Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 31 aoû 2013Lecture 7 min
Rationnel et avantages de la biprise de dabigatran dans la fibrillation atriale non valvulaire
M.-M. SAMAMA, Groupe Broca-Cochin-Hôtel Dieu, Paris ; Laboratoire Biomnis, Ivry-sur-Seine
Des études importantes et de bonne qualité méthodologique sur la pharmacocinétique du dabigatran étexilate ont été conduites pour déterminer quelle était la posologie la plus appropriée chez les patients ayant une fibrillation atriale non valvulaire (FA).
Les études ont concerné des volontaires sains jeunes, des sujets âgés de plus de 65 ans, et également des patients ayant une FA avec ou sans insuffisance rénale.
Les études ont comparé également l’intérêt d’une prise unique quotidienne à celui d’une biprise quotidienne. Cette dernière assure une meilleure couverture médicamenteuse pendant 24 heures. Le rapport entre la concentration maximale à l’état d’équilibre et la concentration minimale à l’état d’équilibre est plus satisfaisant dans le cas d’une biprise quotidienne par rapport à une monoprise quotidienne, les rapports étant respectivement de 1,9 et 4,5 environ.
Au total, l’intérêt de la biprise est confirmé chez les patients ayant une FA par les résultats observés dans les études de pharmacocinétique et dans l’étude de morbi-mortalité RE-LY.
La fibrillation atriale (FA) non valvulaire est un véritable problème de santé publique. Sa fréquence augmente avec l’âge et, au-dessus de 80 ans, un sujet sur dix est atteint, avec un risque important d’accident vasculaire cérébral (AVC) et d’embolie systémique.
Les antagonistes de la vitamine K (AVK) utilisés depuis plus de 50 ans ont fait la preuve de leur grande efficacité dans la prévention des accidents ischémiques vasculaires cérébraux(1) chez les patients ayant une FA.
Près de 20 % des patients reçoivent une posologie plus faible d’AVK que celle recommandée et 20 % des patients sont en surdosage, d’où un risque hémorragique accru.
L’avènement de nouveaux anticoagulants actifs par voie orale (NACO) a pour objectif une plus grande efficacité thérapeutique sans augmentation et souvent même avec une diminution du risque hémorragique, qui reste cependant un effet secondaire de tous les anticoagulants.
Le dabigatran a été le premier à démontrer son intérêt dans la FA non valvulaire. Le dabigatran étexilate est présenté en gélules de 150 ou de 110 mg pour la prévention des AVC chez les patients ayant une FA non valvulaire.
Dabigatran a fait l’objet d’une grande étude de morbi-mortalité, randomisée et contrôlée, l’étude RE-LY(4).
À une posologie fixe de 150 mg, 2 fois par jour, le dabigatran a montré une supériorité sur le critère efficacité (réduction de 35 % des AVC et des embolies systémiques) par rapport à la warfarine (avec un ajustement du traitement pour maintenir l’INR entre 2 et 3). Le risque d’hémorragies majeures a été comparable à celui sous warfarine.
À la posologie de 110 mg, 2 fois par jour, le dabigatran a montré une non-infériorité sur le critère d’efficacité comparativement la warfarine. Le risque d’hémorragies majeures a été significativement plus faible que celui observé sous AVK.
Dans les deux groupes dabigatran de l’étude RE-LY, le nombre d’hémorragies intracrâniennes, ou d’hémorragies menaçant le pronostic vital a été plus faible sous dabigatran que sous warfarine.
L’une des questions souvent posées par le praticien est la nécessité de fractionner la posologie de dabigatran en deux prises plutôt qu’une prise quotidienne. Le choix de deux prises par jour pourrait intervenir dans la qualité de l’observance du malade pour son traitement. En revanche, l’omission d’une prise a moins de conséquence dans le cas de la biprise que dans celui de la monoprise quotidienne.
Les implications de l’oubli d’une prise dans le cas de la biprise par rapport à la monoprise dépendent de la demi-vie du produit. Le dabigatran a une demi-vie de 12-14 h et son effet anticoagulant est directement lié à sa concentration plasmatique. Par conséquent, l’oubli d’une dose dans le cas d’une monoprise laisserait le patient sans une anticoagulation suffisante pendant à peu près 36 heures ; en revanche, l’oubli d’une dose dans le cas d’une biprise laisserait le patient sans une anticoagulation suffisante pendant 12 heures.
Des informations sont apportées d’abord par les études de pharmacocinétique et pharmacodynamiques (phase I), mais aussi par des études de phase II et III. Les études de pharmacocinétique ont été effectuées chez des volontaires jeunes et sains(5) et chez des sujets âgés d’au moins 65 ans et en bonne santé(6), ainsi que chez les sujets ayant une insuffisance rénale(7).
