Publié le 15 juin 2022Lecture 7 min
La fermeture artérielle en ambulatoire - Compression manuelle ou système de fermeture ?
Comlan MAWUKO BLITTI et coll.*, service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique, CHU François Mitterrand, Dijon
Le développement des actes interventionnels dans un cadre ambulatoire est inéluctable pour des raisons sociales, médicales et économiques(1). La pénurie actuelle en lits d’hospitalisation conventionnelle, conjonction de la pandémie et d’une désaffection paramédicale, va finir de convaincre les plus réticents(2). Mais l’ambulatoire ne se conçoit que s’il offre un niveau de sécurité équivalent à une prise en charge hospitalière traditionnelle.
Dans le domaine interventionnel artériel, on estime à 7 millions le nombre annuel de procédures percutanées pratiquées dans le monde, dont une majorité par voie fémorale(3). Elles sont facilitées par la miniaturisation du matériel endovasculaire et exposent à un risque de complication essentiellement autour du point de ponction artérielle : hémorragie, hématome, thrombose, faux anévrisme, dissection, etc. Ces complications concernent jusqu’à 7 % des procédures(4) et peuvent engager le pronostic vital du patient lorsqu’elles se produisent loin d’une structure de santé. Une fois éliminées les situations incompatibles avec une sortie le jour même (isolement social, incompréhension manifeste, réticence pugnace, co-morbidités rédhibitoires, score ASA > 3, obésité morbide), la sécurisation du point de ponction devient la pierre d’achoppement de la procédure ambulatoire.
Des recommandations françaises pour la gestion des procédures endovasculaires ambulatoires pour maladie artérielle périphérique des membres inférieurs ont été publiées sous l’égide de la Société de chirurgie vasculaire et endovasculaire de langue française (SCVE) dans le but d’optimiser et de sécuriser la procédure(5). Elles comprennent notamment la réalisation du geste de ponction artérielle sous contrôle échographique, une surveillance après retrait du matériel pendant au moins 4 h, un examen clinique et/ou échographique du point de ponction avant la déambulation postopératoire, puis après déambulation avant la sortie de l’institution, afin de s’assurer de l’absence de complication au point de ponction.
Entre la compression manuelle traditionnelle et les différents systèmes de fermeture de plus en plus ingénieux, quelle est la solution optimale dans la prise en charge ambulatoire des patients ?
La compression manuelle ⌋
Une fois le matériel retiré, la compression manuelle contre le relief osseux sous-jacent a été le premier moyen de contrôler le point de ponction : artère fémorale commune contre le cotyle et la tête fémorale (figure 1), artère brachiale contre le condyle médial de l’humérus (figure 2), artère radiale contre la styloïde radiale. La force exercée par les doigts de l’opérateur doit être dosée pour éviter aussi bien une fuite sanguine qu’une thrombose artérielle, et suffisamment prolongée pour stabiliser le clou hémostatique qui obstrue l’orifice. Elle est classiquement suivie d’une compression par un bandage élastique ou un système de contention mécanique pendant plusieurs heures pour consolider la fermeture de l’orifice de ponction.
L’avantage majeur de la compression manuelle est d’éviter la mise en place dans la lumière artérielle ou au contact de sa paroi, d’un matériel étranger, source potentielle d’infection locale, d’obstacle sténosant et d’hyperplasie myo-intimale(4,6).
Son intérêt et sa sécurité ont été prouvés pour des points de ponctions de petit calibre, à 4F(7) et 5F(8). À partir de 8F, la compression manuelle n’est presque plus utilisée.
Son inconvénient est la durée nécessaire pour obtenir l’hémostase au point de ponction (10 à 30 minutes selon le diamètre de l’introducteur retiré) et la perte de temps engendrée, à quoi s’ajoute la fatigabilité de l’opérateur qui peut diminuer l’efficacité de la compression. Pour la ponction fémorale, il est recommandé de maintenir le patient allongé pendant 4 à 8 heures pour ne pas mobiliser précocement le clou hémostatique. Il a été montré qu’une déambulation était possible 5 heures après retrait d’un matériel de 5 F et compression manuelle(9).
Certains facteurs associés tels que la surcharge pondérale, l’anticoagulation chronique et les orifices de ponction larges (au-delà de 7 F) peuvent rendre la compression manuelle hasardeuse(3,4).
En dehors de l’artère fémorale commune, d’autres abords artériels interventionnels se sont développés.
Les autres abords artériels interventionnels
• La ponction radiale au poignet. Elle offre l’avantage d’une compression manuelle facile contre la styloïde radiale, rapidement relayée par un système de contention mécanique bien adapté autour du poignet, mais la taille de l’artère limite le recours à des plateformes de petit calibre, en général 4 F. Les procédures interventionnelles coronariennes s’y concentrent(10). Des procédures périphériques y sont réalisées mais nécessitent des ancillaires très longs (guides de 4 mètres, sondes et porteurs longs, plate-forme monorail).
