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Vasculaire

Publié le 31 aoû 2013Lecture 22 min

Le patient polyvasculaire - Évaluation préopératoire du patient polyvasculaire avant chirurgie vasculaire

E. MESSAS, HEGP, Paris

Les complications cardiovasculaires sont responsables d’environ la moitié des décès périopératoires en chirurgie vasculaire.

Évaluation du risque chirurgical  Les complications cardiovasculaires sont responsables d’environ la moitié des décès périopératoires en chirurgie vasculaire. L’IDM périopératoire survient chez 2 à 15 % des opérés, parmi lesquels 25 à 30 % décèdent de cette complication. La prévalence de l’ischémie myocardique asymptomatique périopératoire est de 15 à 25 %.  À chaque type d’opération est associée une réponse au stress induit par le choc opératoire. Cette réponse est initiée par l’atteinte tissulaire et transmise par des facteurs neuroendocriniens qui favorisent l’hypertension artérielle et la tachycardie. La spoliation sanguine peropératoire aggrave aussi le stress opératoire. Ce stress augmente la demande myocardique en oxygène et l’hypercoagulabilité du sang, pouvant favoriser la thrombose coronaire. L’ampleur de ces changements est corrélée à l’importance et à la durée de la chirurgie.    Bien que le profil du patient et son risque d’insuffisance coronaire permettent de mieux prédire le devenir postopératoire, l’évaluation du risque chirurgical participe aussi à l’évaluation de son pronostic périopératoire.    On définit trois types de chirurgie en fonction du taux d’événements (décès cardiovasculaires ou infarctus du myocarde à 30 jours) : chirurgie à faible risque pour un risque < 1 %, à risque intermédiaire de 1 à 5 %, et à haut risque > 5 %.  Il est intéressant de noter que, dans ces nouvelles recommandations, la chirurgie carotidienne et la chirurgie endovasculaire aortique pour anévrisme (stent aortique) sont qualifiées de chirurgie à risque intermédiaire au même titre que l’angioplastie périphérique.    Seules la chirurgie aortique à ciel ouvert et la chirurgie artérielle périphérique sont considérées comme à haut risque.    La réalisation de chirurgie par voie laparoscopique ne dispense pas de l’évaluation du risque cardiaque car le pneumopéritoine nécessaire pour la procédure favorise la diminution du retour veineux et l’aggravation d’une insuffisance cardiaque préexistante. Ces éléments mettent en évidence l’intérêt d’une évaluation des antécédents du patient et d’une évaluation de la prévalence d’insuffisance coronaire dans cette population. C’est dans cette perspective que des index de risque cardiaque en cas de chirurgie non cardiaque ont été mis au point, afin d’évaluer les risques de morbidité et de mortalité postopératoires.  L’index de Lee est le plus utilisé et est basé sur l’étude d’une population de 2 893 patients devant subir différents types d’intervention dont 21 % de chirurgie vasculaire. Cet index de 6 paramètres (1 point chacun) associe le risque chirurgical à des données cliniques. On décompte cinq facteurs de risque cliniques (antécédent de cardiopathie ischémique, antécédent d’AVC, insuffisance cardiaque, diabète insulinodépendant, atteinte rénale) associés à un sixième facteur qui est la chirurgie à haut risque. Un index calculé à 0, 1, 2 et ≥ 3 correspond respectivement à un risque de 0,4 ; 0,9 ; 7 et 11 % de complications cardiaques majeures. Cette classification a démontré qu’elle est peu adaptée pour les patients avec de multiples facteurs de risque. C’est dans cette optique que d’autres classifications comme celle d’Erasmus ont vu le jour.   Les biomarqueurs Dans le contexte périopératoire, les marqueurs biologiques peuvent être divisés en marqueurs de l’ischémie myocardique, de l’inflammation ou de la dysfonction VG.  Les marqueurs de l’ischémie myocardique les plus sensibles et les plus parlants pour le pronostic restent la troponine T et I (cTnT et cTnI). Une élévation, même modérée, représente un élément pronostique péjoratif, comme les études de cohortes et les essais cliniques l’ont récemment démontré (TACTICS- TIMI18, FRISC II, OPTUSTIMI).  