À l’inverse des AVK, le dabigatran est caractérisé par une augmentation rapide de la concentration plasmatique, avec une concentration maximale atteinte en 30 minutes à 2 heures après la prise. La concentration plasmatique de dabigatran varie en parallèle avec son activité anticoagulante, comme cela est mesuré par le temps d’écarine et le temps de thrombine. La concentration baisse de manière relativement rapide, puisque la moyenne de la demivie d’élimination du médicament est de 12 à 14 heures, cette demi-vie étant prolongée en cas de troubles de la fonction rénale.
Chez le sujet âgé, la posologie médicamenteuse a été de 150 mg, deux fois par jour pendant 7 jours(6). Chez ces sujets, âgés d’au moins 65 ans (18 hommes et 18 femmes), les dosages répétés de dabigatran dans le plasma montrent que la concentration maximale est atteinte en 3 heures en moyenne (2 à 4 heures). La demi-vie d’élimination est de 12-14 heures. La concentration maximale (Cmax) est de 256 ng/ml et la concentration minimale à l’état d’équilibre est de 79 ng/ml, suggérant une bonne couverture du nycthémère. Les valeurs de la Cmax, s’agissant des sujets âgés, sont plus élevées que celles observées dans l’étude de A. Clemens (tableau 1)(8), et que les valeurs de référence attendues (tableau 2). À noter dans ce travail, l’influence de la coadministration du pantoprazole 40 mg administré deux fois par jour, qui entraîne une diminution de la concentration médicamenteuse plasmatique, en principe sans retentissement clinique, comme montré dans l’étude RE-LY.
Ces études ont montré une variabilité interindividuelle modérée, indiquant que dabigatran a un profile pharmacocinétique prédictible.
Dans une étude de recherche de dose (PETRO), menée chez les patients ayant une FA non valvulaire, plusieurs doses ont été évaluées : 50, 150 et 300 mg en deux prises jour :
• la dose de 150 mg 2 x/j a été la dose optimale, car elle a été bien tolérée, sans apparition d’hémorragies majeures et avec une activité anticoagulante appropriée ;
• un risque d’hémorragies majeures a été observé avec la dose de 300 mg, 2 x/j ;
• un risque d’événements thromboemboliques a été observé avec la dose de 50 mg, 2 x/j9.
Par conséquent, la dose de 150 mg 2 x/j a été utilisée par la suite dans la majorité des études cliniques, inclusivement, comme déjà mentionné, dans l’étude RE-LY.
Enfin, dans une étude, la pharmacocinétique de dabigatran a été simulée chez les patients ayant une fibrillation atriale et traités par des doses de 300 mg en une ou deux prises par jour(8). Les simulations ont été faites sur un modèle pharmacocinétique complété avec les données des 9 522 patients ayant participé à l’étude RE-LY. Le rapport entre la concentration maximale à l’état d’équilibre et la concentration minimale à l’état d’équilibre est plus satisfaisant dans le cas d’une biprise quotidienne par rapport à une monoprise quotidienne, les rapports étant respectivement de 1,9 et 4,5 environ (tableau 1). L’étude a confirmé ainsi que la biprise de dabigatran minimise les fluctuations des concentrations plasmatiques du produit. Dans la prévention de l’AVC, chez les patients ayant oublié une dose, la biprise permettait de maintenir les concentrations minimales à un niveau plus approprié que la monoprise. De plus la biprise de dabigatran minimise le risque de saignement qui pourrait survenir suite aux concentrations suprathérapeutiques obtenues avec la monoprise d’un produit qui a une demi-vie de 12 heures.
Place des examens de la coagulation
L’utilisation de dabigatran ne nécessite pas de suivi de l’activité anticoagulante en routine. Cependant, des examens de la coagulation peuvent être utiles en présence de facteurs de risque additionnels ou dans des circonstances cliniques particulières : chirurgie ou acte invasif urgent, hémorragie, AVC, interaction médicamenteuse. Un temps de thrombine dilué « Hemoclot » a été standardisé. L’allongement du temps est proportionnel à la concentration médicamenteuse. Le résultat doit être interprété en fonction du délai de temps séparant la prise du médicament et le prélèvement de sang. Les résultats peuvent être exprimés en ng/ml de plasma à l’aide de plasmas calibrés étudiés parallèlement au plasma du malade.
La concentration maximale environ 2 heures après la 1re prise ou celle avant une nouvelle prise, ou concentration résiduelle, est alors comparée aux valeurs attendues (tableau 2). Par ailleurs, il est facile de diagnostiquer une résistance au traitement par dabigatran, une réponse normale ou une accumulation de celui-ci(10).
Conclusion
Des études pharmacocinétiques de qualité, les résultats cliniques de l’étude RE-LY et les nombreuses analyses déjà publiées apportent un rationnel bien justifié à la biprise de dabigatran.
Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.
pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.
Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :
Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :