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Publié le 28 fév 2010Lecture 13 min
R. CADOR, Clinique Bizet, Paris
Il en est des congrès de cardiologie interventionnelle comme de la mode. Les grands congrès internationaux type TCT et PCR sont les défilés haute couture : ils annoncent notamment par la présentation des grandes études, les grandes tendances à venir et les innovations... mais ne nous disent pas forcément comment mieux dilater à notre retour en salle de cathétérisme. High Tech, en revanche, est l’exemple même du congrès prêt-à-porter où des informations déjà largement publiées sont largement et librement commentées pour permettre au cardiologue interventionnel de les mettre en perspective avec sa pratique tout en étant un véritable acteur du débat. C’est cette alchimie originale qui assure le succès de cette manifestation et qui fait, qu’en soufflant ses 21 bougies, elle peut se vanter d’être le congrès incontournable de la cardiologie interventionnelle francophone.
Rapporter les données d’un tel congrès n’est donc pas aisé car les présentations ne sont avant tout qu’un prétexte à discussions et à échanges, difficiles à retranscrire. Le choix est donc volontairement subjectif et… incomplet.
Activité 2009
Il n’y a pas de congrès High Tech qui ne puisse débuter sans l’intervention de Didier Blanchard. Tel un baromètre (ou un marronnier selon sa propre expression), son estimation extrapolée d’un registre déclaratif se révèle année après année particulièrement fiable pour fixer les grandes tendances de l’activité hexagonale et donc particulièrement attendue.
Sur ce point, la tendance des trois dernières années se confirme avec à nouveau une baisse de près de 1 % du nombre des coronarographies et des angioplasties en 2009 : les coronarographies et les angioplasties se chiffreraient à 263 000 et 113 800 respectivement pour l’année 2009.
Cette tendance n’est pas l’apanage de l’hexagone : en effet, si le nombre d’angioplasties a baissé en France de 7 % ces 5 dernières années, ce chiffre est de… 20 % aux États-Unis. De ce point de vue, il n’y a pas vraiment eu d’effet SYNTAX (le ratio angioplastie sur coronarographie reste d’ailleurs stable à 45 %).
Le nombre de stents implantés est en légère diminution (0,8 %) avec 185 000 endoprothèses en 2009, soit un ratio de 1,6 stents par patient. Concernant les stents actifs, la confiance revient progressivement. Après l’effondrement du ratio stent actif/stent nu en 2007 puis sa réaugmentation en 2008 (47 %) en 2008, ce rapport serait de l’ordre de 50 % en 2009 (et même 52 % sur le dernier trimestre).
Enfin, si l’année 2009 reste la dernière année sans remboursement pour les valves aortiques percutanées, près de 657 valves ont été implantées en 2009, la plupart sur crédit propre des établissements en dehors des 250 issues de la dotation ministérielle (contre 305 en 2008). Pour les 33 établissements ayant obtenu une autorisation de remboursement, le retour sur investissement semble assuré avec des perspectives de nombre d’implantations de 1 400 en 2010, 2 000 en 2011 et 2 500 en 2012.
Lecture critique des recommandations de l’HAS
L’intervention de Bernard Chevallier restera comme le seul vrai moment polémique de ce congrès, rappelant les plus belles heures de High Tech où le politiquement correct et le consensus avaient si peu de droit de cité.
L’objet de la discorde : un énorme pavé de près de 241 pages et 677 références relativement indigeste pour ceux qui ont eu le courage de le lire et mis en ligne en juillet 2009 sur le site de l’HAS sous l’intitulé « L’évaluation des endoprothèses à libération de principe actif ».
On peut lire en introduction de ce rapport : « En 2007, la HAS s’est saisie de la réévaluation de l’ensemble des stents actifs dans le but d’analyser leur efficacité et leur sécurité d’utilisation par rapport aux stents nus ; des données contradictoires concernant la survenue de thrombose intrastent tardives après pose de stent actif ayant été publiées, il a été décidé de réaliser une évaluation médicale et une évaluation économique ».
