute annulation ou nonrespect des consignes).
Rappeler au patient :
- l’heure de la convocation et le lieu où il doit se présenter ;
- qu’il doit être accompagné pour le retour et la nuit qui suit ;
- les documents qu’il doit ramener.
Le jour de l’examen
- le patient se présente au service ambulatoire à l’heure de convocation ;
- l’infirmière prend en charge le patient, le dirige vers son box et lui demande de revêtir le pyjama de bloc, vérifie le dossier et prévient le service de coronarographie de l’arrivée du patient ;
- le brancardier va chercher le patient (à pied si possible) ;
- la secrétaire vérifie le dossier et l’infirmière de la salle de cathétérisme accueille le patient et le perfuse ;
- le patient est vu par le cardiologue interventionnel et l’anesthésiste ;
- le patient est installé en salle de coronarographie ;
- après l’examen, le patient est surveillé pendant 1/2 heure en SSPI (Salle de surveillance postinterventionnelle), avec une installation au fauteuil ;
- validation de l’heure de sortie par le médecin et contact de l’accompagnant pour lui signifier l’heure de sortie ;
- retour au service ambulatoire (surveillance et collation).
- au moment de la sortie (2 à 3 h après l’examen) l’accompagnant et le patient reviennent faire leur sortie au service de coronarographie ;
- remise du compte rendu et des consignes spécifiques liées à l’ambulatoire, validation de la sortie par le cardiologue interventionnel.
Ce processus n’est pas figé, nous avons dû l’adapter pour le rendre évolutif et ajuster en fonction des dysfonctionnements rencontrés : délais d’attente trop longs aux admissions, dossiers incomplets, etc.).
Mettre en place des indicateurs de qualité
Dans le but d’évaluer l’activité ambulatoire, nous avons mis en place des indicateurs afin de mieux gérer les risques, de les identifier et en conséquence de réajuster l’organisation avec tous les acteurs. L’analyse des questionnaires de satisfaction des patients (temps d’attente au service ambulatoire, temps d’attente au bloc de cardiologie interventionnelle, etc.), et des dysfonctionnements et événements indésirables liés à cette activité permet d’évoluer en adaptant à chaque fois notre mode de fonctionnement dont l’objectif principal est l’optimisation de la prise en charge du patient.
Conclusion
La cardiologie interventionnelle est une spécialité en constante évolution qui nous a poussé à modifier nos pratiques.
L’activité ambulatoire est une étape nouvelle de cette évolution. Cette innovation dans la prise en charge de nos patients coronariens change le mode de fonctionnement ancré depuis de nombreuses années, propre aux établissements de santé. Elle se met en place lentement car elle remet en cause cet ordre établi. C’est pourquoi elle demande une organisation minutieuse et l’adhésion de tous les intervenants (cardiologues, paramédicaux, secrétaires, brancardiers, administratifs, etc.) qui sont les garants de succès pour l’ouverture et la pérennisation d’une telle activité.
Chacun à son propre niveau peut contribuer au développement de l’activité ambulatoire en se basant sur une double exigence : définir une maîtrise des risques et optimiser la prise en charge pour le bénéfice et la satisfaction du patient.
a. Données OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques).
b. Dr Blanchard – Activité interventionnelle 2014 – High Tech 2015.
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