Si les marqueurs de l’inflammation comme la CRP ultrasensible ont démontré leur intérêt pronostique en cas d’insuffisance coronaire, leur évaluation en périopératoire de chirurgie vasculaire n’a jamais vraiment été évaluée.  On a démontré la valeur pronostique en préopératoire du niveau de BNP et de NT-proBNP sur la mortalité à long terme et la survenue d’événements cardiaques après chirurgie vasculaire à haut risque. Leurs dosages en préopératoire peuvent donc avoir un intérêt pronostique.   Évaluation des capacités fonctionnelles Même si ce type d’évaluation est plus adapté pour la chirurgie thoracique car il donne une idée de la capacité pulmonaire, des études ont montré son intérêt dans l’évaluation du risque cardiaque postchirurgie non cardiaque.  Dans ces conditions, on peut admettre que la normalité des capacités fonctionnelles d’un patient présage d’un bon pronostic postopératoire, même en présence d’une cardiopathie ischémique stable ou de plusieurs facteurs de risque, et qu’il peut subir sa chirurgie sans la nécessité de réaliser des tests d’ischémie. Dans le cas contraire, on devra modifier la prise en charge préopératoire.   Imagerie non invasive Ce type d’imagerie a pour but de rechercher trois paramètres :  - l’ischémie myocardique ;  - la dysfonction VG ;  - la dysfonction valvulaire.  La stratégie de recherche de l’ischémie myocardique doit être similaire à celle envisagée chez des patients ne devant pas subir une intervention chirurgicale. Le but de ces tests sera non seulement d’évaluer la nécessité d’une revascularisation coronaire, mais aussi de conseiller le patient sur son risque cardiovasculaire global. En cas de chirurgie vasculaire et de toutes autres chirurgies considérées à haut risque ou à risque intermédiaire, la réalisation d’un ECG et, quand on le peut, d’une échocardiographie doit être systématique. C’est ce dernier examen qui est l’outil de choix pour détecter et évaluer la recherche d’une valvulopathie.  ECG d’effort et scintigraphie myocardique    Ces deux examens ont démontré sur plusieurs métaanalyses une valeur prédictive positive basse, mais une très haute valeur prédictive négative.  En cas de difficulté pour réaliser un effort maximal chez des patients devant subir une intervention chirurgicale vasculaire périphérique, les tests pharmacologiques sont des alternatives souhaitables. Plusieurs métaanalyses ont montré que la présence d’une ischémie myocardique < 20 % ne modifie pas le risque postopératoire. Les patients avec une ischémie plus étendue ont un risque postopératoire accru, allant jusqu’à un risque relatif de 11,0 (IC : 5,8-20,0).    Cependant, au cours de ces dernières années, l’amélioration du traitement médical a diminué la valeur prédictive positive de ces examens pour la survenue d’événements cardiaques périopératoires, même en présence d’une ischémie myocardique réversible détectée par le test pharmacologique. En cas d’absence complète d’ischémie myocardique, le pronostic reste excellent.   Échocardiographie de stress C’est l’examen de référence chez le patient polyvasculaire qui ne peut atteindre le seuil nécessaire à la détection d’une ischémie myocardique lors d’un test d’effort, du fait de la limitation induite par l’artérite sousjacente. Ce test permet de donner une information sur la fonction du VG, l’existence d’une valvulopathie et la présence d’une ischémie ou d’une viabilité myocardique et son étendue.  Une métaanalyse récente retrouve une sensibilité et une spécificité importantes pour la mortalité périopératoire et l’IDM (85 et 70 % respectivement). Cet examen peut se réaliser en toute sécurité avec une tolérance raisonnable des patients (taux minime d’hypotension avec diminution > 40 mmHg ou arythmie significative).  