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Valvulopathies

Publié le 21 oct 2013Lecture 8 min

Sélection des patients candidats à l’implantation percutanée d’une prothèse aortique

H. ELTCHANINOFF, B. BORZ, E. DURAND, M. GODIN, C. TRON, A. CRIBIER, Hôpital Charles Nicolle –Université de Rouen

En 2011, l’implantation percutanée d’une valve aortique est une technique de plus en plus acceptée pour le traitement du rétrécissement aortique sévère considéré comme à haut risque chirurgical.
Deux valves aortiques implantables par voie percutanée sont commercialisées en Europe depuis 2007 (marquage CE). Il s’agit de la valve Edwards (Edwards Lifesciences, Irvine, California) et de la Corevalve (Medtronic, Irvine, California). Fin 2009, le remboursement a été obtenu en France pour l’implantation de ces deux modèles dans  33 centres homologués par la Haute Autorité de santé (Journal Officiel , décembre 2009).
Les indications cliniques actuelles émises par la Haute Autorité de santé limitent l’implantation aux patients ayant une contre-indication au remplacement valvulaire aortique conventionnel et/ou aux patients à risque chirurgical trop élevé avec un Euroscore logistique > 20% et/ou un STS > 10%.

En 2011, plus de 25 000 patients ont été traités dans le monde avec l’un des deux modèles disponibles, et de nombreuses évaluations ont été réalisées pour déterminer la faisabilité, puis l’efficacité et la sécurité de cette nouvelle technique dans des populations de patients à haut risque chirurgical, voire ayant une contre-indication au remplacement valvulaire aortique chirurgical conventionnel (RVA). L’étude américaine PARTNER est à cet égard fondamentale. Cette étude randomisée a pour objectif de comparer la valve Edwards percutanée à la chirurgie cardiaque conventionnelle chez les patients à haut risque chirurgical (cohorte A) ou au traitement médical (cohorte B) chez les patients non opérables. Les résultats de la cohorte B ont été publiés en octobre 2010 et ont confirmé une forte diminution (20%) de la mortalité dans le groupe traité par valve percutanée. Les résultats de la cohorte A sont très attendus et seront rapportés lors du prochain congrès de l’American College of Cardiology au mois d’avril prochain.   La sélection des patients est une étape clé indispensable pour garantir le succès de la procédure, l’obtention d’un résultat hémodynamique optimal, tout en limitant au minimum les complications. Cette sélection comporte plusieurs étapes passant par une évaluation clinique rigoureuse et la réalisation de plusieurs actes d’imagerie permettant d’évaluer la faisabilité de la technique et de choisir la procédure la plus adaptée. Ces différentes étapes constituent un aspect fondamental des formations organisées par les deux industriels à l’attention des équipes multidisciplinaires se formant à ces techniques et associant les cardiologues interventionnels, les chirurgiens cardiaques et vasculaires, les anesthésistes, les radiologues, les cardiologues cliniciens et de plus en plus les gériatres.   Rappel sur les deux modèles commercialisés et sur les techniques d’implantation   Les deux modèles de valves diffèrent sur de nombreux points (figure 1), mais l’objectif est le même : mettre en place une bioprothèse au sein de la valve native sténosée en utilisant des techniques de cathétérisme cardiaque. Le modèle Edwards (Sapien XT) est constitué d’un stent relativement court (15 mm), en cobalt chrome et d’une valve tricuspide en péricarde de bœuf (identique à celui utilisé pour la bioprothèse chirurgicale Perimount Magna de la même compagnie). Cette bioprothèse comprimée sur un ballonnet est larguée par gonflage du ballonnet suivant une technique comparable à l’implantation d’un stent coronaire. La Corevalve est faite d’un stent en nitinol, long (environ 5,5 cm), et d’une valve tricuspide en péricarde de porc. Elle est comprimée sur un cathéter et délivrée par retrait d’une gaine.   Figure 1. La valve Edwards Sapien XT à gauche et la valve Corevalve à droite.    