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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 01 fév 2015Lecture 8 min

Pratique des activités physiques et sportives par les patients porteurs d’un défibrillateur cardiaque implanté

F. CARRÉ, Explorations fonctionnelles, CHU Pontchaillou, université Rennes-I, Rennes

Depuis leur première utilisation dans les années 1990, les défibrillateurs cardiaques implantés (DCI) ont largement fait la preuve de leur efficacité, et leurs indications n’ont cessé de croître que ce soit en prévention primaire ou secondaire. Leur apport majeur dans l’arsenal thérapeutique des arythmies potentiellement létales ne doit pas faire oublier la modification du mode de vie, donc l’éducation, que les DCI imposent aux patients(1). Ainsi, la qualité de vie est plus souvent altérée par le port d’un DCI que par celui d’un stimulateur cardiaque. Si anxiété et dépression dominent globalement chez ces patients, chez les adolescents les deux craintes principales sont le choc électrique et les restrictions de la pratique des activités ludiques, en particulier sportives(2,3,4).

La possibilité de pratiquer une activité physique et/ou sportive occupe une place importante dans la vie quotidienne(5). Cette question concerne, bien qu’en des termes différents, à la fois les patients porteurs d’une dysfonction ventriculaire et ceux porteurs d’une pathologie arythmogène avec fonctions myocardiques normales. Chez les patients insuffisants cardiaques aux capacités physiques plus ou moins limitées, seule la pratique d’une activité physique faible ou modérée est envisageable. Il est aujourd’hui bien démontré que le port d’un DCI chez ces patients ne contre-indique nullement un réentraînement physique en centre de réhabilitation et/ou à domicile(6-7). Cette pratique doit être fortement encouragée. Un programme individualisé basé sur les capacités physiques individuelles (premier seuil ventilatoire), sur la pathologie sous-jacente, la programmation du DCI et la thérapeutique pharmacologique associée du patient doit être proposé(7).   Chez les patients avec pathologie arythmogène et fonctions myocardiques normales, la délivrance d’autorisations et de contre-indications à la pratique d’une activité physique et/ou sportive est souvent plus complexe. D’une part, chaque patient reste un cas individuel, tant en ce qui concerne la pathologie cardiaque, les risques qu’il présente et ses désirs vis-à-vis de la pratique sportive. D’autre part, les possibilités de pratique des activités sportives sont très variées selon le type d’activité, allant du bowling au triathlon, et le niveau de pratique, sport de loisirs de faible intensité à compétition de haut niveau. L’exercice physique impose toujours des contraintes au système cardiovasculaire qui en réponse doit s’adapter. Ces contraintes dépendent du type d’exercice (tableau 1), mais aussi pour la plus grande part de son intensité, de sa durée et de la notion d’alternance d’exercices modérés et intenses (accélérations brutales). La notion de compétition est classiquement définie par la réalisation d’entraînements codifiés intenses, afin d’améliorer la performance individuelle et/ou le classement(8). La compétition majore toujours la contrainte cardiovasculaire(8-10).   Classification des principaux sports selon leur composante dynamique Tableau 1. VO2 max. (consommation maximale d’oxygène) et statique (FMV = force maximale volontaire) et risque de collision (souligné) et/ou de syncope (italique). Modifié d’après(8) et(9). L’activité sportive peut aussi être pratiquée dans le cadre des loisirs, elle est alors classée selon son intensité modérée ou intense. Mais la distinction entre compétition et loisirs n’est pas toujours aisée, et bien des séances d’activités sportives pratiquées entre amis se terminent par de véritables compétitions aux enjeux les plus divers ! Pour l’activité sportive de loisirs, il est classique de parler de pratique intense lorsque le seuil d’essoufflement individuel, limitant significativement la capacité de conversation, est dépassé(11). Classiquement au-delà du seuil d’essoufflement, la stimulation sympathique et la libération de catécholamines augmentent de façon significative, pouvant alors favoriser l’éclosion d’une arythmie (figure)(12-13). Ainsi la pratique d’une activité