Comme les autres tests d’ischémie, l’échographie de stress a une VPP faible (25 à 45 %) et une VPN importante (90 à 100 %). Une métaanalyse récente montre une efficacité comparable de la DES (dobutamine stress écho) et de la scintigraphie au dipyridamole.    Cependant, chez des patients avec moins de 3 facteurs de risque cliniques et subissant une chirurgie vasculaire, la prise de traitements médicamenteux permet de diminuer le risque cardiovasculaire postopératoire sans nécessité de réaliser un test d’ischémie préalable.    Ainsi, l’étude multicentrique DECREASE II, utilisant l’échographie dobutamine chez des patients sous bêtabloquants devant subir une chirurgie vasculaire, a montré que la détection d’une ischémie myocardique n’améliore pas la prise en charge de ces patients en postopératoire. Il n’a pas été retrouvé de différence de mortalité cardiovasculaire ou d’IDM à 30 jours dans le groupe DES vs sans DES (1,8 vs 2,3 ; OR : 0,78 ; IC : 0,28-0,21).    On recommande donc la réalisation d’un test d’ischémie chez les patients devant subir une chirurgie à haut risque avec > 3 facteurs de risque cliniques (recommandation classe IC), et également en cas de chirurgie à risque intermédiaire (recommandation classe IIb, C). Ce test d’ischémie n’est pas recommandé en cas de chirurgie à faible risque.   IRM et scanner cardiaque C’est la présence d’une ischémie myocardique, plus que celle de lésions coronaires anatomiques, qui est associée à une augmentation du risque cardiaque postopératoire. C’est pourquoi on favorisera la réalisation de tests fonctionnels à l’imagerie simple des coronaires. Des données récentes montrent l’intérêt de l’IRM cardiaque avec analyse de la cinétique segmentaire associée à la perfusion, avec une sensibilité de recherche d’ischémie de 91 % et une spécificité de 81 %. L’IRM associée à la dobutamine, réalisée chez 102 patients en préopératoire d’une chirurgie à haut risque, avec la présence d’un nouveau segment de contractilité anormale (considéré comme marqueur d’ischémie myocardique) était, après analyse multivariée, le paramètre le plus puissant de prédiction de survenue d’événements cardiaques périopératoires.  Le scanner cardiaque permet l’évaluation des calcifications coronaires et des lésions coronaires avec une sensibilité de 82 % et une spécificité de 91 % (8 études, 2 726 vaisseaux analysés).   Coronarographie Cet examen invasif est rarement indiqué au final, afin d’évaluer le risque cardiaque d’une chirurgie vasculaire. Il manque des études randomisées pour évaluer son bénéfice en préopératoire. Cependant, on sait que la prévalence de lésions coronaires est haute en cas d’AOMI ou de sténose carotidienne. L’intérêt de cet examen peut être étudié en cas de cardiopathie ischémique. Son indication restera identique à celle des patients en angor stable ne devant pas subir d’intervention chirurgicale. Le contrôle de l’ischémie et son traitement médicamenteux ou par revascularisation est recommandé tant que la chirurgie vasculaire peut être retardée par ces procédures. On rappellera les trois indications classées Ia : le SCA ST+ ou ST- et l’angor non contrôlé par le traitement médicamenteux.    L’indication d’une coronarographie systématique en cas de chirurgie à risque élevé ou intermédiaire reste discutée et ne repose sur aucune étude randomisée bien conduite (IIb, B et IIb, C).  Stratégie de réduction du risque cardiovasculaire avant chirurgie vasculaire    Le but du traitement est de rééquilibrer la balance énergétique myocardique perturbée par le stress opératoire. Il convient ainsi d’optimiser la prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire du patient préexistants à l’intervention, spécifiquement chez le patient polyvasculaire à haute prévalence de lésion coronaire et dont la chirurgie vasculaire est le plus souvent à haut risque.  