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Cardiologie générale

Publié le 12 avr 2015Lecture 9 min

Maladie génétique, secret professionnel et information familiale

F. CLAUDOT* & Y. JUILLIÈRE**, CHU de Nancy

La question de l’information des anomalies génétiques diagnostiquées pose une double difficulté individuelle et familiale. Deux intérêts légitimes peuvent entrer en conflit : d'une part, l'intérêt collectif familial de diffuser l'information recueillie et, d'autre part, la préservation, au profit de la personne diagnostiquée, du secret médical et le respect de sa vie privée, recouvrant notamment la possibilité d'être tenue dans l'ignorance du diagnostic. Dans un tel cas, le cardiologue doit-il passer outre le secret professionnel et informer la famille des risques génétiques ?

1. Le principe : information du patient, respect du secret professionnel, de la confidentialité et de la vie privée   1.1. Le Code pénal «  Le bon fonctionnement de la société veut que le malade trouve un médecin, le plaideur un défenseur, le catholique un confesseur, mais ni le médecin, ni l’avocat, ni le prêtre ne pourraient accomplir leur mission si les confidences qui leur sont faites n’étaient pas assurées d’un secret inviolable. Il importe donc à l’ordre social que ces confidents nécessaires soient astreints à la discrétion et que le silence leur soit imposé sans condition ni réserve, car personne n’oserait plus s’adresser à eux si l’on pouvait craindre une divulgation du secret confié. Ce secret est donc absolu et d’ordre public » (Garçon Emile, commentaire de l’article 378 du Code pénal de 1810). Si, depuis 1810, le secret professionnel a connu quelques atténuations législatives, il reste un élément essentiel du rapport de confiance qui lie le malade à son médecin et la société à un corps professionnel.  L’actuel article 226-13 du Code pénal, qui sanctionne ce que l’on appelle communément « la violation du secret professionnel », précise que « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».  La notion de révélation étant à prendre au sens large : verbale, écrite, témoignages, attestations, certificats délivrés à d’autres personnes que celles qui sont concernées par le secret ; elle peut porter sur des faits susceptibles d’être déjà connus, la révélation est alors une confirmation.   1.2. Le Code de la santé publique Cette obligation est reprise et déclinée dans le Code de la santé publique qui précise que, à l’exception des dérogations prévues par la loi, toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. Ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne. Il couvre toutes les informations confiées par le patient aux professionnels de santé, tout ce qui a été vu, lu, compris, déduit, entendu... Cette obligation s’étend également à tous les professionnels intervenant dans le système de santé.  L’article L. 1110-4 du Code de la santé publique précise par ailleurs que des échanges entre les professionnels d’informations relatives à une même personne prise en charge sont possibles sauf opposition de la personne dûment avertie afin : a) d’assurer la continuité des soins ; b) ou de déterminer la meilleure prise en charge possible.    1.3. Information du patient, information concernant le patient et dérogations légales concernant la famille, les proches, la personne de confiance La loi du 4 mars 2002 a consacré une obligation d’information du patient. En conséquence des dispositions relatives au secret professionnel, le seul destinataire de l’information est en principe le patient. Le patient ne peut délier le médecin de son obligation de secret (le secret n’étant pas une affaire privée, mais d’ordre public). Le secret ne lui est pas opposable. Les seules exceptions à l’information sont l’urgence, le refus de soins, l’impossibilité d’informer.  Concernant la famille, les proches et la personne de confiance, le Code de la santé publique a prévu quelques exceptions au secret pour le patient vivant, l’article L. 1111-6 prévoit que la personne de confiance peut accompagner le patient lors des entretiens médicaux sans que le secret lui soit opposable ; l’article L. 1110-4 précise qu’en cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret ne s’oppose pas à ce que ces tiers puissent recevoir de la part du médecin , les informations nécessaires destinées à leur permettre d’apporter un soutien direct à l’intéressé, sauf opposition de sa part ; pour le patient en fin de vie hors d’état d’exprimer sa volonté, l’article L. 1110-5 prévoit que ces tiers privilégiés puissent être consultés. Enfin, pour le patient décédé, l’article L. 1111-7 prévoit que « le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès ».   2. L’information du patient et de la famille dans le cas des maladies génétiques   S ’agissant des maladies génétiques, la loi s’est préoccupée de l’information du patient, mais aussi et surtout de l’information de la famille. L’article 5 de la loi relative à la bioéthique du 6 août 2004 (ancien article L. 1131-1 et suivants CSP) avait prévu qu’en cas de diagnostic d’une anomalie génétique grave, posé lors de l’examen des caractéristiques génétiques d’une personne, le médecin devait l’informer des risques que son silence pourrait faire courir aux membres de sa famille potentiellement concernés, dès lors que des mesures de prévention ou de soins peuvent leur être proposées. La personne concernée pouvait alors choisir d’informer elle-même sa famille ou utiliser la procédure de l’information médicale à caractère familial. Dans ce cas, elle indiquait au médecin le nom et l’adresse des membres de sa famille dont elle disposait, en précisant le lien de parenté qui les unissait. Ces informations étaient transmises par le médecin à l’Agence de la biomédecine qui informait, par l’intermédiaire d’un médecin, les membres de la famille de l’existence d’une information médicale à caractère familial susceptible de les concerner et des modalités leur permettant d’y accéder. Un décret en Conseil d’Etat, après avis de la Cnil, devait organiser cette procédure ; il n’a jamais été pris.  