Polémique
Publié le 30 nov 2008Lecture 9 min
SYNTAX ou comment ne pas se fâcher avec ses amis ?
J.-P. MONASSIER, Hôpital Emile Muller, Mulhouse
Je me suis réveillé en colère (Marek Halter 2007, Robert Laffont).
Pourquoi ont-ils tout gâché en considérant les revascularisations itératives après angioplastie comme un Major Adverse Clinical Coronary Event (MACCE) ? À mon avis, les cardiologues du comité scientifique de SYNTAX pressentaient le résultat et n’ont pas voulu mettre en difficulté ceux qui sont nos complices dans l’aventure de l’angioplastie depuis le début de l’ère post-Grüntzigienne.
La seule possibilité pour qu’un essai clinique ne soit pas en faveur de l’angioplastie est de faire de la resténose la mère de tous les maux.
Pourtant quel magnifique travail ! On va donc s’expliquer en toute modestie, car il y a dans SYNTAX des éléments qui seront encore cités pendant de nombreuses années…
Pour tout vous dire, je ne suis pas allé à Munich et, dès que les résultats de SYNTAX ont été présentés, je me suis précipité sur Internet. J’étais serein : un très grand de la cardiologie interventionnelle mondiale (Patrick Serruys), quatre équipes françaises reconnues, des grands noms de la chirurgie et de l’angioplastie : j’allais me régaler… mais, je me suis fâché et je vais vous dire pourquoi.
Bien entendu, la chirurgie de pontage coronaire est une méthode de revascularisation majeure et a sauvé des centaines de milliers de vies depuis 40 ans. Qui en doutait ? Mais, dans SYNTAX, tout a été fait pour ne pas toucher à l’icône. En acceptant d’inclure dans le critère de jugement combiné les sempiternelles revascularisations itératives, on aurait pu donner les résultats à l’avance.
Dans SYNTAX, tout a été fait pour ne pas toucher à l’icône. En acceptant d’inclure dans le critère de jugement combiné les sempiternelles revascularisations itératives, on aurait pu donner les résultats à l’avance.
Près de 5 stents par patient
Comment ne pas imaginer qu’il n’y aurait pas quelques resténoses lorsqu’on est amené à implanter près de 5 stents par patient et au moins un segment recouvert de métal (certes avec du paclitaxel) sur plus de 100 mm dans un tiers des cas ?
Leur nombre est, comme on pouvait s’y attendre, significativement plus important que les thromboses de greffons dont on sait qu’elles ne se produisent pas majoritairement au cours de la première année mais sont une épée de Damoclès qui s’abat bien plus tardivement sur le patient… et le cardiologue interventionnel qui doit les traiter dans l’urgence.
Une fois de plus, on a manqué l’occasion de dire que même chez les patients anatomiquement les plus atteints, quand les deux techniques sont réalisables, l’angioplastie fait aussi bien que la chirurgie et cette fois même chez les diabétiques.
Disons un mot des greffons
Si 96 % des patients ont bénéficié d’une mammaire sur l’IVA (c’est bien la moindre des politesses au XXIe siècle), seuls 10 % ont eu droit à deux greffons artériels et près de 80 % à au moins un greffon veineux. Une façon discutable de préserver l’avenir !
Plutôt que de se mesurer à l’angioplastie, ne faudrait-il pas que nos amis chirurgiens se mesurent d’abord à eux-mêmes comme ils l’ont si bien fait par le passé.
Nous voulons, nous, cardiologues interventionnels, du « tout artériel » pour nos patients, au moins pour ceux âgés de moins de 70 ans ! La voie ouverte par les techniques proposées par certains, comme Patrick Nataf, pourrait peut-être faire des émules.
Et ces 15 % de « cœurs battants » que viennent-ils faire dans une étude aussi sérieuse ? Le pontage sous CEC aurait dû être exigé pour ne pas nuire à l’homogénéité de la population pontée.
Un essai majeur
Le calme revenu, force est néanmoins de constater qu’il s’agit d’un essai majeur qui fera date. Des résultats remarquables peuvent déjà être extraits, même au terme d’un recul encore limité à 1 an (qui sera sans nul doute prolongé bien au-delà).
SYNTAX a inclus 3 075 patients : 1 800 dans le bras « randomisé » et 1 275 dans le bras « registre ». Pour que l’inclusion soit effective et randomisable, outre l’accord du patient, il fallait que ce dernier présente :
- soit une atteinte du tronc commun gauche associée ou non à au moins une sténose (ou une occlusion chronique) de 1, 2 ou 3 vaisseaux ;
- soit une atteinte tritronculaire.
Rien n’a été précisé à propos de la fonction ventriculaire sauf qu’elle n’était pas un critère d’exclusion, les seuls critères interdisant l’inclusion étant un infarctus récent (ST+ ou non), un antécédent de revascularisation et une nécessaire chirurgie associée, par exemple valvulaire.
Dans chaque cas, chirurgien et angioplasticien avaient considéré que les deux techniques étaient possibles.
Le registre adossé à cette étude a permis de suivre également les patients pouvant bénéficier d’une seule des deux méthodes de revascularisation (chirurgie pour 85 % d’entre eux et angioplastie pour 15 %).
Il est donc permis de dire que près de deux tiers des patients ayant une atteinte du tronc et/ou des trois vaisseaux sont éligibles pour une angioplastie : même les chirurgiens en conviennent puisqu’ils ont participé à l’indication !
SYNTAX s’est donc bien adressé à une population de 1 800 patients stables, gravement atteints sur le plan anatomique, dont 26 % étaient diabétiques et dont la moyenne d’âge était de 66 ans. Le sexe féminin était représenté par 1 patiente sur 5 dans les deux groupes. Les deux populations randomisées étaient parfaitement comparables.