physique intense chez un patient porteur d’une cardiopathie arythmogène augmente le risque de mort subite(13-14). Force est cependant de constater que cette appréciation du risque arythmogène reste très grossière avec de grandes variations individuelles. Seule la mise en évidence d’un seuil arythmogène individuel lors d’une épreuve d’effort et/ou d’un enregistrement ECG de longue durée a une réelle valeur, en sachant que sa reproductibilité est souvent médiocre. La durée de l’effort et les conditions environnementales, chaleur et humidité, de sa pratique jouent aussi un rôle du fait des modifications de l’homéostasie hydroélectrolytique induites(10-11).   Schéma des perturbations physiologiques Figure. Schéma des perturbations physiologiques transitoires observées pendant et après un exercice physique intense pouvant favoriser le développement et la pérennisation d’une arythmie cardiaque.  Au total, même en tenant compte de tous ces paramètres, le seuil arythmogène lié à l’exercice d’un patient est très difficile à affirmer. En outre, certains sports, comme l’escalade, les sports mécaniques, la plongée, etc., présentent un risque inhérent à la survenue d’une syncope ou d’un équivalent mineur. C’est un élément essentiel de la décision d’autorisation de pratique sportive en cas de cardiopathie arythmogène (tableau 1). Enfin, chez le patient porteur d’un DCI, les risques traumatiques du sport ont aussi une importance majeure : le risque de collision lors de la pratique sportive bien sûr (tableau 1), mais aussi les contraintes mécaniques spécifiques au sport pratiqué, surtout mouvement forcé d’extension-abduction du membre supérieur (tennis, golf, certains gestes de natation, de volley-ball, handball...) avec risque d’étirement et/ou d’écrasement de la sonde entre la clavicule et la première côte, pouvant léser le système implanté(10,15-16).   La pratique intensive   Nous disposons actuellement de peu d’études concernant la sécurité et l’efficacité du DCI en cas de pratique intensive d’un sport. Outre les possibles lésions de l’appareillage et des sondes et les conséquences des pertes de connaissance et/ou d’un choc électrique, en particulier dans certains sports à risque (escalade, sport automobile), déjà abordées, l’association DCI-exercice musculaire très intense présente d’autres risques potentiels(17) : des chocs inappropriés par tachycardie sinusale avec fréquence cardiaque très élevée, surtout chez l’enfant et le jeune sportif(16,18). Une élévation potentielle du seuil de défibrillation à l’origine d’un dysfonctionnement du DCI pourrait survenir(17).   Enfin, il a été rapporté que l’efficacité des chocs électriques externes serait moindre dans le contexte arythmogène particulier de l’exercice(19). Dans ce contexte particulier, l’efficacité du DCI ne paraît donc pas infaillible et il ne semble pas raisonnable d’autoriser le sport intense en se basant sur la seule protection potentielle que le port d’un DCI peut apporter(20). Enfin, il ne faut pas oublier que la pratique sportive intense, en plus de son risque arythmogène propre, peut aggraver la cardiopathie sous-jacente(16,20). Contrairement aux effets du réentraînement dans les coronaropathies, il n’y a pas de preuves scientifiques que la pratique régulière d’une activité sportive diminue le seuil arythmogène des cardiopathies arythmogènes, en particulier génétiques.   Une enquête récente, qui n’est pas une étude prospective sur la sécurité des DCI, a précisé l’attitude des rythmologues nord-américains, familiarisés avec ces systèmes, vis-à-vis de la pratique sportive de leurs patients(21). Pour les 40 % de praticiens qui ont répondu, la pathologie sous-jacente guidait plus leur attitude que le fait de porter un DCI. Deux tiers des praticiens interdisaient à leurs patients les activités avec risque de collision, mais seulement 45 % la pratique sportive en compétition en accord avec les recommandations(8-9,22). Des sports en compétition plus intenses que le golf, surtout basket-ball, course à pied et ski, étaient autorisés par près de 90 % des cardiologues. Dans leur expérience, la survenue de chocs délivrés par le DCI pendant la pratique sportive était fréquente, puisque rapportée dans 40 % des cas par les médecins. Les rares effets secondaires de ces chocs ont été une détérioration du matériel dans 5 % des cas et exceptionnellement (< 1 %) une incapacité à arrêter l’arythmie.   