Un groupe de travail réuni à cet effet n’avait pu aboutir compte tenu des difficultés pratiques et juridiques rencontrées, au nombre desquelles figuraient la complexité de l’intervention de l’Agence de la biomédecine et de son rôle dans le choix des médecins, la remise en cause du principe du secret médical, l’absence de prise en compte du cas où la personne souhaitait être tenue dans l’ignorance de son diagnostic. La nouvelle procédure retenue par la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique a donc visé à régler ces difficultés. Il est tout d’abord à noter que l’article L. 1131-1-3 précise que seul le médecin prescripteur de l’examen des caractéristiques génétiques est habilité à communiquer les résultats de cet examen à la personne concernée ou, le cas échéant, à la personne de confiance, à la famille ou aux proches.   2.1. Procédure 2.1.1. Préalablement à l’examen génétique (L.1131-1-2 al. 1 CSP) Préalablement à la réalisation d’un examen des caractéristiques génétiques, le médecin prescripteur informe le patient des risques qu’un silence ferait courir aux membres de sa famille potentiellement concernés si une anomalie génétique grave dont les conséquences sont susceptibles de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins était diagnostiquée. Le médecin prévoit avec le patient, dans un document écrit qui peut, le cas échéant, être complété après le diagnostic, les modalités de l’information destinée aux membres de la famille potentiellement concernés afin d’en préparer l’éventuelle transmission. Si le patient a exprimé par écrit sa volonté d’être tenu dans l’ignorance du diagnostic, il peut autoriser le médecin prescripteur à procéder à l’information des intéressés dans les conditions prévues par la loi. 2.1.2. Après l’examen (L. 1131-1-2 al. 2 et suivants CSP) En cas de diagnostic d’une anomalie génétique grave, sauf si le patient a exprimé par écrit sa volonté d’être tenu dans l’ignorance du diagnostic, l’information médicale communiquée est résumée dans un document rédigé de manière loyale, claire et appropriée, signé et remis par le médecin. Le patient atteste de cette remise. Lors de l’annonce de ce diagnostic, le médecin informe le patient de l’existence d’une ou plusieurs associations de malades susceptibles d’apporter des renseignements complémentaires sur l’anomalie génétique diagnostiquée. Si la personne le demande, il lui remet la liste des associations agréées en application de l’article L. 1114-1. 2.1.2.1.  Le patient informe sa famille Le patient est tenu d’informer les membres de sa famille potentiellement concernés dont il ou, le cas échéant, son représentant légal, possède ou peut obtenir les coordonnées, dès lors que des mesures de prévention ou de soins peuvent leur être proposées. 2.1.2.2. Le patient ne souhaite pas informer sa famille Si le patient ne souhaite pas informer lui-même les membres de sa famille potentiellement concernés, il peut demander par un document écrit au médecin prescripteur qui atteste de cette demande de procéder à cette information. Il communique au médecin, à cette fin, les coordonnées des intéressés dont il dispose. Le médecin porte alors à leur connaissance l’existence d’une information médicale à caractère familial susceptible de les concerner et les invite à se rendre à une consultation de génétique, sans dévoiler ni le nom de la personne ayant fait l’objet de l’examen, ni l’anomalie génétique, ni les risques qui lui sont associés. Le médecin consulté par la personne apparentée est informé par le médecin prescripteur de l’anomalie génétique en cause.   À noter que lorsqu’une anomalie génétique grave est diagnostiquée dont les conséquences sont susceptibles de mesures de prévention, y compris de conseil génétique, ou de soins chez un patient qui a fait un don de gamètes ayant abouti à la conception d’un ou plusieurs enfants ou chez l’un des membres d’un couple ayant effectué un don d’embryon, le patient peut autoriser le médecin prescripteur à saisir le responsable du centre d’assistance médicale à la procréation afin qu’il procède à l’information des enfants issus du don dans les conditions décrites ci-dessus.   En conclusion    Le nouveau dispositif renforce l’obligation faite au patient auquel une anomalie génétique grave a été diagnostiquée d’informer ses apparentés, si des mesures de soins ou de prévention peuvent leur être proposées, et simplifie la procédure d’information indirecte par le médecin des intéressés, si la personne ne souhaite pas y procéder ou si elle a souhaité être tenue dans l’ignorance du diagnostic. Le dispositif reste muet concernant l’information des patients mineurs et majeurs sous tutelle, cependant, les articles L. 1111-2 et L. 1111-4 CSP prévoient que les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle en matière d’accès à l’information médicale les concernant ou de prise de décision médicale personnelle sont exercés, respectivement, par les titulaires de l’autorité parentale ou le tuteur, les intéressés étant associés à ces décisions selon leur degré de maturité s’agissant de mineurs ou leurs facultés de discernement s’agissant de majeurs sous tutelle. Dans le silence de la procédure, ces dispositions du Code de la santé publique ont vocation à s’appliquer. *Frédérique Claudot est maître de conférences des universités, praticien hospitalier dans le service de médecine légale à la faculté de médecine de Nancy et responsable des affaires juridiques à la Direction de la recherche et de l’innovation du CHU de Nancy. **Yves Juillière est professeur des universités en cardiologie et maladies vasculaires à la faculté de médecine de Nancy et expert de cardiologie près de la cour d’appel de Nancy.   

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