Le décor est planté avec ses limites principales :
- le délai de publication de près de 2 ans qui laisse de côté les publications les plus récentes notamment sur les dernières générations de stents actifs ;
- le contexte « politique » du lancement de ce rapport après la polémique sur les thromboses tardives de ces stents actifs. Les décideurs de lʼHAS avaient décidé de faire la peau de ces stents actifs si chers et si peu sûrs et les six cardiologues interventionnels experts nʼauraient pu que désamorcer le risque dʼun déremboursement global…
Place au débat...
En sa qualité d’ancien expert pour un précédant rapport, B. Chevallier a du reste reconnu aux 13 experts la difficulté de cet exercice, mais a critiqué de curieux choix méthodologiques, les nombreuses contradictions, de curieux acharnements (concernant la sténose de l’IVA proximale ou le stent Xience V®), une lecture « curieuse » de SYNTAX et un rapport qu’il juge déjà obsolète.
L’exemple de la sténose de l’IVA proximale illustre assez bien les divergences avec des conclusions assez radicales sur l’absence de supériorité des stents actifs dans le rapport et les données des études PRESTO ou des métaanalyses des programmes TAXUS et SIRIUS. À cet exemple les experts rétorquèrent que, si la recommandation pour l’IVA proximale a disparu, il y a eu un vrai élargissement à d’autres indications : SCA ST+, pluritronculaire, tronc commun, etc.
Il ne restera de ce débat qu’une nouvelle illustration des contractions éternelles entre évaluateurs économicopolitiques et experts médicaux. La vraie question est de savoir la valeur exacte de leurs conclusions qui de simples recommandations pourraient devenir opposables.
Les plus positifs – et les insomniaques – trouveront cependant dans ce rapport une analyse très complète de la littérature scientifique sur les stents actifs, à condition de la compléter par les études les plus récentes.
Les nouvelles du GACI
Martine Gilard a clôturé la première journée du congrès et sa présidence du GACI :
Sur le plan scientifique, la présentation en Hot Line de l’AHA du FRANCE Registry restera comme un des faits marquant de 2009 confirmant l’excellence française dans ce domaine : trois cents valves aortiques percutanées dans 16 centres. Le taux des succès toutes valves confondues est très élevé avec 98 % (4 échecs d’implantation). Sur le plan hémodynamique, dans ce registre le gradient moyen est passé de 46 à 10 mmHg et la surface de 0,68 à 1,74 cm2 pour un taux d’insuffisance aortique (grade 0 et 1) inférieur à 90 %. Enfin, la survie à 6 mois chez ces patients à très très haut risque est de 76 %.
La publication à venir lors du premier semestre 2010 d’une mise au point concernant les stents actifs.
Concernant les stents carotidiens, le lancement début 2010 d’un registre de postinscription de 1 000 à 1 500 patients sous l’égide de P. Commeau.
Les démarches pour la valorisation de l’IVUS qui ne pourrait que passer par une revalorisation globale de l’acte de coronarographie ou d’angioplastie et la création d’un dossier de remboursement pour la FFR… qui ne sera, quoiqu’il en soit pas effective avant 18 à 24 mois dans le meilleur des cas.
Par un plaidoyer pour une plus forte implication des centres français dans les deux études en cours ITALIC et OPTIDUAL évaluant la durée optimale de la bithérapie antiagrégante après stent actif (6 mois pour la première, 12 mois pour la seconde). Ces deux études sont actuellement très en retard sur les inclusions prévisionnelles.
Le lancement d’un programme européen « Stent For Life » pour améliorer la prise en charge des infarctus et du registre ONACOR pour collecter les malformations coronaires.
La mise en place d’un DIU d’imagerie coronaire.
Le relais est donc désormais transmis à Thierry Lefèvre qui présidera la prochaine réunion du GACI prévue le 26 mars prochain.
Stenting en 2010 : le choix s’élargit… mais se complique
La session sur les stents est probablement une des sessions les plus polémiques compte tenu des enjeux qu’elle représente, d’autant que cette année était marquée par l’obtention du remboursement quelques semaines plus tôt des stents à polymère abluminal absorbables dits « de troisième génération ».
C’est Stephan Windecker qui était chargé cette année de nous donner les éléments objectifs des données de littérature, B. Chevallier revenant plus longuement sur les nouvelles générations et sur les caractéristiques de ces dernières générations de stent.
Sur le plan de l’efficacité, les résultats ne montrent pas d’amélioration exceptionnelle avec les stents de 2e et 3e générations : les late loss sont certes très bas avec les stents à l’évérolimus ou au biolimus mais des stents de première génération au sirolimus n’ont pas à rougir de leurs résultats (figure 1).
Figure 1. Taux de late loss en fonction des différents stents actifs.
Sur le plan de la sécurité, les taux de décès sont superposables quelle que soit la génération du stent. Il semble que les résultats en termes d’infarctus soient légèrement meilleurs avec le zotarolimus et l’évérolimus qu’avec le paclitaxel et superposables quand ils se comparent au sirolimus. Concernant les thromboses très tardives de stent, les tendances observées sont plutôt en défaveur du paclitaxel mais, là encore, en absence de significativité, les conclusions ne peuvent être définitives en absence d’études à plus long terme et regroupant de plus larges cohortes de patients complexes.
Au cardiologue de choisir entre des stents de première génération pour lesquels nous disposons de plus de données et dʼun suivi plus long mais aussi dʼindications plus étendues, et les stents plus récents ayant un vrai bénéfice potentiel mais pour lesquels nous disposons de moins de données, sauf sur des critères de substitution pour la sécurité (restauration de la fonction endothéliale et couverture de mailles).
Les pluritronculaires ne sont pas forcément tritronculaires !
Rassurez-vous. Même si le mistral a soufflé avec beaucoup de violence pendant toute la durée du congrès, les orateurs ne sont pas devenus fous.
Mais un des sujets phares de ce congrès restera, sans contestation, la redéfinition nécessaire du pluritronculaire et du concept de revascularisation complète.
Les résultats de FAME ont été abondamment débattus depuis leur présentation. La valeur pronostique à 2 ans est excellente : ainsi dans FAME, à 2 ans sur les 513 lésions respectées sur les bases d’une FFR rassurante et traitée médicalement, une seule a entraîné un infarctus !
La FFR reste un sujet définitivement très tendance avec une évaluation fonctionnelle la plus systématique possible des sténoses plutôt que de se limiter à une simple analyse angiographique, notamment chez les patients pluritronculaires avant de choisir le mode de revascularisation.
Ainsi, si on s’intéresse aux 394 patients dits « bitronculaires » de FAME (c'est-à-dire ayant une sténose angiographique d’au moins 50 % sur deux des trois artères épicardiques), l’analyse en FFR confirme l’atteinte bitronculaire uniquement chez 43 % d’entre eux. Chez 45 % des patients, l’atteinte est fonctionnellement monotronculaire et dans 12 %, il n’existe aucune sténose significative. Concernant les 115 patients tritronculaires en angiographie, 14 % le seraient effectivement alors que respectivement 43 %, 34 % et 9 % n’auraient une atteinte que bitronculaire, monotronculaire ou même nullement significative.
Bernard De Bruyne, en virulent avocat de cette technique, a même enfoncé le clou en montrant des résultats superposables d’une analyse systématique angiographique et par FFR de 471 lésions consécutives chez 250 patients. En analyse angiographique, la répartition est de 27 % de tritronculaires, 43 % de bitronculaires et de 30 % de monotronculaires. Cette répartition est bouleversée en cas de classement en fonction de la FFR avec respectivement 9 %, 17 % et 60 %.
Ainsi, près de 60 % de patients seraient mal classés et le calcul du score Syntax (on ne prend en compte que les lésions relevant d’un geste de revascularisation) très logiquement surestimé.