• La ponction brachiale au-dessus du pli du coude, en regard du condyle médian de l’humérus, permet l’usage de plateformes jusqu’à 6 ou 7 F, et a vu son utilisation se développer. Un des inconvénients majeurs est la proximité du nerf médian qui partage le plus souvent une gaine commune avec l’artère brachiale et peut être victime d’un hématome compressif parfois très délétère, lors du retrait du matériel et de la compression manuelle (figure 2), si bien que certains ont recours à un court abord chirurgical pour contrôler le point de ponction par une bourse de fil monofilament, qui ne contre-indique pas la prise en charge ambulatoire.
Les systèmes de fermeture ⌋
Le développement de systèmes de fermeture percutanés a permis de sécuriser le contrôle du point de ponction, de supprimer le temps de compression manuelle et le plus souvent d’éviter le bandage élastique ou la contention mécanique consécutifs. Ils supplantent petit à petit la compression manuelle, sans avoir pour autant montré une réelle supériorité(3).
Les systèmes de fermeture artérielle, disponibles depuis les années 1990, permettent surtout une déambulation plus pr coce et améliorent le confort des patients(11). Ils sont dits « actifs » lorsqu’ils ferment le point de ponction par un clip en nitinol ou un fil de suture, et « passifs » quand ils déploient un bouchon de collagène ou de gel en dehors de l’artère, au contact du point de ponction, avec ou un contre-appui temporaire ou permanent dans la lumière artérielle, pour assurer l’hémostase sans le fermer directement (figure 3). En 2013, on estimait leur marché à 1 milliard de dollars(3).
Peu d’études ont comparé les différents systèmes entre eux : récemment, l’étude STEP a montré une plus grande efficacité d’un système supporté par un bouchon de polymère comparé à un système impliquant des fils de suture(12).
Les indications d’utilisation des différents systèmes de fermeture excluent certaines situations fréquemment rencontrées dans la pratique courante : autres artères que la fémorale commune, artère fémorale commune de petit calibre, artère pathologique, artère très calcifiée, saignement autour de l’introducteur pendant la procédure, coagulopathie, anticoagulation au long cours, abord redux, obésité morbide. Ces cas de figure ont en général aussi été exclus des études publiées, alors que potentiellement, ils bénéficieraient plus que les autres d’un système de fermeture(3).
Autres systèmes de compression ⌋
En se basant sur le même mécanisme que la compression manuelle, il existe des systèmes de compression externe des points de ponction qui ne réduisent pas le temps de compression nécessaire à l’hémostase mais diminuent la fatigabilité du personnel soignant et l’occupation de la salle d’intervention.
Certaines compresses enduites comportent un effet hémostatique qui réduirait le temps de compression nécessaire pour obtenir l’hémostase. Le principe déjà utilisé pour la gestion des saignements veineux et artériels traumatiques ou iatrogènes, activerait la coagulation(13,14).
À ce jour, leurs preuves scientifiques restent faibles.
Taille des introducteurs ⌋
La miniaturisation du matériel endovasculaire, permet de réaliser de plus en plus de procédures avec une plateforme en 4 F, qui ne nécessite pas de système de fermeture et se contrôle efficacement avec une compression manuelle de moins de 10 minutes. L’étude BIO4AMB a ainsi montré un taux de complications similaires entre les plateformes 4 F contrôlées par compression manuelle et les plateformes 6 F utilisant un système de fermeture, dans une utilisation ambulatoire(7).
Au-delà de 7 F, l’utilisation d’un système de fermeture est recommandé, même si la compression manuelle a pu être utilisée également avec un pansement compressif complémentaire(5,15).
Les abords percutanés pour traiter les pathologies aortiques (EVAR, TEVAR, BEVAR, FEVAR) et les TAVI ont été possibles grâce au développement de systèmes de fermeture de gros calibre spécifiques ou dérivés, et mis en place le plus souvent, en préambule (preclosing) du matériel de gros calibre jusqu’à 24 F. La compression manuelle n’a pas sa place dans ce contexte et leur gestion en ambulatoire a été publiée mais reste encore confidentielle(16).
Conclusion ⌋
Le contrôle du point de ponction artérielle est crucial pour les procédures réalisées en ambulatoire. Même si les systèmes de fermeture prennent le pas sur la compression manuelle en apportant confort, satisfaction et mobilisation précoce au patient et en diminuant le temps d’occupation de la salle d’opération ou de cathétérisme, les deux méthodes sont recevables au scarpa, surtout pour les plateformes de petit calibre jusqu’à 7 F. Lorsque les conditions sont hostiles (obésité, prise d’anticoagulants, plateforme de 8 F et plus), le recours à un système de fermeture s’impose. ⌋
* Alexandre POUHIN, Valentin CRESPY, Julien DIE-LOUCOU, Claire FAVIER, Eric STEINMETZ
Service de chirurgie cardiovasculaire et thoracique, CHU François Mitterrand, Dijon
Remerciements
Les auteurs remercient Monsieur Jairo Garcia Rodriguez pour ses illustrations. Illustrations médicales (jairoillus- trations@gmail.com).
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