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HTA

Publié le 30 nov 2013Lecture 6 min

Facteurs de risque et plasticité artérielle

E. MILLARA, Paris

Loin d’être des « tuyaux » inertes, les artères s’adaptent à leur environnement, selon la logique universelle de la survie immédiate, mais qui se révèle délétère à long terme. Ainsi, les gros vaisseaux subissent un remodelage en réponse aux contraintes auxquelles ils sont soumis, liées à la pression et au débit.

Épaississement et rigidification artériels sont une réaction physiologique à l’élévation de pression et de débit   L’élévation de la pression artérielle induit une distension pariétale, qui active les cellules musculaires lisses de la média. Celles-ci retrouvent alors des propriétés sécrétoires et libèrent des facteurs de croissance aboutissant à leur hypertrophie et leur hyperplasie, et synthétisent des protéines au niveau de la matrice extracellulaire. La média s’épaissit donc, par augmentation du contenu en collagène, en élastine et du nombre de cellules musculaires lisses, jusqu’à compensation de la contrainte pressionnelle. Ce remodelage de type hypertrophique correspond à une augmentation du rayon de l’artère et de son épaisseur. L’hypertension favorise également la formation d’athérome, comme cela a été observé sur de vastes cohortes asiatiques(1). Expérimentalement, la réalisation chirurgicale d’une sténose au niveau de l’aorte abdominale chez des rats Wistar provoque en amont de la sténose, là où la pression est augmentée, la synthèse de molécules d’adhésion et de facteur NFKB par l’endothélium. En aval de la sténose, zone de basse pression, il n’est pas observé une telle sécrétion, indiquant que celle-ci est liée de façon prépondérante aux facteurs mécaniques et non aux facteurs humoraux tels que l’élévation des taux d’angiotensine II, laquelle est identique en aval et en amont de la sténose(2). À court terme, cette réaction hypertrophique est destinée à solidifier la paroi artérielle de façon à éviter l’anévrisme. À long terme, elle se traduit par une rigidité artérielle, une athérosclérose et une hypertrophie ventriculaire gauche et correspond à un facteur de risque cardiovasculaire. Le débit affecte également la formation des plaques athéromateuses : celles-ci se retrouvent préférentiellement au niveau des bifurcations ou de la face interne des rayons de courbures des artères, sous l’effet des contraintes de cisaillement. On observe que la forme des cellules endothéliales varie selon le flux sanguin : là où existe un flux laminaire, les cellules sont allongées et orientées dans la direction du flux sanguin ; tandis que dans les zones de tourbillons, elles sont beaucoup plus arrondies et moins orientées(3). Ces contraintes de cisaillement régulent l’expression de nombreux gènes au niveau de l’endothélium vasculaire(4). Un écoulement laminaire, correspondant à de fortes contraintes de cisaillement, s’accompagne d’une vasodilatation, d’une baisse de l’agrégabilité plaquettaire et d’une absence de fibrose. Inversement, un écoulement turbulent à faible contrainte de cisaillement induit les effets inverses et favorise la formation d’athérosclérose. On observe ainsi une adaptation pariétale au débit artériel : suppression de la sécrétion endothélialede NO(5), remodelage de la matrice extracellulaire par les métalloprotéinases, qui dégradent l’élastine et le collagène(6,7). Ilse produit en conséquence dans un premier temps une distension de la lumière vasculaire(8) qui engendre un étirement des cellules musculaires lisses, lesquelles se trouvent ainsi activées et génèrent dans un second temps un épaississement pariétal. Ainsi, l’élévation de pression et de débit engendrent un remodelage des parois artérielles par des mécanismes communs. Ce remodelage intervient en seulement quelques semaines, et il est éminemment réversible en cas de normalisation des contraintes hémodynamiques, que ce soit à l’aide de mesures hygiénodiététiques ou pharmacologiques, notamment par le biais des IEC(9,10).   