Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 15 juin 2014Lecture 4 min
Implante-t-on trop ou pas assez de défibrillateurs en prévention primaire ?
J. LACAZE, A. OTMANI, Service de cardiologie, HEGP, Paris
L’intérêt de l’implantation d’un défibrillateur (DAI) en prévention primaire de la mort subite chez les patients insuffisants cardiaques a été montré il y a plus de 10 ans dans de grandes études randomisées. À la lumière de ces études, les recommandations européennes préconisent l’implantation d’un DAI pour tout patient avec une FEVG ≤ 35 % malgré un traitement médical optimal.
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L’indication n’est toutefois retenue que si l’espérance de vie, avec qualité de vie acceptable, est supérieure à 1 an. Ces recommandations aboutissent à une progression régulière du taux d’implantation de défibrillateurs (figure). Ainsi, le nombre d’implantations de défibrillateurs en France était de 191 par million d’habitants en 2012 alors qu’il était de 80 implantations par million d’habitants en 2005. L’évolution des taux d’implantation est comparable dans les autres pays européens. Il semble néanmoins que le nombre de patients implantés soit nettement inférieur au nombre de patients ayant une indication théorique à l’implantation d’un défibrillateur en prévention primaire(1).
Figure. Nombre d’implantations de défibrillateurs par an par million d’habitants. (Source : Eucomed).
DAI et réduction de la mortalité
Les études MADIT-2 et SCD-HEFT ont montré que l’implantation d’un DAI en prévention primaire permet une réduction de 25 à 30 % du risque de mortalité. Peu de données sont disponibles sur le bénéfice de ces implantations dans la « vraie vie » avec un suivi important. En effet, ces patients sont souvent plus âgés et atteints de comorbidités plus importantes que les patients des grandes études randomisées. R. Parkash et coll. ont montré que l’implantation d’un DAI en prévention primaire dans une étude de cohorte s’accompagnait d’un réduction de 43 % du risque de mortalité sur un suivi moyen de 2,7 ans. Ce bénéfice plus important du DAI des études observationnelles par rapport aux études randomisées semble être confirmé par d’autres études de cohortes(2). Les études observationnelles ont souvent un suivi plus long.
Par ailleurs, il faut également prendre en compte qu’à la différence de 2002 et 2005, dates de publications de MADIT-2 et SCD-HEFT, bon nombre de patients implantés aujourd’hui d’un DAI en prévention primaire le sont avec des dispositifs de resynchronisation cardiaque. Au gain de mortalité rythmique apporté par le défibrillateur, s’ajoute un gain en mortalité par insuffisance cardiaque apporté par la resynchronisation.
Le DAI est sous-utilisé
Dans la cohorte de R. Parkash et coll., seuls 16 % des patients répondant aux critères d’implantation d’un DAI en prévention primaire étaient réellement implantés. Cette constatation est retrouvée dans d’autres études observationnelles(3). Les patients non implantés étaient plus souvent des femmes, étaient plus âgés et avaient une FEVG en moyenne plus élevée (tableau).
Défibrillateur et insuffisance cardiaque
A. Lazarus et coll. ont colligé les caractéristiques cliniques de patients implantés d’un DAI en France en 2008 et 2009. Dans ce registre, près de 50 % des patients implantés de DAI étaient en classe NYHA III ou IV(4). Dans l’étude MERIT-HF(5), le décès par mort subite représente la principale cause de mortalité lorsque les patients sont en stade NYHA II, alors que la part de décès par insuffisance cardiaque terminale augmente avec la classe NYHA pour devenir le mode de décès le plus fréquent chez les patients en stade IV.
En France, 39,5 % des patients implantés d’un DAI en 2008 l’ont été avec un dispositif de resynchronisation cardiaque (CRT-D)(4). Ce chiffre est en constante progression, près de 50 % des DAI implantés étant actuellement des CRT-D. Les études randomisées montrent que le taux de réponse à la resynchronisation cardiaque est de l’ordre de 65-70 %. Cette resynchronisation améliore la fraction d’éjection de près de 10 %(6). Ainsi, chez certains patients, la resynchronisation seule sans DAI semble être suffisante pour améliorer leur pronostic en dépassant la fatidique barre des 35 % de FEVG.
DAI et morbidité
Si l’implantation du DAI permet de réduire significativement la mortalité, il le fait au prix d’une morbi-mortalité non négligeable.
Dans un registre canadien, parmi les 3 340 patients (âge moyen 63,8 ± 12,5 ans, 78,5 % d’hommes), des complications sévères sont survenues dans 3,8 % des cas d’indication primaire en période périopératoire (< 45 jours). Dans ce cas, la mortalité était plus importante à 45 jours mais aussi au-delà(7).
Aux complications précoces (pneumothorax, perforation myocardique, hématome de loge, déplacement de sonde), s’ajoutent les complications tardives (dysfonction et fracture de sonde, infection de loge, endocardite sur sonde, choc inapproprié).
Dans l’étude de M. Landolina et coll.(8), on observe qu’au terme d’un suivi moyen de 18 mois, 7,3 % des patients implantés avec un DAI triple chambre ont eu une nouvelle intervention en raison de complications liées au DAI. Parmi ces complications, près de 20 % étaient liées à des infections de matériel. Les risques de complications sont plus importants en cas de changement de boîtier et sont par conséquent à prendre aussi en considération pour les patients les plus jeunes dont la FEVG est proche des 35 %.
Conclusion
La prévention primaire est un problème lié à la balance bénéfice-risque/coût du DAI. Il n’y a actuellement aucun autre critère que la FEVG pour la sélection des patients. C’est bien là toute la problématique.
"Publié dans Rythmologies"
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