Intervention médicamenteuse    Bêtabloquants Pendant la période périopératoire, il existe un pic adrénergique qui favorise la tachycardie, augmente l’inotropisme myocardique et la consommation myocardique en oxygène. Le rationnel de la mise sous bêtabloquant est donc de réduire la demande myocardique en oxygène en ralentissant le rythme cardiaque, ce qui permet un allongement de la durée de la diastole et une diminution de l’inotropisme cardiaque. Il est reconnu que cette classe médicamenteuse réduit l’ischémie myocardique périopératoire mais sa traduction en bénéfice clinique reste controversée. Sept études randomisées multicentriques ont été publiées dans la littérature internationale. Quatre études incluaient 100 % de chirurgie vasculaire ; la plus importante, l’étude POISE (8 351 patients), comportait 41 % de chirurgie vasculaire.  L’étude DECREASE (Dutch Echographic Cardiac Risk Evaluating Applying Stress Echo) publiée en 1999 dans New England Journal of Medicine, a inclus 112 patients sélectionnés parmi 1 453 subissant une chirurgie vasculaire, avec au moins un facteur de risque clinique et une DES (dobutamine stress écho) positive, en excluant les patients avec ischémie myocardique extensive. Les patients étaient randomisés pour le bisoprolol vs placebo débutés au minimum 1 semaine avant l’intervention ; la dose du médicament était titrée en fonction de la fréquence cardiaque. Une réduction de 89 % (3,4 % vs 34 % ; p < 0,001) de la mortalité cardiaque et/ou des infarctus du myocarde a été mise en évidence, réduction qui perdurait au-delà de 3 ans.  L’étude POISE est de loin la plus importante et représente le nombre de patients le plus prépondérant de toutes les métaanalyses, étudiant l’intérêt des bêtabloquants en préopératoire d’une chirurgie vasculaire.  Un total de 8 351 patients a été étudié, dont 40 % ont subi une chirurgie vasculaire. Les patients avaient plus de 45 ans et présentaient soit une cardiopathie ischémique connue, soit au moins 3 des 7 facteurs de risque cliniques, ou devaient subir une chirurgie vasculaire majeure. Le traitement par métoprolol consistait en :  - 100 mg 2 à 4 h avant la chirurgie ;  - 100 mg pendant les 6 heures après la chirurgie ;  - 100 mg en traitement de fond débuté 12 h après ;  Au total, un nombre important de patients a reçu 400 mg de métoprolol dans les 24 h périopératoires. On retrouve une diminution de 17 % des critères composés (décès, IDM, arrêt cardiaque) à 30 jours (5,8 % vs 6,9 %, p = 0,04). Cependant, la diminution de 30 % des IDM non fatals (3,6 % vs 5,1 % ; p < 0,001) est partiellement compensée par une augmentation par 2 des AVC (1,0 % vs 0,5 % ; p = 0,005) et une augmentation de 33 % de la mortalité totale (3,1 % vs 2,3 % ; p = 0,03).    L’hypotension était plus fréquente chez les patients recevant du métoprolol et correspondait au facteur le plus puissant de prédiction de décès et d’AVC.    On impute cet effet délétère aux importantes doses de métoprolol dans les premières 24 heures, favorisant les hypotensions avec AVC (surtout chez les patients avec antécédent d’AVC) et le masquage potentiel des signes de choc augmentant la mortalité de cette complication.  Une métaanalyse intégrant les données de POISE conclut que les bêtabloquants permettent une diminution de 16 IDM non fatals pour 100 patients traités, au prix de 3 AVC non handicapants et de 3 décès. Une autre métaanalyse suggère qu’un contrôle sérieux et strict de la fréquence cardiaque permettrait de diminuer significativement les infarctus postopératoires.  On peut conclure qu’il existe des données concordantes pour affirmer que les bêtabloquants permettent de diminuer la mortalité cardiaque et les infarctus du myocarde chez des patients avec facteurs de risque cliniques subissant une chirurgie à haut risque (principalement vasculaire). De plus, ces patients qui présentent une ischémie myocardique extensive à la DES conserve un risque cardiaque périopératoire élevé, malgré la prise de bêtabloquants. A contrario, pour les patients à faible risque, les bêtabloquants n’ont pas d’influence sur la mortalité cardiovasculaire (déjà faible), mais pourraient même aggraver le pronostic (si l’on suit les résultats de POISE) en augmentant la mortalité globale et les AVC.    