Publié le 30 déc 2021Lecture 4 min
Le périphérique à la rescousse de la coronaire
C. LAPERCHE1, B. HONTON1, unité de cardiologie interventionnelle, Clinique Pasteur, Toulouse
Il est bien établi que l’expertise de la cardiologie interventionnelle (maniement du guide, utilisation des microcathéters, stratégie de désobstruction ou gestion des complications) est une grande plus-value lorsque l’on souhaite traiter la pathologie des membres inférieurs. L’inverse est certainement exact et force est de constater que la culture de la pathologie vasculaire périphérique ainsi que les ressources techniques/technologiques permettent de résoudre certaines impasses lors d’angioplasties coronaires complexes.
Un des cas certainement parmi les plus iconiques est celui de Monsieur G, 65 ans souffrant d’une cardiopathie ischémique inaugurée en 2015 par un infarctus inférieur désobstrué sur la coronaire droite distale avec implantation d’un stent non actif de 4,5 x 18 mm. Un contrôle angiocoronarographique a été réalisé en 2017 devant la survenue d’un angor instable à la faveur d’un flutter auriculaire commun, qui relèvera d’un traitement médical. Cette pathologie coronaire s’inscrit dans un contexte de tabagisme toujours actif, d’une dyslipidémie et d’une hypertension artérielle sévère avec une observance thérapeutique aléatoire.
Il présente un nouveau syndrome douloureux thoracique le 10 mai 2021 avec, sur l’électrocardiogramme de surface, un infarctus inférieur en voie de constitution. Il est adressé pour angioplastie primaire et bénéficie d’un prétraitement par aspirine 250 mg IVD, ticagrelor 180 mg et HNF 4 000 UI en bolus.
Le temps de transfert du patient a été consacré à l’étude du film de 2017 mettant en évidence un réseau coronarien à dominance droite avec un aspect de mégadolichocoronaires et un athérome diffus. Le stent de 4,5 mm du segment distal de la coronaire droite était par ailleurs le siège d’un début de resténose non significative (figure 1).
La coronarographie réalisée en urgence révèle une occlusion thrombotique de la coronaire droite proximale sans anomalie du réseau gauche avec une reprise hétérocoronarienne de la rétroventriculaire gauche (figure 2).
Devant l’importante charge thrombotique attendue, une stratégie d’angioplastie en 7 F est décidée en première intention avec la mise en place d’un cathéter guide AL1 7 F. La progression du guide sera nettement plus complexe qu’attendu dans du thrombus frais, avec la nécessité d’utiliser des guides de performance croissante sur le support d’un microcathéter et qui permettront finalement de franchir l’occlusion (figure 3).
Après 67 minutes de procédure et malgré la réalisation de nombreuses thromboaspirations – cathéter Export® 7 F (Medtronic), puis sonde 6 F MP – permettant de ramener une charge thrombotique importante (figure 4), une injection intracoronaire d’anti-GPIIb-IIIa et des angioplasties étagées au ballon de 4 x 30 mm, le flux reste TIMI 0 avec un thrombus floride et un patient qui devient instable d’un point de vue hémodynamique (figure 5).
En désespoir de cause et sans solution, nous avons pris la décision de « créer » un tunnel de reperfusion par une angioplastie prolongée utilisant un ballon dédié normalement à la pathologie fémorale superficielle longue. Après un échange sur le microcathéter par un guide BMW de 3 mètres, nous avons réalisé une angioplastie prolongée (5 mm) avec un ballon OTW de 4 x 300 mm (Saber®, Cordis) inflaté de l’ostium vers la RVG (figure 6) nous donnant la bonne surprise de la restauration d’un flux TIMI 3 avec une charge thrombotique majeure résiduelle.
Après 1 mois de traitement associant fondaparinux à doses curatives et une DAPT contenant du ticagrelor, le contrôle angiographique met en évidence une reperméabilisation de la coronaire droite avec la disparition complète de la charge thrombotique. Par ailleurs, il s’avère que la lésion coupable du SCA est une resténose serrée immédiatement en sortie de stent qui sera traitée par un stent actif de 5 x 30 mm avec un bon résultat angiographique immédiat (figure 7).
Ce cas clinique illustre les difficultés que nous pouvons rencontrer lors de phases aiguës lorsqu’elles concernent des artères ectasiques ou anévrismales et qui sont souvent associées à une charge thrombotique majeure. Une alternative possible aurait été d’injecter en intracoronaire des fibrinolytiques mais l’association HNF/ticagrelor/aspirine/anti-GPIIb-IIIa nous faisait craindre un risque hémorragique trop conséquent. Une autre solution issue de la maladie artérielle périphérique aurait été l’utilisation de cathéter mécanique de thromboaspiration comme l’AngioJet ™ (Boston Scientific) ou le Rotarex® (Straub Medical) qui existent pour la pathologie thrombotique périphérique, mais dont l’utilisation intracoronaire est certainement non dénuée de risque (en dehors de son caractère off label…) et qui aurait nécessité l’utilisation de cathéters guides d’au moins 8 F. Cependant, ce cas plaide pour un décloisonnement des compétences entre la cardiologie interventionnelle, la chirurgie vasculaire et la radiologie interventionnelle, car la culture ainsi que les ressources techniques de chacune peuvent être salutaires pour s’extraire de situations cliniques complexes.
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