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Publié le 20 déc 2017Lecture 6 min

Faut-il fermer un foramen ovale perméable associé à un accident vasculaire cérébral cryptogénique ?

Meyer ELBAZ, service de cardiologie, CHU Rangueil, Toulouse

Les foramens ovales perméables (FOP) sont fréquents en population générale (prévalence de 20 à 30 %) et ne constituent pas une pathologie en soi. Néanmoins, un lien a été établi entre la survenue de certains AVC ischémiques cryptogéniques et la présence d’un FOP. Le risque paraît plus élevé lorsque que la perméabilité du septum est associée à un anévrysme du septum auriculaire (ASIA) (tableau 1).

Les AVC cryptogéniques représentent 15 à 25 % des AVC ischémiques. Parmi ces patients, la proportion de porteurs de FOP est de 40 à 50 %, et l’association FOP-ASIA est significativement plus élevée, particulièrement dans la population jeune faisant un AVC. L’existence d’un FOP est également associée au risque de récidive d’AVC dans la population de patients ayant présenté un premier accident cryptogénique. Le risque de récidive est accru par l’association à un ASIA ou un large shunt, comme montré dans le travail de J.-L. Mas en 2001(1). Depuis 2015, la Haute Autorité de santé (HAS) a validé la fermeture du FOP chez les patients âgés de moins de 60 ans, ayant présenté un AVC ou un AIT récidivant sous traitement médical bien conduit.   En route vers de nouvelles recommandations ?   En septembre 2017, les trois essais randomisés (RESPECT, REDUCE et CLOSE)(6,7,8) ont été publiés dans le même numéro du New England Journal of Medicine accompagnés d’un éditorial et de commentaires (tableau 2). Dans l’essai RESPECT(6) sur 980 patients avec un suivi prolongé (5,9 ans), la fermeture du FOP a réduit de 62 % la récurrence des AVC ischémiques cryptogéniques en intention de traiter versus traitement médical (aspirine ou anticoagulants) (IC 95 % : 0,18-0,79 ; p = 007). Cette significativité persiste si l’on considère la récurrence de l’ensemble des AVC ischémiques. Occluder (Abbott), utilisée dans l’étude RESPECT. L’essai REDUCE(7) a inclus 664 patients avec un ratio 2:1 comparant la fermeture du FOP associée au traitement antiagrégant vs antiagrégants seuls. Au suivi à 3,2 ans, les taux de récurrence ont été significativement réduits de 77 % dans le bras fermeture (RR : 0,51 ; IC 95 % : 0,29-0,91 ; p = 0,04). L’essai CLOSE(8) a inclus 633 patients de moins de 60 ans ayant présenté un AVC cryptogénique et porteurs d’un FOP associé à un shunt important dans 90 % des cas et/ou un ASIA (24 %). Le score de RoPE (échelle de 0 à 10 permettant d’imputer l’AVC au FOP avec une probabilité d’autant plus élevée que le score est proche de 10) est de 7,3, témoignant d’une imputabilité de l’AVC au FOP assez élevée. Dans cette population très sélectionnée, les résultats sont spectaculaires puisqu’aucune récurrence n’est survenue chez les patients ayant bénéficié d’une fermeture contre 14 dans le bras médical (IC 95 % : 0-0,26 ; p < 0,001). Les points clés de l’essai CLOSE sont la bonne sélection des patients et une bonne évaluation des critères morphologiques et de perméabilité du FOP, préalable à toute discussion de fermeture. Ceci repose sur la réalisation d’une imagerie précise du septum (ETO, manœuvre de Valsalva, semi-quantification de l’importance du shunt, mesure quantitative de l’expansion du septum pour définir l’ASIA et évaluation du caractère flaccide de la membrane interatriale) (figure 1 A et B). Figure 1 A. ETO. Évaluation et mesure de l’expansion septale pour définir un éventuel ASIA. Figure 1 B. Épreuve de bulles avec manœuvre de Valsalva si nécessaire. Grade 0 : aucun passage de micro-bulles : absence de FOP ; grade 1 (passage faible < 10 bulles) ; grade 2 (passage important) : passage de 10 à 30 micro-bulles ; grade 3 (passage massif souvent spontané en couleur) : passage > 30 micro-bulles. Dans l’étude CLOSE, 90 % des patients inclus ont un grade 3 avec ou sans ASIA, 10 % ont un grade 1 ou 2 avec ASIA. Il n’y a pas eu de différence significative dans le bras médical entre les traitements antiagrégants et anticoagulants, confirmant les données acquises jusqu’à présent concernant