Ainsi, au vu des données et des recommandations actuelles, les attitudes suivantes peuvent être proposées et doivent être adaptées à l’évolution de la maladie, en particulier en cas de survenue de chocs électriques (les conseils généraux concernant l’implantation d’un DCI chez un sujet sportif sont résumés dans le tableau 2 ) : La pratique d’une activité physique modérée peut être autorisée et doit même être encouragée chez les porteurs d’un DCI. Dans ce cadre, les séjours en altitude et la conduite automobile ne doivent pas être interdits chez la plupart des patients, sauf cause médicale spécifique(2). L’utilisation d’un cardiofréquencemètre est possible(7). Mais il reste difficile de proposer des seuils individuels d’intensité basés sur la fréquence cardiaque, seuls des repères peuvent être proposés associés à une bonne éducation du sportif. Des interférences avec des ondes électromagnétiques ont exceptionnellement été rapportées. Il paraît cependant raisonnable de déconseiller la pratique de tous les sports risquant d’altérer le matériel et/ou son fonctionnement, en particulier ceux dont la pratique impose un geste répété forcé pouvant altérer le fonctionnement des sondes ainsi que les sports avec collisions, même si le port de systèmes de protection et/ou une implantation anatomique spécifique ont pu être proposés. Il est cependant possible de prévenir ce risque en implantant le matériel du côté du bras non dominant(10,16). Les activités présentant des risques pour le pratiquant et/ou d’autres participants en cas de survenue de syncope ou d’équ valent mineur, ou avec risque de chute ou de collision, doivent être contre-indiquées chez les patients porteurs de DCI. La natation est en règle générale contre-indiquée en cas de syndrome de QT long congénital (LQT1 et LQT2 surtout)(22). Chez le coronarien, sans dysfonction ventriculaire, il ne faut pas d’activité sportive intense.   Chez l’enfant scolarisé, les activités physiques ne doivent pas être systématiquement interdites. Elles doivent éventuellement être adaptées à la pathologie sous-jacente et à ses caractéristiques chez le patient. Les activités très intenses et/ou présentant des changements brutaux d’intensité et/ou avec notion de compétition et/ou décompte de points, et la natation en cas de QT long congénital doivent être évitées(22). La restriction doit être plus importante en cas d’arythmies catécholergiques ou de syndrome du QT long (LQT1 et LQT 2 surtout). Elle pourra être moins stricte dans les pathologies sans arythmie spontanée, le Brugada, les fibrillations ventriculaires « idiopathiques », et les torsades de pointe à couplage court(16,22-23).   Les formations aux métiers du sport impliquant une pratique sportive ne sont pas à conseiller lors du cursus scolaire(22). En revanche, chez les patients adultes, souvent anciens sportifs de bon niveau, qui le désirent une reconversion professionnelle, telle que enseignants et/ou encadrants et/ou entraîneurs pour les sports sans risque particulier (collision, risque en cas de syncope), ne doit pas être systématiquement interdite.   Concernant la compétition, les sports très intenses pratiqués avec un esprit de compétition, en particulier décompte du temps ou de points, et/ou sans possibilité de contrôle individuel de l’intensité, comme les sports collectifs, doivent être contre-indiqués(20,24). Parfois, l’attitude peut être plus individualisée et moins stricte notamment vis-à-vis du compétiteur occasionnel ou « amateur », qui désire prendre part à une épreuve sans but de performance, mais avec un réel désir de simplement « participer » et qui saura limiter ses efforts(23). C’est le cas du coureur à pied qui veut participer à un semi-marathon ou à un marathon sans désir de performance. En France, la participation à ce type d’épreuve nécessite la présentation d’un certificat médical de non-contre-indication. Le praticien pourra alors baser sa décision sur son expérience, l’évaluation et la connaissance de son patient. L’information, orale et écrite, et l’éducation de celui-ci et éventuellement de son entourage devront être sérieuses. La décision peut même être collégiale, patient-médecin.   Tableau 2.

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