Pour les patients à risque intermédiaire (un ou deux facteurs de risque clinique) la question reste posée. Les résultats de l’étude DECREASE IV suggèrent que les patients avec risque intermédiaire peuvent bénéficier de la mise sous bêtabloquants (n = 553, 2,1 % vs 6,0 % du critère primaire, HR = 0,34, IC : 0,17-0,67).  On rappelle que les bêtabloquants ne sont pas contre-indiqués en cas de claudication et que les bêta-1 sélectifs ont démontré une amélioration du pronostic postopératoire chez des patients BPCO en post-chirurgie vasculaire.    En conclusion, les bêtabloquants, quand ils sont indiqués, doivent être débutés de 30 jours à au moins une semaine avant la chirurgie. On doit privilégier les bêta-1 sélectifs sans activité sympathicomimétiques intrinsèque (bisoprolol) avec une fréquence cardiaque cible entre 60 à 70/min et une PAS > 100 mmHg.  La tachycardie postopératoire doit être traitée en éliminant sa cause (hypovolémie, anémie, infection) plutôt que par augmentation des bêtabloquants. La durée de traitement des bêtabloquants devra être réalisée selon les guidelines hors chirurgie, avec une préférence pour le long terme chez les patients avec ischémie myocardique.   Autres médications Statines L’étude randomisée et contrôlée DECREASE III, a inclus 497 patients subissant une chirurgie vasculaire en les randomisant par la fluvastatine (libération prolongée, 80 mg par jour) vs placebo, et en débutant le traitement en moyenne 37 jours avant l’intervention. L’incidence de l’ischémie myocardique sous fluvastatine a été de 10,8 % vs 19,0 % pour le placebo (OR : 0,55, IC : 0,334-0,88). L’incidence de la mortalité cardiovasculaire ou de l’infarctus du myocarde était de 4,8 % vs 10,2 % (OR : 0,47, IC : 0,24-0,94).  De cette étude et d’autres métaanalyses vient la recommandation de classe IB de débuter une statine 30 jours avant – et au minimum une semaine avant – une intervention chirurgicale à haut risque (chirurgie vasculaire).  Autres molécules Les autres médications sont à poursuivre, comme les IEC en cas de dysfonction VG (sinon à arrêter 48 h avant), les inhibiteurs des canaux calciques de type diltiazem en cas de contreindication aux bêtabloquants, ou l’ivabradine qui a démontré, dans une étude randomisée chez 111 patients subissant une chirurgie vasculaire, une réduction similaire au métoprolol vs placebo de l’incidence de l’ischémie myocardique et des infarctus périopératoires. Il est aussi conseillé de poursuivre l’aspirine en cas de chirurgie vasculaire et d’évaluer le rapport bénéfice/risque au cas par cas de la poursuite d’une anticoagulation efficace, si elle était indiquée initialement, avec comme corollaire un relais par HBPM ou HNF à dose efficace avec arrêt des HBPM 12 heures avant et de l’HNF 4 heures avant l’intervention.  Revascularisation prophylactique Son but est de prévenir l’infarctus périopératoire. La revascularisation peut être efficace en traitant les sténoses coronaires serrées, mais elle ne peut éviter la rupture de plaque coronaire vulnérable induite par le stress opératoire. Ce dernier mécanisme est à l’origine de la moitié des infarctus fatals périopératoires et explique le peu de puissance prédictive des tests d’ischémie.  L’étude randomisée CASS (Coronary Artery Surgery Study) publiée en 1997, a inclus 24 959 patients ayant une suspicion de coronaropathie. L’inclusion des patients était basée sur une indication primaire de coronarographie en raison d’une coronaropathie suspectée ou prouvée. Durant le suivi, 3 368 patients ont subi une chirurgie non cardiaque. Les patients étaient répartis en plusieurs groupes : patients sans preuve de coronaropathie (n = 395), patients coronariens ne nécessitant pas de pontage aortocoronaire avant chirurgie non cardiaque (n = 582), patients ayant subi un pontage aortocoronaire avant chirurgie non cardiaque (n = 964).  