Échocardiographie
Publié le 06 oct 2015Lecture 7 min
Imagerie de la plaque vulnérable
P. MOTREFF, Pôle de cardiologie, CHU de Clermont-Ferrand
L’approche physiopathologique du syndrome coronarien aigu (SCA) a beaucoup progressé ces dernières années grâce aux travaux anatomopathologiques, mais aussi aux avancées de l’imagerie coronaire. Il est admis que la déstabilisation d’une plaque d’athérome vulnérable accompagnée de phénomènes thrombotiques est responsable d’angor instable, d’infarctus du myocarde ou de mort subite(1).
La place centrale qu’occupe la plaque vulnérable dans la physiopathologie du SCA et comme cible thérapeutique explique les nombreux travaux réalisés dans le domaine de l’imagerie(2-6).
Les techniques actuellement disponibles visent à mieux connaître l’histoire naturelle de la plaque (facteurs de constitution et de déstabilisation), à adapter des thérapeutiques focales ou systémiques ainsi qu’à en mesurer les effets sur des critères pronostiques prédéfinis.
De nombreuses méthodes invasives ont permis de mieux caractériser une plaque vulnérable. Le tableau reprend les imageries coronaires développées avec leurs résolutions respectives et leur propension à mesurer les différents critères de vulnérabilité (figure 1).
Figure 1. Il existe des critères morphologiques accessibles à l’imagerie (épaisseur de la chape fibreuse, volume du core nécrotique, remodelage positif) et des critères d’activité appréciés par des marqueurs biologiques (profil lipidique, marqueurs de l’inflammation...).
Techniques invasives
L’angiocoronarographie est de loin la technique la plus diffusée. On connaît ses limites dans la détection des plaques qu’elles soient stables, vulnérables, voire rompues. Le phénomène de remodelage positif décrit par Glagov(7) fait que longtemps le luminogramme est préservé alors que se développent des plaques non détectables à l’angiographie (figure 2). Les méthodes invasives les plus étudiées dans la détection et la surveillance des plaques sont l’IVUS et l’OCT (Optical Coherence Tomography).
Figure 2. Augmentation de la surface totale du vaisseau. L’angiographie (luminogramme) sous-estime la progression de l’athérome occupant ici plus de 40% de la surface totale du vaisseau (plaque burden = 70%).
L’ IVUS fournit une image de coupe haute résolution (80 μ m) à la fois de la lumière coronaire, mais aussi de la paroi du vaisseau(8). Les études IVUS ont permis de définir des facteurs de risque de rupture de plaque (remodelage positif, surface de plaque/surface totale du vaisseau > 40%, chape fibreuse fine, plaque > 2 quadrants). En plus de cette analyse quantitative (figure 3), l’IVUS permet d’approcher la composition de la plaque (fibreuse, lipidique, calcique, mixte), élément pronostique majeur. Des développements ont été apportés à la technique IVUS conventionnelle (dite « Gray Scale ») afin de caractériser au mieux les plaques. L’analyse de l’amplitude, mais aussi de la fréquence du signal ultrasonore réfléchi par la structure biologique permettrait d’en définir la nature : IVUS-radiofréquence(9) ou IVUS-VH (Virtual Histology). C’est ainsi qu’est représentée une cartographie couleur des parts lipidique, fibreuse et calcique de la plaque ; quantifications qui pourraient être utiles au suivi longitudinal de patients. La fiabilité et la reproductibilité de cet IVUS-VH- au travers de confrontations histologiques - restent néanmoins très discutées.
Figure 3. Chape fibreuse fine, plaque burden > 40%, remodelage positif, extension de plaque < 2 quadrants, surface luminale minimale mesurée à 7,6 mm². Forte composante lipidique évoquée sur le caractère hypoéchogène de la plaque.
L’autre exploitation de l’IVUS dans cette indication, développée en recherche, est l’élastograhie(10) qui consiste à étudier les déformations des différentes régions pariétales en fonction des pressions intraluminales (variant au cours du cycle cardiaque). Une paroi calcique aura besoin de pressions 10 fois supérieures à une paroi fibreuse et 1 000 fois supérieures à une paroi lipidique pour se déformer avec la même amplitude. L’élastographie permettrait une caractérisation tissulaire et la détection des zones vulnérables.
La tomographie par cohérence optique (OCT) est une technique de très haute résolution exploitant les propriétés d’absorption et de réflexion d’une lumière proche des infrarouges projetée sur la paroi vasculaire(11). Comme l’IVUS, l’OCT est réalisée au décours d’une coronarographie, l’imagerie de coupe étant obtenue par retrait hélicoïdal automatique d’une fibre endocoronaire, lors de l’injection de produit de contraste translucide (figure 4). L’OCT de dernière génération (FD-OCT) a permis de simplifier la réalisation de cet examen (vitesse de retrait de la fibre accélérée, permettant de s’affranchir de l’occlusion coronaire en amont de la zone étudiée) et d’en étendre le champ d’application à l’ensemble de l’anatomie coronaire. Les premières études OCT se sont intéressées aux plaques coupables de SCA, montrant une meilleure sensibilité que l’angioscopie ou l’IVUS dans le diagnostic de rupture, de thrombus ou d’érosion de plaque(12).
Figure 4. Exemple d’une plaque non sténosante au niveau du segment vertical d’une coronaire droite, analysée en IVUS et OCT.