Les facteurs de risque CV s’accumulent et se potentialisent au fur et à mesure de la vie   En pratique, l’artère intègre les dérives des facteurs de risque tout au long de la vie, depuis les facteurs génétiques et le comportement maternel durant la grossesse jusqu’au diabète, à l’hypercholestérolémie et à l’hypertension, ainsi qu’aux facteurs comportementaux tels que sédentarité et tabagisme. En ce qui concerne les facteurs modifiables, deux scénarii d’intervention sont possibles : le plus fréquemment pratiqué est tardif et correspond à la prévention secondaire après un premier infarctus myocardique. Son bénéfice en termes d’espérance de vie sans maladie cardiovasculaire est très inférieur à celui d’une intervention précoce en prévention primaire. En effet, le risque CV sur la totalité de la vie est différent du risque CV à10 ans : à 45 ans, une minorité d’individus n’a aucun facteur de risque, la majorité en ayant au moins deux (âge et sexe), auxquels s’ajoutent d’éventuels pathologies ou comportements(11). Le risque CV total sur la totalité de la vie est à cet âge en moyenne de 60,3 % pour les hommes et de 55,6 % pour les femmes, bien que dans la quasi-totalité des cas, les individus de 45 ans bénéficient d’une bonne santé apparente.   Intervention précoce versus intervention tardive ?   L’intervention précoce vise à retarder la survenue de l’artériosclérose en agissant sur la matrice extracellulaire, puis à ralentir sa progression en corrigeant hypertension, hyperlipidémie, etc., puis enfin à éviter l’accumulation de produits rigidifiants tels que les produits de glycation terminaux (AGE) ou le calcium. Il a, par exemple, été montré que l’exercice physique réduit la pression artérielle et la rigidité artérielle(12); la perte de poids chez des sujets de BMI moyen 31 améliore la compliance artérielle et la vitesse de l’onde de pouls, ces variations étant plus corrélées à la perte de poids qu’à la réduction de pression artérielle(13). En matière d’intervention pharmacologique, l’inhibition du système rénine-angiotensine est essentielle pour rompre le cercle vicieux de la rigidité artérielle, avec un bénéfice en termes de pronostic cardiovasculaire partiellement indépendant de la baisse de pression artérielle(14).Il est intéressant de constater qu’expérimentalement, une intervention précoce avec un IEC, même séquentielle, procure une réduction de plus grande amplitude et durable de la PA et de la rigidité artérielle, comparée à un traitement tardif, dont les effets sont moins marqués et disparaissent à l’arrêt du traitement(15).On peut ainsi imaginer que les résultats négatifs de certains essais thérapeutiques seraient possiblement le simple reflet d’interventions trop tardives. Une récente métaanalyse confirme la supériorité des IEC en termes d’amélioration de la rigidité artérielle comparativement aux autres classes d’antihypertenseurs(16). Les IEC sont efficaces sur l’artério sclérose et également sur la calcification des vaisseaux: le périndopril permet expérimentalement une réduction du contenu en calcium, une augmentation de la densité en élastine et une réduction de la quantité de collagène(17). Il a ainsi été observé que la survie de patients en insuffisance rénale terminale est corrélée à la réduction de la rigidité artérielle, indépendamment de la baisse de pression artérielle et que le traitement par IEC exerce un effet fortement protecteur(18). Le déficit en vitamine D est associé à l’incidence de l’HTA(20). Les essais d’intervention se sont montrés jusque-là négatifs, résultat possiblement attribuable à une intervention tardive(âge moyen : 78 ans) et brève (1 an)(21). Les statines améliorent la compliance artérielle chez les sujets obèses(22) et réduisent l’incidence des événements cardiovasculaires(23).   Conclusion   Les facteurs hémodynamiques dont l’hypertension favorisent un vieillissement accéléré des parois artérielles. Les interventions hygiénodiététiques et la correction pharmacologique des facteurs de risque améliorent la rigidité artérielle. Les IEC, et notamment le périndopril, disposent d’un niveau de preuve élevé en la matière, tant expérimentalement qu’en termes de bénéfice clinique. Figure 1. Effets conjoints du cholestérol plasmatique et de la pression artérielle sur le risque d’AVC ischémique(1).   Figure 2. Effet des IECsur l’index d’augmentation comparativement au traitement de référence ou au placebo(16).   D’après les communications des Prs Lévy et Mourad, dans la cadre d’un Workshop (Paris, 11 octobre 2013).

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