Cet essai a montré que la revascularisation préventive par pontage aortocoronaire avant chirurgie vasculaire est associée à une diminution du risque de décès (1,1 % vs 2,8 % ; p = NS) et d’IDM (0,6 % vs 8,5 % ; p = 0,001) avec un bénéfice supérieur chez les patients pluritronculaires et angineux sévères.  Du registre CASS on peut aussi déduire que des patients avec antécédents de pontage aortocoronaire (PAC), même tritronculaires et/ou avec dysfonction du ventricule gauche, mais qui restent stables depuis des années (plus de 5 ans), peuvent subir une chirurgie vasculaire sans nécessité d’une imagerie de stress.  Si après angioplastie coronaire, une chirurgie non cardiaque peut être envisagée très précocement, après seulement 11 jours, cela n’est pas le cas après implantation d’un stent coronaire.  L’introduction des stents a modifié la donne avec un risque de mortalité de 20 % après chirurgie, en rapport avec une thrombose de stent. C’est pour cette raison qu’une chirurgie vasculaire programmée sera réalisée au minimum 6 semaines après stent non actif et au mieux après 3 mois de bi-antiagrégation plaquettaire. Après 3 mois, on peut opérer sous aspirine seule.  L’introduction des stents actifs en 2002 a encore modifié les recommandations récentes car ceux-ci nécessitent une double antiagrégation plaquettaire pendant au moins 6 à 12 mois, afin d’éviter la thrombose coronaire tardive. Il faut donc attendre ce délai avant de faire une chirurgie vasculaire ou la faire sous double antiagrégation. Si on doit interrompre absolument la double antiagrégation plaquettaire, un délai de 6 mois minimum est recommandé dans les dernières recommandations ESC sur la revascularisation coronaire.  Revascularisation prophylactique avant chirurgie vasculaire chez des patients avec cardiopathie ischémique stable Deux études ont analysé l’impact de la revascularisation coronaire préalable avant chirurgie vasculaire : l’étude CARP et l’étude DECREASE V.  Sur les 5 859 patients devant subir une chirurgie vasculaire (AAA ou artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI)) recrutés dans 18 centres, 510 (9 %) ont été inclus dans l’étude : ces patients étaient à risque vasculaire et porteurs de lésions coronaires significatives devant relever d’une revascularisation. Ces patients ont été randomisés en 2 groupes : 258 patients avec revascularisation coronaire avant la chirurgie vasculaire (59 % par angioplastie, 41 % par pontage aortocoronaire) et 252 patients sans revascularisation coronaire, avec simple traitement médical.  La durée moyenne entre l’inclusion et la chirurgie vasculaire était de 54 jours dans le groupe ayant bénéficié d’une revascularisation coronaire et de 18 jours chez les patients n’ayant pas bénéficié de revascularisation coronaire préalable. Le suivi moyen est de 2,7 années.  Les résultats retrouvent, à 30 jours et après 2,7 années de suivi, une mortalité comparable entre les 2 groupes (22 % dans le groupe revascularisation vs 23 % dans le groupe traitement médical p = 0,92, IC : 0,7-1,37). De la même façon, on ne retrouve pas de différence pour la survenue d’IDM postopératoire défini par une élévation de troponine (12 % vs 14 % ; p = 0,14). Cette absence de différence ne paraît pas s’expliquer par le bénéfice faible de la revascularisation coronaire ni par la survenue de complications liées à la procédure, ni même par un manque de puissance de l’étude.  Ces résultats peuvent probablement s’expliquer par une meilleure optimisation du traitement médical avec augmentation significative de l’utilisation des bêtabloquants, des antiagrégants plaquettaires, des inhibiteurs de l’enzyme de conversion et des statines, et à un monitoring périopératoire rigoureux.  De plus, la survenue d’IDM en postopératoire n’était pas tant liée à la sévérité des lésions, mais à la présence de lésions peu sévères (et donc non revascularisées) qui s’aggravaient en postopératoire.  Ainsi, selon cette étude, les patients coronariens stables avec lésions coronaires significatives et fonction VG préservée ne nécessitent pas de revascularisation préventive par angioplastie ou par pontage aortocoronaire en préopératoire d’une chirurgie vasculaire.  