À 1 an, le critère primaire est en faveur de la chirurgie et l’hypothèse testée « l’angioplastie n’est pas inférieure au pontage dans cette population » ne peut être retenue. En langage décodé : l’angioplastie reste inférieure malgré les stents pharmacoactifs en cas d’atteinte du tronc gauche et/ou pluritronculaire.
Conclusions moins politiquement correctes
L’auditeur (et probablement bientôt le lecteur) a le droit de tirer des conclusions moins politiquement correctes des chiffres rendus publics :
• près de 60 % des patients présentant une sténose du tronc gauche et/ou une atteinte tritronculaire peuvent bénéficier de l’angioplastie avec stent actif (Taxus®) ;
• Après 1 an, la mortalité toute cause est identique chez ces patients très sévèrement atteints mais cliniquement stables, quelle que soit la technique de revascularisation ;
• la mortalité hospitalière est faible dans les deux groupes ;
• il n’y a aucune différence de mortalité entre les diabétiques et les non-diabétiques ;
• le taux de thromboses de stents actifs au cours de la première année correspond aux données de la littérature (bien qu’on ne dispose d’aucune indication sur l’intensité et la durée du traitement antiplaquettaire) ;
• on est bien obligé de relever une incidence de plus de 2 % d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) après chirurgie contre à peine 0,6 % après angioplastie (seule différence significative de toute l’étude hormis les nouvelles revascularisations) (figure).
Préférez-vous une resténose ou une hémiplégie ? Non c’est trop, je suis de très mauvaise foi, cela m’a échappé !
Figure. Résultats de l’étude SYNTAX à 1 an.
Préférez-vous une resténose ou une hémiplégie ?
La lecture non polémique des résultats de cette très belle étude (qui pourra être encore plus minutieuse lorsqu’elle sera effectivement publiée) nous donne des informations qui poussent à l’optimisme.
Le choix entre angioplastie et chirurgie est donc réalisable sereinement devant chaque situation clinique et anatomique.
Les résultats de SYNTAX sont superposables à ceux de la métaanalyse de Mercado associant ARTS, ERACI II, MASS II, SoS(1) (tableau), hormis l’absence de différence d’incidence d’AVC (plus faible dans le groupe chirurgical et plus élevée dans le groupe angioplastie comparativement à SYNTAX).
On peut se demander si la prolongation du double traitement antiplaquettaire accompagnant les stents pharmacoactifs n’a pas une conséquence heureuse, à savoir une diminution des événements thrombotiques cérébraux et/ou coronaires expliquant la mortalité moins importante chez les patients traités par ce type de stents et suivis plus de 4 ans(2).
SYNTAX va marquer l’histoire de la revascularisation myocardique. C’est une des dernières pierres de l’édifice comparant angioplastie et chirurgie qu’avait souhaité Andreas Gruntzig dès l’arrivée de la technique au début des années 1980. Il faut maintenant passer à autre chose.
Une exigence de qualité
On sait dilater les malades stables pluritronculaires.
La seule limite aujourd’hui est la qualité et le savoir-faire des cardiologues interventionnels qui souhaitent traiter ces patients. Car prudence, on entre dans un autre monde qui était le domaine réservé des chirurgiens.
Si tous les chirurgiens cardiaques formés dans nos écoles savent opérer ces patients, combien d’angioplasticiens savent prendre en charge ce type de malades ? Avant de se lancer, faut-il se demander si on est aussi bon que les membres des 4 équipes françaises admises dans le Gotha des équipes mondiales ayant participé à SYNTAX ? Tous ne peuvent probablement pas prétendre à un tel niveau ! Entreprendre de telles revascularisations mérite, à mon humble avis, une collaboration étroite in situ avec une équipe chirurgicale.
Les futurs enjeux
Il faut désormais se préoccuper des techniques de revascularisation combinées dites « hybrides » associant, chez un même patient, les avantages et les inconvénients des deux méthodes.
Et surtout, il y a tout le champ abandonné par une majorité de chirurgiens : l’urgence coronaire ! C’est un autre sujet et non des moindres.
SYNTAX est la première étude randomisant 1 800 patients entre pontage et angioplastie, qui compare les taux de réintervention pour resténose, d’accidents vasculaires postopératoires ou de repontage précoce. Mais ces éléments sont-ils comparables ? Tout le monde est d’accord pour comparer des taux de thromboses de greffons et de thromboses de stents certaines ou probables(3), de réhospitalisations pour syndrome coronaire aigu… Là est le défi : évaluer non pas la resténose, mais les éléments du pronostic vital.
Un malade SYNTAX : quelle attitude préconisez-vous ?
Un homme de 61 ans est hospitalisé pour angor d'effort évoluant depuis 6 mois et résistant au traitement médical.
La coronarographie retrouve une sténose serrée de la partie proximale de l'IVA moyenne suivie d'une occlusion complète en aval (figure 1) avec lit d'aval paraissant de petit calibre (figure 2), une sténose serrée courte de la partie distale de la circonflexe proximale (figure 3) et une coronaire droite multisténosée et non revascularisable.
Quelle serait votre attitude ?
Double mammaire IVA et marginale ou double angioplastie ?
La décision a finalement été celle d'une revascularisation par angioplastie en raison de l’âge du patient, du lit d'aval moyen de l'IVA et du choix du patient après présentation objective des deux alternatives.
Résultat après angioplastie avec stents Xience V 2,75 x 12 et 2,78 x 28 sur les deux sites de l'IVA et stent Xience V 2,75 x 15 sur la circonflexe (figure 4 et 5).
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