Publié le 31 mai 2016Lecture 7 min
L’évolution du TAVI, côté paramédical
N. LORENTE, B. COANUS , Institut Arnault Tzanck, Saint-Laurent du Var
Un peu d’histoire...
Le précurseur de la valve aortique percutanée en 1965, H. Davies(1), a permis à des malades souffrant d’insuffisance aortique massive de survivre et de parvenir éventuellement à la chirurgie. Il a réalisé des travaux sur le chien pour fabriquer la première valve montée sur un cathéter. Un peu plus tard, en 1971, S.D. Moulopoulos(2) a testé in vivo deux différents prototypes de valve aortique percutanée en polyuréthane. Ce n’est qu’en 1985 que la première dilatation aortique au ballonnet(3) a été réalisée à Rouen chez l’homme par le Pr Alain Cribier.
Finalement, le premier succès d’implantation valvulaire par voie percutanée (TAVI : Transcatheter Aortic Valve Implantation) date de 2002(4), toujours à Rouen par A. Cribier, sur un patient de 57 ans atteint d’un rétrécissement aortique calcifié (RAC) en choc cardiogénique avec une FEVG à 12 %. Ce patient présentait de nombreuses comorbidités qui rendaient impossible la chirurgie conventionnelle et avait déjà subi un échec de dilatation aortique en urgence. L’implantation valvulaire a été effectuée par voie transseptale. Malheureusement, le patient est décédé 4 mois plus tard malgré une bonne fonction valvulaire conservée.
La première prothèse CoreValve® (Medtronic), comportant un stent auto-expansible en nitinol, a été implantée en 2004(5).
Le marquage CE de ces deux premières valves ne permettra leur commercialisation en Europe qu’en 2007. Il faudra attendre 2010 pour voir s’inscrire l’acte d’implantation des bioprothèses percutanées dans la classification commune des actes médicaux (CCAM). En France, les 48 centres ouverts au TAVI ont enrôlés à ce jour plus de 10 000 patients dans le registre FRANCE Tavi (FRench Aortic National CoreValve and Edwards).
Les indications
Les indications actuelles sont encadrées par la Haute Autorité de Santé (HAS) et ciblent des patients symptomatiques ayant une sténose aortique sévère calcifiée, sélectionnés suite à une réunion multidisciplinaire avec la présence d’un cardiologue interventionnel, d’un chirurgien, d’un cardiologue et d’un anesthésiste réanimateur et, si possible, un gériatre. On distingue deux sous-populations :
• les patients contre-indiqués à la chirurgie conventionnelle ;
• les patients à haut risque chirurgical avec :
- existence d’une sténose aortique sévère dégénérative avec un gradient moyen > 40 mmHg et/ou une vélocité > 4 m/s et/ou une surface valvulaire aortique < 1 cm2 ;
- présence de symptômes liés au rétrécissement aortique démontrés par une classe fonctionnelle NYHA > 2 ou 1 si dysfonction ventriculaire avec FE < 40 % ;
- un EuroSCORE logistique > 20 % et/ou STS risk calculator > 10.
Notre premier patient
C’est le 26 juillet 2012 que le premier patient sélectionné dans notre centre a pu bénéficier de cette nouvelle technique. L’examen s’est déroulé sous anesthésie générale. Après une formation théorique sur la gestion des complications per et postopératoires et un apprentissage ciblant le sertissage, la première valve du centre a été implantée avec succès.
Cette première nous a permis de véritablement prendre conscience de l’importance d’une bonne formation, indispensable notamment dans la phase de sertissage de la prothèse, condition sine qua none de la réussite de l’intervention.
La phase d’apprentissage et l’évolution
Dans la foulée de ce premier succès, les « TAVI » suivants ont été rapidement programmés. Chaque valve nous a apporté une expérience différente tant au niveau médical que paramédical. Chaque sertissage a apporté son lot de difficultés qu’il a fallu appréhender.
Les infirmiers du service de cardiologie interventionnelle sont formés aux deux valves commercialisées par les sociétés Edwards et Medtronic. Un minimum de 10 valves serties est nécessaire pour être certifié et apte à former d’autres collègues.
Pendant les premières procédures, les médecins sont assistés par un spécialiste du TAVI pour l’apprentissage de la pose de la valve dans de bonnes conditions. Pour le confort du patient et par nécessité, en prenant en compte la taille des introducteurs nécessaires, les examens se sont déroulés sous anesthésie générale.
Avec l’expérience et l’évolution du matériel, les temps de procédures diminuent et la prise en charge par l’anesthésiste se minimise si bien que l’examen se déroule à l’heure actuelle avec un patient sédaté par voie veineuse en ventilation spontanée, les voies d’abords fémorales étant anesthésiées par un bloc ilio-inguinal avec monitorage.
Contrairement aux voies d’abords carotidienne, sous-clavière et transaortique, les TAVI réalisés par voie fémorale ne nécessitent plus d’anesthésie générale.
En termes de fonctionnement, la mise en place d’une valve aortique mobilise actuellement un cardiologue interventionnel, un chirurgien cardiaque, un anesthésiste et un infirmier anesthésiste, un binôme infirmier/manipulateur radio dédié en salle de cathétérisme.
L’évolution du matériel et des techniques
La valve SAPIEN de la société Edwards
(figure 1)
Figure 1. Évolution de la valve SAPIEN (Edwards).
En un peu plus de 10 ans, la valve initialement conçue et fabriquée par la start-up PVT (fondée par le Pr Alain Cribier aux États-Unis) a été rachetée par Edwards Lifesciences en 2004 et a connu 3 évolutions.
En effet, le péricarde équin initial a été remplacé par du péricarde bovin, dans un procédé limitant les phénomènes de recalcification. Ceci concerne la valve de première génération appelée « Valve SAPIEN ». Les progrès ont ensuite porté sur le profil de sertissage, deuxième génération dite « SAPIEN XT », et enfin sur la réduction des fuites paravalvulaires par ajout d’une jupe d’étanchéité, constituant ainsi la dernière génération baptisée « Valve SAPIEN 3 ».
Les cathéters de déploiement ont eux aussi évolué, avec une réduction drastique des profils, passant de 33 à 14 F.
Enfin, si le concept de valve à déploiement par ballonnet a été conservé, l’évolution globale du dispositif Edwards a été très significative tant en termes de facilité d’implantation qu’en termes de résultats cliniques comme l’ont prouvé les études associées à chaque évolution.
La valve CoreValve® de la société Medtronic
(figure 2)
Figure 2. Design de la valve CoreValve® (Medtronic), avec une nouvelle game spécifique à chaque taille.
La société Corevalve SA France voit le jour en 2001. La première implantation se déroule en 2004 en même temps que la création de la marque CoreValve Inc. La valve obtient le marquage CE en mai 2007 et son remboursement en juin de la même année. Toujours en 2007, l’HAS rend un avis favorable en décembre. Ce n’est qu’en avril 2009 que CoreValve® devient Medtronic CoreValve® après le rachat par la multinationale.
La valve de la société Corevalve a connu 2 générations et se compose de 3 éléments : une bioprothèse montée sur une armature en nitinol auto-expansible élaborée à partir de tissu péricardique porcin, un cathéter de pose coaxial, compatible avec un guide 0,035’’, et un système de compression et de chargement 18 F, unique pour toutes les tailles de valve. CoreValve® est une valve péricardique porcine sertie sur un système de pose partiellement repositionnable. L’évolution de cette valve se fera sur ces 3 composantes.
Ainsi, le cathéter actuel se compose d’un introducteur de diamètre réduit à 14 F, et d’un corps armé dans un seul sens pour permettre un autocentrage de la valve au cours de la pose. Sa poignée de largage apporte désormais une réponse 1/1 au largage et facilite la prise en main du système. De plus, au cours de l’ouverture, un craquement se fait entendre pour signifier le point limite de la recapture de la valve elle-même facilitée par une gaine de sertissage armée et opaque pour un contrôle visuel lors du sertissage. La prothèse devra donc être vérifiée sous scopie avant la mise en place dans l’introducteur.
Le système de compression évolue également avec la mise en place d’un système unique pour la valve 23 mm et un autre système pour les valves 26 et 29 mm. Cette compression de la valve n’est plus faite manuellement mais directement par le système.
Enfin, la valve elle-même évolue aussi. Alors que la CoreValve® possédait un seul moule, l’Evolut™ R possède son propre moule en fonction de la taille. Chaque valve a alors sa propre forme permettant une force radiale efficace dans toute son étendue d’utilisation.
Conclusion
En 2016, la voie d’abord fémorale pour les patients bénéficiant de l’implantation d’une prothèse aortique percutanée s’est largement développée. En raison d’une expérience engendrée par les équipes médicales et paramédicales, l’évolution du matériel proprement dit, la simplification de l’acte, l’anesthésie locorégionale voire locale, les procédures sont ainsi plus rapides et réduisent le coût de l’hospitalisation.
Le TAVI est une alternative pour certains patients contre-indiqués à la chirurgie. Avec l’arrivée sur le marché de nouvelles valves dans les prochains mois, cette technique pourrait devenir le principal traitement de la maladie aortique de demain.
Tableau. Comparatif entre les deux valves percutanées actuellement présentes sur le marché français.
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