Publié le 31 mai 2010Lecture 6 min
L’optimisation de la radioprotection de nos patients en cardiologie interventionnelle : la place du manipulateur radio
H. FALTOT, Hôpital Albert Schweitzer, Colmar
Depuis plusieurs années, l'imagerie cardiovasculaire interventionnelle révolutionne le traitement de la pathologie cardiovasculaire à l'aide de matériels et de techniques sans cesse plus innovants.
Force est de constater que le cathétérisme cardiovasculaire est l’une des pratiques médicales les plus irradiantes, tant pour le patient que pour l’opérateur et le personnel médical et paramédical qui l'assiste.
Comment peut-on donc optimiser dans la pratique courante la radioprotection des patients dans les salles de cathétérisme ?
Le constat
Si l’arrivée du capteur plan a permis de diminuer l’irradiation par rapport à l’amplificateur de brillance, des procédures de plus en plus complexes multiplient les incidences et les séquences et en conséquence augmentent les doses délivrées.
La radiodermite, complication première d’une irradiation mal contrôlée, n’est plus un sujet tabou, mais une réalité que l'on ne peut plus ignorer (figure 1).
Figure 1. Cas d’une radiodermite d’un patient observée 6 semaines après deux procédures rapprochées d’ablation de flutter.
Le principe ALARA
Les médecins pratiquant ces actes se doivent d’assurer à leurs patients, mais aussi aux personnels des salles de cathétérisme – parmi lesquels des manipulateurs en électroradiologie médicale – et enfin à eux-mêmes, une exposition rationnelle et justifiée aux rayonnements ionisants, selon le principe ALARA – As Low As Reasonably Achievable – « aussi bas qu’il est raisonnablement possible »(1,2).
Réfléchir et modifier nos pratiques(3)
Bien sûr, il faut tenir compte des bénéfices de l’examen demandé par rapport au risque d’irradiation encouru.
• Rapprocher pour chaque incidence l’amplificateur de brillance ou capteur plan le plus près du patient, tout en éloignant le patient du tube (figure 2).
Figure 2. A : L’amplificateur de brillance ou capteur plan est rapproché au maximum du patient. Dans les deux cas (B, C), la distance entre le foyer et l’amplificateur de brillance est la même. Toutefois, la dose à la peau est 4 fois plus élevée dans la configuration C du fait de la loi de l’inverse du carré de la distance (D).
Le nerf de la guerre : L’objectif de l’optimisation est d’obtenir une bonne qualité d’image pour une dose limitée, en veillant à recueillir l’information médicale recherchée.
Diminuer la cadence des images, tout en maintenant une bonne qualité.
Utiliser la scopie (toujours pulsée) à bon escient : certaines montées de cathéters dans l’aorte peuvent souvent se faire sans scopie dès lors que l’opérateur ne rencontre ni obstacle ni résistance.
Pour les examens nécessitant des temps d’exposition long (ablation par radiofréquence en rythmologie interventionnelle, recanalisations des occlusions chroniques, etc.), l’opérateur doit se donner un seuil limite d’exposition, et surtout changer d’incidence pour varier les points d’entrée du faisceau.
Les mesures les plus efficaces pour diminuer le rayonnement diffusé restent :
- la limitation du champ d’entrée avec un diaphragme réduit à la zone d’exploration (figure 3, A) ;
- l’homogénéisation du faisceau par la mise en place des filtres(2) diminue non seulement le diffusé mais aussi la dose à la peau tout en permettant d’augmenter la qualité image (figure 3, B) ;
- rajouter un filtre supplémentaire (figure 4) lors des procédures de rythmologie interventionnelle (examens avec des temps de scopie très longs et qui ne demandent pas nécessairement une bonne qualité de l’image) ;
- préférer les grands champs pour les explorations et utiliser les zooms numériques pour les agrandissements au lieu de travailler avec une taille de champ plus petite et plus irradiante (figure 5) ;
- considérer le cas des patients corpulents qui demandent des doses plus élevées, surtout en cas d’agrandissement, l’irradiation est encore majorée dans les doubles obliquités. N’oublions pas que lorsque les doses délivrées au patient augmentent, les doses reçues par le personnel croissent dans la même proportion.
Figure 3. Mesures visant à diminuer le rayonnement diffusé.
Figure 4. À droite, la mise en place d’un filtre Al/Cu a permis de réduire la dose au patient de 50 % !
Figure 5. Préférer les grands champs.
La formation et l’information
La formation
Les procédures interventionnelles sont complexes et très rigoureuses. Elles dépendent des opérateurs et les techniques diffèrent légèrement les unes des autres selon les centres. Il est particulièrement important dans ces conditions que les personnes réalisant les procédures soient parfaitement formées aux techniques cliniques et de radioprotection. Pour les paramédicaux, si les manipulateurs en radiologie sont les seuls à être dans l’obligation de se former, il y a lieu d’informer tous les personnels présents en salle de cathétérisme (IDE, IBODE, IADE...) afin qu’ils puissent eux aussi prendre conscience des risques liés à l’utilisation des rayonnements ionisants et des techniques de protection adaptées.
L’information au patient
Le consentement éclairé est essentiel et obligatoire. De nombreux patients ne sont pas informés du risque potentiel de lésions cutanées radio-induites par les rayonnements ionisants, ni de la nécessité d’un suivi régulier dès lors que les doses de rayonnements associées à des procédures complexes ont été atteintes. La feuille d’information de l’examen, signée par le patient doit mentionner les risques liés à l’irradiation (encadré)(4).
La place du MER
Dans le contexte de radioprotection des patients en salle de cardiologie interventionnelle, la radioprotection est la spécificité professionnelle du MER (Manipulateur en ÉlectroRadiologie).
Le MER est au cœur de la démarche d’optimisation des doses :
- il a été pendant longtemps la seule personne en salle de cathétérisme formée à la radioprotection ;
- il a une connaissance approfondie et globale des appareils, de leur fonctionnement ainsi que de leurs réglages optimum.
Conclusion
Optimiser nos pratiques en matière de radioprotection, c’est instaurer une véritable culture de la radioprotection, imposant une démarche à la fois individuelle et collective. On ne répétera jamais assez la place primordiale de la formation aussi bien pour les opérateurs que pour tout le personnel présent afin que chacun puisse prendre conscience et se convaincre des risques liés à l’utilisation des rayonnements ionisants.
En termes d'imagerie cardiovasculaire interventionnelle, si le patient reste bien évidemment l’acteur principal, l'opérateur quand à lui en est le réalisateur et à ce titre c'est à lui qu'il appartient de jouer son rôle dans la radioprotection ; de part sa spécificité, le manipulateur est en quelque sorte le metteur en scène et de ce fait se trouve obligatoirement placé au centre de la démarche d'optimisation des doses d'irradiation dans les salles de cathétérisme cardiovasculaire.
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