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Focus

Publié le 30 sep 2010Lecture 10 min

Le développement de la prothèse aortique CoreValve®

J.-C. LABORDE, Saint George Hospital, Londres

L'évolution impressionnante du TAVI (Transcatheter aortic valve implantation) ces dernières années tient au succès des deux prothèses aortiques Medtronic CoreValve® (Medtronic, Inc.) et Edwards Sapien™ (Edwards Lifesciences Corporation) qui se sont développées en parallèle et avec un égal succès. Ces deux prothèses ont démontré respectivement des avantages et des inconvénients et ont obtenu des résultats cliniques à court et moyen termes sensiblement identiques, ce qui a favorisé l’extraordinaire engouement de la communauté médicale pour le TAVI.  

La prothèse Medtronic CoreValve®, comme la prothèse Edwards Sapien™, possède de solides bases expérimentales – tests hémodynamiques, de durabilité du support biologique, de fatigue de la structure métallique, etc. – pour envisager une bonne durabilité à long terme.  Choix du matériel biologique et durabilité à long terme  Tout d’abord concernant le choix du matériel biologique, il n’est peut-être pas inutile de rappeler que la première génération de prothèse Medtronic CoreValve® a été développée en utilisant du péricarde bovin, pendant que la première génération de valve Edwards utilisait du péricarde équin. C’est ainsi que l’une des patientes implantée en décembre 2004 présente aujourd’hui le plus long recul soit 5 ans et demi avec une prothèse Medtronic CoreValve® constituée de péricarde bovin. Il est exact que les excellentes caractéristiques mécaniques du péricarde bovin, essentiellement une meilleure résistance au stress que le péricarde porcin, ont dicté ce premier choix pour la prothèse Medtronic CoreValve® première génération. Avec la deuxième génération, l’allongement de la fixation des feuillets valvulaires sur la hauteur de la structure métallique en nitinol a entraîné un effondrement du stress exercé sur les feuillets valvulaires – principe du pont suspendu (figure 1) – ce qui a tout naturellement permis de s’orienter vers l’utilisation de péricarde porcin. Les caractéristiques physiques de ce dernier sont très similaires au péricarde bovin pour une moindre épaisseur. Bien entendu, cette avancée s’est faite sans sacrifier, bien au contraire, la durabilité à long terme de la prothèse.    Figure 1. Géomérie prothétique reprenant la conception du pont suspendu. Le moindre encombrement résultant de ce choix s’est accompagné d’un effondrement de la taille du cathéter d’implantation avec passage de 25 F à 21 F puis rapidement 18 F, permettant d’envisager le développement de TAVI vers une voie fémorale percutanée. Un cathéter 16 F devrait être disponible très prochainement. La première conséquence a donc été l’apparition des premières implantations fémorales percutanées fin 2006 et la rapide généralisation de cette stratégie par la suite.  L’encombrement plus important résultant de l’utilisation de péricarde bovin avec la valve Edwards Sapien™ explique tout d’abord le développement préférentiel de la voie transapicale avec cette prothèse. Plus récemment pour gagner les précieux French (F) qui favorisent l’abord fémoral percutané, la société Edwards Lifesciences a développé la valve Edwards Sapien XT™ qui requiert le chargement de la prothèse sur le ballon de dilatation au niveau intra-aortique au prix d’une légère friction sur les feuillets valvulaires. À ce jour, seulement 10 % des patients traités avec la valve Edwards Sapien™ l’ont été par voie percutanée.  En synthèse, et par souci de simplification concernant l’utilisation préférentielle de péricarde bovin ou porcin, on peut dire que :  • le péricarde bovin semble plutôt bien adapté à des valves percutanées ayant une structure métallique courte, générant un stress important sur les zones de fixation des feuillets valvulaires et nécessitant donc une grande résistance au stress du tissu biologique comme pour la valve Edwards.  • le péricarde porcin semble plutôt bien adapté aux valves percutanées utilisant des structures métalliques longues avec fixations hautes de la valve s’accompagnant d’un stress nettement moindre sur les zones de fixation des feuillets valvulaires comme pour la prothèse Medtronic CoreValve®.    En ce qui concerne l’importance du traitement anticalcification, son rôle exact dans le processus de dégénérescence à long terme des valves chirurgicales reste très controversé. La prédilection de certains sites des feuillets valvulaires pour les calcifications suggère que des facteurs mécaniques et de stress pourraient être les causes majeures de la dégénérescence1. Il est d’ailleurs souhaitable pour le bien être de tous les patients traités à ce jour ou qui vont l'être, que la durabilité à long terme des deux valves se confirme, comme le laissent supposer les résultats des tests expérimentaux réalisés pour ces deux prothèses. Prédire aujourd'hui une supériorité de l’une des deux valves en termes de durabilité à long terme n’est pas raisonnable et relève de la pure spéculation. Concept de structure longue auto-expansible et implantation prothétique Dès l’origine, le concept développé par Medtronic CoreValve® d’une prothèse longue ayant 3 points différents de fixation ou ancrage anatomique potentiel – chambre de chasse du ventricule gauche, valve native et aorte – a assuré une grande sécurité d’implantation. Notamment, l’extension trop distale de la prothèse dans la chambre de chasse lors d’implantations basses ne s’est jamais accompagnée de migration ventriculaire de la prothèse et les fuites paravalvulaires majeures sont restées rares. Dans le même temps, cette conception a autorisé dès le début une extension des indications de cette prothèse vers la prise en charge des fuites aortiques pures sur valves non ou peu calcifiées. La fixation prothétique étant essentiellement assurée dans ce cas par la partie de la prothèse au niveau de la chambre de chasse ventriculaire et par celle située dans l’aorte ascendante, la fixation au niveau de la valve native peut faire potentiellement défaut. L’utilisation d’une prothèse courte, comme la prothèse Edwards Sapien™ dont la fixation est essentiellement annulaire et sur la valve native, trouve ici une certaine limitation.  