Dans l’étude DECREASE V, 1 880 patients devant subir une chirurgie vasculaire ont été évalués pour rechercher la présence de plus de 3 facteurs de risque cardiovasculaire (âge > 70 ans, angor, antécédents d’infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque, diabète, insuffisance rénale, antécédent d’AVC, AIT). Un test d’ischémie par thallium ou DES a été réalisé et, en cas d’ischémie extensive (> 5/16 segments ou > 3/6 murs), les patients étaient randomisés pour revascularisation vs nonrevascularisation. Les bêtabloquants et l’aspirine étaient poursuivis pendant la période chirurgicale. Dans 75 % des cas, les patients étaient tritronculaires ou présentaient un tronc commun, et 43 % avait une FE < 35 %. L’angioplastie a été réalisée dans 65 % des cas. On ne retrouve pas de différence significative entre les deux groupes : critères composites (toutes causes de mortalités et IDM non fatals à 30 jours) : 43 % pour revascularisation vs 33% non revascularisation (p = 0,3).  L’étude DECREASE confirme donc les conclusions de CARP et étend l’abstention thérapeutique aux patients à haut risque avec ischémie myocardique documentée.  Type de revascularisation La revascularisation coronaire ne doit être réalisée que si les données cliniques et paracliniques du patient le requièrent, indépendamment de l’indication chirurgicale vasculaire. On favorisera le pontage coronaire en cas d’atteinte du tronc commun, ou d’atteinte tritronculaire, surtout associée à une dysfonction VG. Pour les autres patients, on favorisera l’angioplastie avec stent non actif afin ne pas trop décaler la chirurgie vasculaire.  Intérêt de la chirurgie carotidienne avant pontage coronaire Le risque d’AVC après pontage coronaire est davantage dû à la plaque de la crosse aortique qu’à la sténose carotidienne ; cependant celle-ci est associée à la présence de plaque. Son incidence serait de 1,5 à 5,2 %. La moitié des AVC après PAC ne sont pas associés à la présence d’une sténose carotidienne significative et 60 % des territoires des AVC ischémiques post-PAC ne correspondent pas aux territoires carotidiens.  Parmi les AVC, 45 % survenant dans les premiers jours et 55 % lors du réveil seraient dus à une FA paroxystique, au bas débit, ou à l’hypercoagulabilité. On retient comme indication à la recherche d’une sténose carotidienne avant PAC :  - un antécédent d’AVC, d’AIT ou de souffle carotidien ;  - une sténose TC, âge > 75 ans, AOMI associée ;  - si sténose > 70 % au Doppler, réalisation d’une angio CT ou IRM.  Les patients avec AIT ou AVC non invalidant et sténose de 50 à 99 % chez l’homme et de 70 à 99 % chez la femme doivent subir une revascularisation carotidienne avant le PAC, car celle-ci augmente la mortalité.  Chez des patients avec sténose carotidienne unilatérale asymptomatique, la revascularisation myocardique peut être réalisée sans revascularisation prophylactique car le bénéfice obtenu n’est pas significatif.  Cependant, en cas de sténose bilatérale ou d’occlusion controlatérale et avec un TCMM < 3 % et une espérance de vie > 5 ans, on peut considérer la revascularisation carotidienne initiale, même chez les patients asymptomatiques.  Chez les femmes avec sténose unilatérale et chez les patients avec espérance de survie < 5 ans, l’intérêt paraît être faible. En pratique, l’évaluation au cas par cas est nécessaire par une équipe multidisciplinaire incluant un neurologue.  Revascularisation coronaire en cas d’AOMI La présence d’une AOMI augmente le risque à court et à moyen termes de toute revascularisation coronaire. Il semblerait qu’il y ait une supériorité du PAC sur ATL au long terme au prix d’une augmentation de la morbidité hospitalière.  En pratique, le choix doit être guidé par la lésion coronaire et devra être réalisé selon les guidelines classiques.

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