Notre approche du patient pluritronculaire se doit donc dʼêtre plus rigoureuse afin dʼéviter à la fois des angioplasties inutiles (et délétères), mais aussi une orientation un peu sévère des patients vers une chirurgie pour une supposée revascularisation complète.
La thrombose tardive de stent actif ? Connais pas…
Est-ce la méthode Coué, de la certitude avant-gardiste ou de la vraie mauvaise foi de la part des orateurs… mais en écoutant les débats tout au long de ce congrès, il aura été très peu question du risque spécifique de thrombose très tardive de stents actifs.
Et comme la meilleure défense reste l’attaque, c’est Philippe Urban avec le brio qu’on lui connaît et en digne représentant de la Suisse où les taux d’implantation de stents actifs sont supérieurs à 85 % qui fut chargé de rappeler que la thrombose de stent n’était ni l’apanage ni une maladie des endoprothèses actives. Les données scientifiques les plus récentes furent rappelés : la métaanalyse de Kirtane publiée en 2009 dans Circulation ou celles issues du suivi à 5 ans du programme TAXUS présentées au TCT 2009. Dans ces deux études, le risque d’infarctus et de décès est superposable quelle que soit l’endoprothèse implantée.
Concernant les nouvelles générations de stents actifs (2e ou 3e), les résultats sont discordants. Si l’étude COMPARE retrouve une supériorité du stent Xience V® versus Taxus® Liberté sur les thromboses survenant dans la première année, l’étude LEADERS n’a pas permis de retrouver une telle différence entre le stent BioMatrix Flex® et le Cypher SELECT®.
Partant de ces données, le message concernant la durée de l’association aspirineclopidogrel devient flou : 6 mois seulement, 6 à 12 mois (recommandations européennes), 1 an (recommandations américaines et HAS), à vie…
Pour les différents intervenants, la bithérapie ne doit certainement pas être poursuivie à vie et la sacro-sainte durée d’au moins 1 an serait extrêmement discutable. L’arrêt de l’un des deux antiagrégants pourrait ainsi avoir lieu entre 6 et 12 mois, voire plus tôt en cas de traitement associé par AVK.
De même, si la pose de l’endoprothèse en phase aiguë de SCA impose théoriquement un traitement de 9 mois, l’essentiel du bénéfice dans CURE se situe dans les 6 premiers mois.
Pour être très honnête, aucune donnée rigoureuse nouvelle ne permet cependant aujourd’hui de s’éloigner des recommandations de prudence, c'est-à-dire d’une bithérapie de 12 mois.
Le plus sage est probablement d’attendre les résultats (ou mieux comme l’a suggéré Martine Gilard de participer plus activement au recrutement) de l’étude ITALIC qui répondra à cette question. Pour mémoire, cette étude évalue de façon randomisée chez les patients sensibles à l’aspirine une bithérapie pendant 6 mois ou 2 ans chez les patients implantés avec un stent Xience V®.
Pour les différents orateurs, il semble également souhaitable de programmer sereinement l’arrêt du traitement par clopidogrel dans une période calme plutôt que de se le voir imposer dans une situation plus critique (notamment en préopératoire d’une chirurgie non programmée) et bien évidemment de ne jamais arrêter les deux antiagrégants en même temps.
Conclusion
Les autres sujets classiques auront été successivement abordés (angioplastie du tronc commun, prévention de l’insuffisance rénale, thromboaspiration, le choix de la voie d’abord et les systèmes de fermetures percutanées, les valves aortiques percutanées) au cours des sessions plénières ou des 8 symposia organisés parallèlement permettant à chacun de trouver son bonheur.
Bonheur également d’admirer assis dans un fauteuil les pires complications des collègues avec, comme chaque année, des dissections de plus en plus extensives, des thromboses de plus en plus occlusives et des perforations de plus en plus explosives. Bonheur surtout de se retrouver entre cardiologues interventionnels pour échanger et comparer nos différentes pratiques. Rendez-vous l’année prochaine…
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