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HTA

Publié le 28 juil 2013Lecture 7 min

Syndrome d’apnées obstructives du sommeil et HTA à travers les recommandations

J.-P. BAGUET, CHU de Grenoble

Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil est une pathologie fréquente qui devrait également être mise au rang de facteur de risque cardiovasculaire. Il favorise la survenue d’une HTA par plusieurs mécanismes, et doit être évoqué chez tout hypertendu. Sa meilleure connaissance devrait permettre d’améliorer la prise en charge de nos patients hypertendus, tant en termes diagnostiques, pronostiques que thérapeutiques.

Le SAOS : de son origine à son diagnostic   Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) est dû à un collapsus complet ou partiel des voies aériennes supérieures. Ce collapsus peut être favorisé par un morphotype facial particulier, des anomalies musculaires, une obésité (infiltration graisseuse), un encombrement du pharynx par de grosses amygdales ou végétations, un tabagisme (inflammation pharyngée), la prise d’hypnotiques ou d’alcool (hypotonie musculaire) ou encore un diabète (neuropathie pharyngée). 
 La répétition d’épisodes de collapsus du pharynx a 4 conséquences principales : 
- une alternance désaturation-réoxygénation ; 
 - des épisodes transitoires d’hypercapnie ; 
 - des efforts respiratoires accrus ; 
 - et des micro-éveils en fin d’événements respiratoires. 
   Ces stimuli sont à l’origine de nombreuses modifications neurohormonales que nous détaillerons ultérieurement, la plupart découlant de l’hypoxie intermittente liée au SAOS. 
Le SAOS favorise entre autres la survenue d’un sommeil agité avec réveils fréquents, d’une nycturie, de ronflements entrecoupés d’arrêts respiratoires, d’une asthénie matinale, d’une hypersomnolence diurne, de troubles de concentration et de céphalées. 
Le niveau de somnolence peut être quantifié par l’échelle d’Epworth. Cette somnolence reste toutefois difficile à apprécier chez les patients « cardiologiques ». Il existe plusieurs outils de dépistage et de diagnostic du SAOS, allant de la simple oxymétrie nocturne à la polygraphie ventilatoire, en passant par l’oxymétrie associée à une canule nasale. L’examen de référence est la polysomnographie associant polygraphie respiratoire et enregistrement du sommeil. Tous ces outils peuvent être utilisés en ambulatoire. 
Les événements respiratoires pris en compte pour le diagnostic de SAOS sont les apnées (interruption totale du flux respiratoire), les hypopnées (baisse de plus de 50% du flux inspiratoire ou de moins de 50% associée à une désaturation en oxygène > 3% et/ou à un micro-éveil) et les limitations inspiratoires de débit, chaque événement devant durer plus de 10 secondes. Les apnées sont dites obstructives si l’effort respiratoire persiste. On définit un index d’apnées/hypopnées (IAH) rapporté à la durée de l’enregistrement : un SAOS étant retenu pour un IAH > 15/h.   Un peu d’épidémiologie : relation SAOS et HTA   Le SAOS touche au moins 10% de la population générale ; sa prévalence (encore sous-estimée) augmente avec l’âge et est plus élevée chez l’homme, surtout en surpoids. Le SAOS est associé à une altération de la qualité de vie des patients (somnolence, troubles attentionnels) ainsi qu’à une morbimortalité cardiovasculaire accrue. Ainsi, la prévalence du SAOS est d’environ 60% dans l’HTA et les accidents vasculaires cérébraux, 70% dans l’insuffisance cardiaque et 30% dans la pathologie coronaire. Elle est également élevée en présence d’un trouble du rythme ou de la conduction cardiaque. 
Le SAOS n’explique cependant pas tout chez ces patients qui ont fréquemment d’autres facteurs de risque cardiovasculaire, en particulier une surcharge pondérale ou une obésité, souvent de type viscéral. 
 L’HTA associée au SAOS a plusieurs caractéristiques. Elle est à prédominance nocturne, avec un profil souvent non dipper (chute nocturne de la pression artérielle < 10%), et l’élévation tensionnelle intéresse préférentiellement la PA diastolique. 
De plus, un SAOS est retrouvé chez près de 80% des patients porteurs d’une HTA résistante. Dans cette dernière situation, le SAOS représente (en prévalence) la première cause/condition de résistance au traitement. 
Du fait des caractéristiques de l’HTA du SAOS, la mesure ambulatoire de la PA (MAPA) sur 24 heures représente l’outil diagnostique le plus approprié et ainsi la méthode de référence (figure).   Figure. Les mécanismes liant le SAOS à l’HTA   Sur le plan physiopathologique, la PA s’abaisse au début de chaque apnée, puis augmente progressivement jusqu’à un pic pressif survenant au moment de la reprise ventilatoire, la PA systolique pouvant s’accroître de 15 à 80 mmHg lors d’un micro-éveil cortical. 