L’excellente résolution de l’OCT (10 fois supérieure à celle de l’IVUS) dans l’analyse des couches les plus superficielles en fait une technique de choix dans l’analyse des plaques vulnérables, dans la mesure de l’épaisseur de la chape fibreuse séparant la lumière artérielle du noyau lipidique (figure 5). Confrontée à l’histologie(13), l’OCT est très performante dans la détection des TCFA (Thin Cap Fibro Atheroma) avec une sensibilité de 90%. L’OCT a confirmé in vivo, en rétrospectif au décours de SCA, la vulnérabilité des chapes fibreuses les plus fines (moins de 65 μ m)(14). Lors d’examens systématiques pratiqués sur les 3 troncs de patients coronariens, une forte prévalence de TCFA (30-40% des cas) distinctes des lésions coupables a été observée, prédominant sur les portions les plus proximales(15).
Figure 5. Exemple de TCFA (Thin Cap Fibro Atheroma), avec chape fibreuse mesurant moins de 65 μm d’épaisseur.
Les autres critères pronostiques, comme la surface luminale minimale, le pourcentage de sténose, sont également accessibles en OCT. La faible pénétration du signal (inférieure à celle de l’IVUS) ne permet pas toujours pour les plaques les plus volumineuses le calcul d’autres indices, comme l’index de remodelage ou le ratio surface de plaque/surface du vaisseau (figure 6).
Figure 6. SCA ST+ traité avec succès par thrombolyse préhospitalière. Image de plaque rompue visualisée sur la reconstruction longitudinale. La plaque s’est rompue à l’endroit où la chape paraît la plus fine. Exemples de mesures 5 mm en amont avec core nécrotique peu volumineux (< 40% surface totale, < 2 quadrants) et chape épaisse (210 μm).
Des études cas/témoins ont montré une augmentation de la densité des macrophages ou la présence de microcanaux intrapariétaux (figure 7) au niveau des plaques vulnérables ou coupables étudiées en OCT(16). Les outils de post-traitement de l’image optique et l’utilisation de marqueurs (nanoparticules) devraient améliorer la caractérisation tissulaire des composants de la plaque et la quantification des macrophages en surface. Les progrès récents de l’OCT et la diffusion des examens permettront à partir de suivis longitudinaux de cohortes de mieux appréhender la vulnérabilité des plaques et de définir de nouveaux marqueurs pronostiques.
Figure 7. Exemple de microcanaux intrapariétaux (flèches) observés au niveau d’une plaque sur coupe OCT (zoom x 3,3).
Techniques non invasives
Les techniques non invasives, comme le scanner, l’IRM, l’imagerie isotopique, font également l’objet de travaux dans l’analyse de la plaque. Ces techniques se heurtent à un problème de résolution temporelle et spatiale (contraintes de l’étude de petits vaisseaux en mouvement). La plupart des travaux initiés dans l’évaluation des plaques se sont limités à l’aorte et à des expériences animales. L’utilisation d’une imagerie hybride (PET/SCAN, PET/IRM) et de traceurs à demi-vie courte fixant différents acteurs de la vulnérabilité (lipides, macrophages, apoptose...) ouvre de nouveaux champs d’investigation. Pour être validées in vivo chez l’homme, ces méthodes prometteuses devront être confrontées aux imageries de référence invasives (IVUS et/ou OCT).
L’imagerie de la plaque vulnérable devrait permettre de progresser dans la connaissance de l’histoire naturelle des plaques. Parmi de nombreux travaux, l’étude PROSPECT a inclus 700 patients aux États-Unis et en Europe après SCA. Une fois l’artère coupable désobstruée, une cartographie par IVUS-VH est réalisée sur les 8 premiers centimètres des 3 principales coronaires. Les résultats rapportés à 3 ans confirment les limites de l’angiographie pour prédire la déstabilisation d’une plaque, valident les critères pronostiques obtenus par imagerie endoluminale : présence d’une TCFA, surface luminale < 4 mm2, plaque burden > 70%. Le taux d’événements majeurs dépasse les 18% à 3 ans lorsque les 3 critères pronostiques sont réunis, alors qu’il est voisin de 1% en l’absence de facteur de risque morphologique(17).
L’imagerie de la plaque permet de comprendre l’efficacité de certaines thérapeutiques. Les études REVERSAL ou ASTEROID ont montré l’impact d’un traitement agressif par statine sur le volume de la plaque en prévention secondaire. Des modifications qualitatives de la plaque sous de tels traitements ont été observées en histologie virtuelle. Sur un suivi longitudinal par IVUS, une relation entre l’augmentation de volume de la plaque et la survenue d’événements cliniques a pu être démontrée. Sur de courtes séries, un épaississement de la chape fibreuse sous l’effet de statines à pu également être mesuré en OCT.
L’imagerie de la plaque pourrait permettre de définir un pronostic individuel susceptible de décider d’un traitement préventif. Pour cela, seule une approche non invasive, reproductible, adaptée à une population asymptomatique et apportant un plus par rapport aux scores de risque classiques aurait un intérêt. L’imagerie de la plaque permettra de mieux apprécier l’efficacité de nouveaux traitements systémiques, et peut-être de développer de nouvelles stratégies focales. Des essais avec des stents biorésorbables, ballons actifs ou autres thérapeutiques « stabilisantes » auront besoin à l’avenir de cette imagerie.
En conclusion
Les avancées techniques permettent de progresser dans l’imagerie de la plaque d’athérome. La morphologie de la plaque n’est qu’une composante de sa vulnérabilité à laquelle il faut ajouter des facteurs environnementaux comme l’inflammation. Toutefois, l’imagerie fine permet une meilleure connaissance de l’histoire naturelle de la plaque et de ses facteurs déstabilisants. Elle permet d’envisager de nouvelles approches thérapeutiques et de mesurer l’impact de traitements préventifs. Le développement de méthodes non invasives adaptées à la prévention primaire devrait contribuer à diminuer la morbi-mortalité cardiovasculaire.
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