Plusieurs voies d’abord sont possibles avec ces deux modèles de bioprothèse. La voie artérielle fémorale est en général envisagée en première intention du fait de son caractère moins invasif et de la possibilité d’être réalisée en salle de cathétérisme sous anesthésie locale. Lorsque l’axe ilio-fémoral est de mauvaise qualité, la voie transapicale représente une alternative de choix pour la valve Edwards, alors que l’alternative pour la Corevalve est la voie artérielle sous-clavière Lorsqu’on envisage l’implantation d’une valve aortique percutanée, le médecin doit se poser successivement plusieurs questions avant d’orienter le patient vers cette procédure et avant que l’indication ne soit retenue : •  Le patient a-t-il atteint le stade chirurgical ? •  Est-il opérable ? •  Dans le cas contraire, se prête-t-il cliniquement et anatomiquement à l’implantation d’une valve percutanée ? Si une valve percutanée est envisageable, de nombreux examens complémentaires seront alors nécessaires pour déterminer la meilleure voie d’accès, variable en fonction du modèle de valve envisagé. Ces examens sont en règle générale réalisés par le centre implanteur.   L’indication théorique chirurgicale Cette première question est simple car très bien codifiée. Selon les recommandations européennes de 2007, le RVA chirurgical doit être proposé aux patients porteurs d’un RA serré (surface aortique < 1 cm² ou < 0,6 cm²/m²) et symptomatiques ou ayant une dysfonction ventriculaire gauche avec fraction d’éjection < 50% (niveau 1).   Le patient est-il opérable ? Cette discussion revient au cardiologue et à l’équipe médico-chirurgicale de proximité en prenant en compte l’état général du patient, son âge, son souhait, son autonomie et surtout ses comorbidités. Les comorbidités augmentent naturellement avec l’âge et peuvent être cardiaques et/ou extracardiaques. Il peut s’agir d’une dysfonction ventriculaire gauche, d’une coronaropathie sévère et/ou nécessitant un pontage associé, d’un état hémodynamique précaire. Les comorbidités extracardiaques sont également fréquentes, dominées par l’insuffisance rénale, l’insuffisance respiratoire, les antécédents d’accident vasculaire cérébral, les hémopathies, l’obésité, les troubles cognitifs ou les maladies neurologiques, etc. Il y a également de vraies contre-indications : l’aorte porcelaine, le thorax hostile, les antécédents d’irradiation thoracique, une chirurgie cardiaque antérieure, en particulier de pontages. Le calcul de scores pronostiques (Euroscore logistique, STS) permet d’aider à l’évaluation du risque opératoire mais, sauf exception, seule une vraie discussion médico-chirurgicale permettra de retenir ou non l’indication de RVA conventionnel. L’aide du gériatre est souvent indispensable pour évaluer le bénéfice potentiel du remplacement valvulaire sur la qualité de vie ultérieure du patient. Ce n’est que si le patient est récusé par un chirurgien ou considéré comme ayant un risque chirurgical trop élevé que l’on pourra passer à l’étape suivante. Cela a été clairement inscrit dans le consensus européen établi par un large groupe de cardiologues et de chirurgiens cardio-thoraciques, et validé par la Haute Autorité de santé en France. Les indications sont bien précisées et concernent les patients ayant une contre-indication à un RVA conventionnel et ceux ayant un risque chirurgical trop élevé avec un Euroscore logistique > 20 % et/ou un STS > 10%.   Le patient se prête-t-il « anatomiquement » à l’implantation d’une valve percutanée ? Cette question doit être étudiée par le centre où sera implantée la valve percutanée. Deux modèles existent, chacun ayant ses critères de faisabilité technique et de possibilités de voie d’abord. Cette question dépendra donc du (ou des) modèle(s) utilisé(s) par le centre géographique de proximité.   Diamètre de l’anneau aortique, mesuré en première intention par échocardiographie transthoracique ou transœsophagienne Pour les deux modèles, le diamètre de l’anneau aortique (mesuré en systole au site d’insertion des valvules en coupe longitudinale grand axe) doit être compatible avec les tailles de valves percutanées disponibles (figure 2) : • Diamètre de l’anneau compris entre 18 et 27 mm pour le modèle Edwards XT disponible en deux tailles de 23 et 26 mm (un troisième diamètre de  29 mm vient d’obtenir le marquage CE, pour l’instant réservé à la voie transapicale). • Diamètre de l’anneau compris entre 20 et 27 mm pour le modèle Corevalve disponible en 2 tailles (26 et 29 mm). Cette mesure est extrêmement importante car l’implantation d’une valve de diamètre inadapté peut conduire à des complications parfois redoutables : rupture d’anneau en général fatale si la valve choisie est trop grande, embolisation de la valve dans l’aorte ou fuite aortique paravalvulaire si la valve est trop petite. Il existe d’autres techniques de mesure de l’anneau qui font l’objet de discussions entre spécialistes, mais aucune technique n’est « gold standard » (scanner, aortographie contemporaine du gonflage de ballonnet de dilatation). Dans notre centre, nous utilisons essentiellement la mesure par échographie transthoracique complétée le plus souvent par une aortographie manuelle réalisée pendant le gonflage du ballonnet de dilatation en début de procédure.   