 L’hypoxie intermittente présente au cours du SAOS est à l’origine d’une mise en jeu de plusieurs mécanismes augmentant la PA : hyperréactivité sympathique (principal mécanisme), dysfonction endothéliale, inflammation systémique, stress oxydant marqué, anomalies de la coagulation, activation des systèmes rénine-angiotensine-aldostérone et endothéline, diminution de la sensibilité baroréflexe ou encore anomalies métaboliques, en particulier résistance à l’insuline.   Effets du traitement du SAOS sur la PA   Le traitement de référence du SAOS est la ventilation nocturne par pression positive (5 à 15 cm d’eau) continue (PPC). 
Son efficacité est parfaitement établie sur la somnolence et les événements respiratoires nocturnes. Plus récemment, plusieurs études ont également montré son intérêt pour diminuer de façon significative les conséquences cardiovasculaires du SAOS. 
 Concernant l’effet de la PPC sur les chiffres tensionnels, les données (études et méta-analyses) convergent sur un rôle bénéfique, mais de faible ampleur (2 à 3 mmHg) dans la population générale des patients apnéiques. En revanche, certains patients peuvent voir leur PA diminuer de façon significative : les hypertendus, surtout si la PA est très élevée et/ou l’HTA non traitée ou résistante, les patients avec un SAOS sévère et ceux dont l’observance à la PPC est ≥ 5 h par nuit (tableau). En effet, il existe une relation de type dose-réponse entre la durée d’utilisation de la PPC et son efficacité. 
 Les patients apnéiques doivent par ailleurs suivre des règles hygiéno-diététiques telles que perte de poids, réduction de la consommation d’alcool et de tabac, limitation de l’utilisation des hypnotiques. Certaines situations nécessitent une prise en charge complémentaire : évitement de la position allongée en cas de SAOS positionnel, mise en place d’une orthèse d’avancée mandibulaire et, plus rarement, chirurgie en cas de dysmorphie faciale. 
 Très peu d’études se sont intéressées à l’effet du traitement pharmacologique de l’HTA chez le patient apnéique. Parmi les classes thérapeutiques qui semblent à privilégier en présence d’un SAOS, citons les bêtabloquants et les bloqueurs du système rénine-angiotensine-aldostérone. Tableau. Que disent les recommandations sur l’association SAOS-HTA ?   Nous allons rappeler le contenu des principales recommandations dans ce domaine et ce dans un ordre chronologique. 
Les recommandations de la Haute Autorité de santé sur la prise en charge de l’HTA de l’adulte, émises en 2005 (suspendues mais non supprimées), ont à plusieurs reprises évoqué le lien entre SAOS et HTA : 
 1. La MAPA est plus particulièrement indiquée pour évaluer le mode de variation de la PA chez les patients atteints d’un SAOS. 
 2. Le SAOS est l’une des principales causes d’HTA secondaire. 
3. Le SAOS fait partie des facteurs de résistance au traitement pouvant être corrigés : il doit donc être recherché(1). 
 Pour les Sociétés européennes d’hypertension artérielle (ESH) et de cardiologie (ESC) (recommandations de 2007 sur la prise en charge de l’HTA), l’interrogatoire de tout patient hypertendu doit inclure la recherche d’un SAOS(2). Dans ces recommandations, le chapitre dédié au SAOS est particulièrement développé. Citons les éléments suivants : 
1. Les patients non dippers doivent être investigués pour un SAOS. 
2. Le SAOS favorise l’augmentation de la PA chez la majorité des hypertendus. 
 3. Le SAOS est une cause d’HTA secondaire et doit être recherché systématiquement en présence d’une HTA résistante.   
Les recommandations françaises de 2010 pour la pratique clinique dans le cadre du SAOS rappellent que ce dernier est un facteur indépendant pour le développement d’une HTA (niveau de preuve 1)(3). Elles précisent également qu’il existe une relation de type dose-réponse entre la sévérité du SAOS et le risque de survenue d’une HTA (niveau de preuve 1). 
 Pour la première fois, l’ESC a clairement individualisé le SAOS comme une condition augmentant le risque cardiovasculaire(4). Ainsi, dans les recommandations européennes de 2012 sur la prévention des maladies cardiovasculaires, l’ESC a mis en avant que le dépistage et le traitement du SAOS chez les coronariens hypertendus pouvaient diminuer les événements cardiaques, y compris les décès. 
 Enfin, un « Position paper » très complet sur la prise en charge des patients avec SAOS et HTA (recommandations jointes de l’ESH et de la Société européenne de pneumologie) a été publié en 2012(5).   Ce qu’il faut retenir   Le SAOS favorise l’élévation des chiffres tensionnels. Du fait des caractéristiques de l’HTA du patient apnéique, la MAPA représente l’outil de mesure le mieux adapté pour dépister une augmentation de PA au cours d’un SAOS. Tout patient apnéique est un hypertendu en puissance. Tout hypertendu est suspect d’être porteur d’un SAOS. Le SAOS représente une des formes d’HTA secondaire. Un SAOS doit systématiquement être évoqué (y penser !) en présence d’une HTA. Il doit être recherché (recommandations) en cas de suspicion clinique forte et/ou lorsque l’HTA est résistante.

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