C'est un fait que le concept initial d’une prothèse longue s’accompagne, dès lors que la prothèse est implantée trop profondément dans la chambre de chasse ventriculaire, d’une atteinte potentielle des tissus conductifs sous-jacents avec comme conséquence des troubles conductifs plus fréquents. La précision dans l’implantation joue effectivement un rôle significatif dans cette atteinte ce qui explique la nécessité d’un plus long apprentissage avec la prothèse Medtronic CoreValve®. L’existence actuelle d'un taux d'im-plantation bas avec cette prothèse a également été favorisée par le confort que procure le bon résultat hémodynamique en général observé après implantation basse de la prothèse (absence de migration prothétique ou de fuites paravalvulaires sévères).  Par ailleurs, l’absence de migration intraventriculaire ainsi que le développement des techniques de repositionnement prothétique lié aux caractéristiques auto-expansibles de la prothèse Medtronic CoreValve® fait de la conversion chirurgicale urgente une rareté voire une option purement théorique. Il s'agit d'un intérêt non négligeable au vu de la population à haut risque chirurgical actuellement proposée pour TAVI.  La précision d’implantation est certes aujourd’hui en faveur de la valve Edwards Sapien™ mais la nouvelle génération du cathéter de pose de la prothèse Medtronic CoreValve®, le cathéter Accutrak™ avec gaine de stabilité, devrait sensiblement modifier les données actuelles en assurant une meilleure précision de l’implantation et diminuer significativement la profondeur d’implantation moyenne de la prothèse et donc les troubles conductifs.  Concept de structure longue auto-expansible et durabilité à long terme Il est exact que le concept de « circularité » décrit avec les valves chirurgicales – essentiellement les valves biologiques stentées – est battu en brèche avec le TAVI où l’obtention d’une parfaite circularité de la structure métallique fait défaut dans un nombre significatif d’implantations, plus souvent avec la prothèse Medtronic CoreValve® qu’avec la prothèse Edwards Sapien™. Il est important de rappeler la grande différence de géométrie et de conception entre les deux valves. La prothèse Edwards Sapien™ possède une force radiale uniforme sur l’ensemble de sa structure alors que la prothèse Medtronic CoreValve® possède des zones de force radiale différentes – maximale sur la partie centrale lieu de fonctionnement de la valve, sensiblement moindre sur la partie proximale lieu de l’attache annulaire et faible sur la partie distale siège de l’attache aortique. Cette particularité autorise une déformabilité de la structure métallique aux extrémités avec préservation de la structure centrale siège du fonctionnement prothétique comme il est précisé dans l’article de Schultz(2). Ce concept d’adaptabilité de la structure métallique au niveau intra-annulaire et de fonctionnement supra-annulaire de la valve offre ici un avantage théorique en séparant la zone d’attache de la zone de fonctionnement.  Il faut également rappeler un autre avantage du caractère auto-expansible lié à la structure en nitinol de la prothèse Medtronic CoreValve®. Le remodelage anatomique se poursuit après implantation jusqu’à obtention d’un équilibre avec l'anatomie du patient, contrairement à l’aspect fixe et définitif obtenu après l’expansion au ballonnet de la prothèse Edwards Sapien™, ce qui explique l’amélioration observée des fuites paravalvulaires post-implantation.  Pour revenir à la « non-circularité » souvent décrite, celleci ne devrait pas trop surprendre car c’est la conséquence directe de la révolution que représente le TAVI, à savoir l’expansion des feuillets natifs calcifiés par la structure métallique des prothèses par opposition à leur exérèse chirurgicale lors d’un remplacement valvulaire aortique conventionnel. La nécessité d’obtenir une parfaite circularité de la structure métallique à hauteur des feuillets valvulaires natifs du patient, lieu d’attache prothétique, est parfois difficile à obtenir dans le cas de valves natives très calcifiées sauf à assumer un risque probablement prohibitif de rupture annulaire ou de dissection aortique. Dans le cas de la bicuspidie aortique, l’adaptabilité de la prothèse Medtronic CoreValve® est particulièrement bien illustrée avec l’ovalisation initiale de la structure métallique à hauteur de l’anneau aortique (figure 2). La durabilité à long terme de cette prothèse dans différents degrés d’ovalisation de la structure métallique a également été intensivement testée (figure 3).    Figure 2. Prothèse CoreValve® et bicuspidie aortique. Figure 3. Étude de durabilité de la prothèse CoreValve® dans différentes configurations elliptiques. De toute façon, une zone valvulaire très fibreuse et calcifiée restera une limitation potentiellement incontournable à l’expansion complète et sûre de tout type de prothèse. Conclusion Le parcours des deux valves Medtronic CoreValve® et Edwards SapienTM est proche. À ce jour, il reste exemplaire et a permis d’offrir, certes par deux voies sensiblement différentes, une alternative raisonnable à de nombreux patients souvent en situation médicale difficile et parfois en impasse thérapeutique.   Le concept de la prothèse Medtronic CoreValve® remet probablement plus en question les concepts classiques – circularité de la prothèse, attache courte de la prothèse sur l’anneau – décrits par la chirurgie valvulaire conventionnelle. Il est de ce fait plus révolutionnaire et peut troubler plus facilement les esprits conservateurs mais son développement est soutenu par de nombreuses études aussi bien expérimentales que cliniques. Il ne serait pas surprenant que l’avenir du TAVI prenne cette direction. 

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