Figure 2.  Coupe longitudinale grand axe en systole montrant le site de mesure du diamètre de l’anneau aortique en échographie transthoracique.  Diamètre de l’aorte ascendante (mesure nécessaire pour la Corevalve uniquement) Ce diamètre doit être inférieur à 43 mm et est le plus souvent mesuré au scanner thoracique. Existence d’une coronaropathie associée par coronarographie L’existence de sténoses sévères sur les troncs principaux doit conduire à une angioplastie préalable. Mesure de la distance entre l’anneau et les ostia coronaires par scanner Cette distance doit être > 8 mm pour l’implantation d’une valve Edwards afin d’éviter l’obstruction des ostia coronaires par la valve native calcifiée (figure 3).   Figure 3.  Scanner thoracique et mesure de la distance séparant l'anneau aortique de l'ostium coronaire. Par quelle voie sera implantée la valve ? La réponse dépend essentiellement de la qualité de l’axe artériel ilio-fémoral évalué par scanner (avec coupes transverses) associé à une aortographie de l’aorte abdominale et de ses branches (figure 4). En effet, la voie artérielle fémorale est logiquement discutée en première intention du fait de son caractère moins invasif qu’une voie chirurgicale trans-apicale ou sous-clavière. Les critères nécessaires à une implantation fémorale sont les suivants : • diamètre ilio-fémoral minimal au scanner :  - > 6 mm pour la Corevalve et l’Edwards Sapien XT de 23 mm ; - > 6,5 mm pour l’Edwards Sapien XT de 26 mm ; • absence de tortuosités et/ou de calcifications artérielles excessives et/ou concentriques.   En l’absence de ces critères, l’une des 2 autres voies est habituellement choisie. Sans entrer dans les détails, à ce stade doivent également entrer en ligne de compte la faisabilité d’une anesthésie générale, l’existence d’une fraction d’éjection effondrée sans réserve contractile.    Figure 4.  Angiographie de l’axe ilio-fémoral et scanner du même patient montrant un cas favorable à une implantation par voie transfémorale.  Quel bilan en pratique ?   Le diagnostic de sévérité du RA est en général simple et établi par le cardiologue traitant sur des éléments cliniques et échographiques. En 2011, un patient porteur d’un RA serré symptomatique doit être opéré. S’il est récusé ou considéré comme à risque chirurgical trop élevé, la question de la valve percutanée se pose, et un rapprochement doit se faire avec l’un des 33 centres français validés pour les implantations valvulaires.  Comme expliqué ci-dessus, le bilan de faisabilité comporte une échographie cardiaque pour mesure de l’anneau, un cathétérisme avec coronarographie, aortographie sus-sigmoïdienne et angiographie de l’axe ilio-fémoral, et un scanner aorto-ilio-fémoral. Selon les cas, ce bilan sera échelonné afin de limiter les injections d’iode.  Une dilatation aortique « test » peut également être proposée dans les cas limites : chez les patients présentant une dysfonction ventriculaire gauche marquée et pour lesquels se pose la question de l’existence ou non d’une réserve contractile, ou bien devant des troubles cognitifs dont l’étiologie est incertaine (bas débit lié au rétrécissement aortique, démence ?).   En conclusion   L’implantation de valves percutanées est réservée aujourd’hui aux patients symptomatiques porteurs d’un rétrécissement aortique serré récusés pour un remplacement valvulaire aortique conventionnel ou considérés à risque chirurgical trop élevé.  Une sélection rigoureuse des patients doit être réalisée afin de garantir les meilleurs résultats possibles. La formation des équipes, la discussion au cas par cas entre les différents intervenants, la réalisation de multiples examens d’imagerie sont des éléments clés permettant de garantir un traitement adapté aux patients de plus en plus nombreux porteurs d’un rétrécissement aortique serré symptomatique et candidats à une implantation valvulaire percutanée.

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