l’absence de bénéfice des anticoagulants. Dans cette étude comme dans l’étude REDUCE (mais pas dans l’étude RESPECT), l’incidence de la fibrillation atriale est plus élevée dans le bras fermeture (environ 5 %) que dans le bras médical, sans incidence sur le résultat final. Le faible nombre de FA semble indiquer que l’enregistrement des troubles du rythme réalisé dans le bilan est suffisant et qu’il n’y a pas d’indication à prolonger les enregistrements au-delà de ce qui est nécessaire pour le biland’AVC  cryptogénique (il est peu probable qu’il soit nécessaire d’utiliser des enregistreurs ECG implantables qui augmentent le coût et constituent malgré tout un geste invasif supplémentaire). Ce point reste néanmoins à préciser dans le suivi des patients qui seront traités de façon prospective. Les résultats des trois essais publiés récemment (tableau 2) et l’obtention de l’approbation FDA pour la prothèse AmplatzerTM dans la prévention des récurrences d’AVC ischémiques cryptogéniques laissent présager une modification des recommandations internationales vers des recommandations de classe I et de niveau de preuve élevé. Pour ce qui concerne la France, la HAS devra être saisie dans cette indication afin d’envisager la création d’un acte CCAM. Les préalables à la fermeture d’un FOP restent : – le diagnostic d’AVC cryptogénique avec confirmation par imagerie et élimination des autres étiologies possibles ; – le bilan ETO pour caractériser l’anatomie du FOP et la présence d’un large shunt et/ou un ASIA. Dans ces conditions, l’indication et la réalisation d’une fermeture de FOP pour prévention de récurrence d’AVC ischémique cryptogénique nécessitent la collaboration d’équipes de neurologues et de cardiologues (interventionnels et imageurs). Le geste doit être envisagé sous anesthésie générale et guidageETO, permettant le choix optimal de la taille de prothèse.   Cas clinique ➜ Monsieur M, né le 24 août 1965 ; aucun facteur de risque. • Déficit neurologique à type de monoparésie droite et aphasie, étiqueté AIT en 1999. Pas de bilan. Pas de traitement. • En 2001, AVC constitué. Au scanner: séquelles ischémique pariétale droite et accident d’allure récent sylvien gauche. • Bilan étiologique complet négatif (artériographie cérébrale, échographie-Doppler des vaisseaux du cou, Holter ECG répétés, bilan de thrombophilie). Bilan négatif en dehors d’un FOP avec ASIA, shunt spontané important. Patient placé sous anticoagulants oraux. • Avril 2009: SCA sans sus-décalage ST, élévation troponine et anomalie de la repolarisation en inférieur confirmée par échographie qui retrouve une hypokinésie inférieure. L’IRM cardiaque confirme la nécrose myocardique. • Bilan coronarographique normal, absence d’athérome. • Bilan complet de thrombophilie : ACAN, APL, anticoagulant circulant, anti-ENA, anti DNA, facteur rhumatoïde, anticardiolipides, déficit protéines C, S, antithrombine, anomalie facteur V. • Holter répétés (durée totale 72 h). Bilan étiologique considéré négatif. Décision de fermeture du FOPASIA (figures 1 et 2). Figure 1. Mise en place de la prothèse lors de la fermeture du FOP : vue 3D du passage du septum. Figure 2. Mise en place de la prothèse lors de la fermeture du FOP : A : vue de la prothèse côté auriculaire gauche. B : déploiement de la prothèse sur les 2 versants. Visualisation du câble côté oreillette droite. C : la prothèse est larguée. D : l’épreuve de contraste ne retrouve plus de passage. Discussion : qu’est-ce qui changerait aujourd’hui ?   Après le premier accident neurologique, aucun bilan n’est réalisé, ni traitement mis en route. Un bilan doit être fait dans les plus brefs délais devant toute suspicion d’AIT ou d’AVC. Lors de l’AVC en 2001, l’imagerie cérébrale est un scanner. Il faut privilégier aujourd’hui une IRM. Après l’AVC, la découverte de 2 images cérébrales dans des territoires distincts correspond à 2 embols concomitants ou non. Le bilan étiologique est négatif. Au vu des résultats des essais RESPECT extension, CLOSE et REDUCE, la fermeture du FOP devrait être discutée et proposée. Les anticoagulants n’ont pas démontré de supériorité sur l’aspirine.

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