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Thérapeutique

Publié le 14 juin 2015Lecture 5 min

Les anticoagulants oraux directs se différencient

C. FABER

En 2014, à la demande du ministère de la Santé, la Commission de la transparence de la Haute Autorité de santé (HAS) a procédé à une réévaluation des trois anticoagulants oraux directs (AOD) actuels que sont l’apixaban (Eliquis®), le dabigatran (Pradaxa®) et le rivaroxaban (Xarelto®). Après analyse des données disponibles, elle a conclu que le service médical rendu (SMR) par ces médicaments, en particulier en prévention des accidents vasculaires cérébraux et des embolies systémiques dans la fibrillation atriale, diffère d’une molécule à l’autre(1-4)

Les AOD sont venus enrichir l’arsenal thérapeutique des pathologies thromboemboliques à partir de 2008, sous le nom de nouveaux anticoagulants oraux (NACO). D’un point de vue pratique, ils ne présentent pas d’interaction avec les aliments et ne nécessitent pas de surveillance biologique de routine. Un avantage par rapport aux anti-vitamine K (AVK) qui étaient alors les seuls anticoagulants oraux disponibles. Initialement réservée à la thromboprophylaxie en chirurgie prothétique programmée de la hanche et du genou, cette nouvelle génération d’anticoagulants a ensuite vu ses indications s’élargir à la prévention des accidents vasculaires cérébraux (AVC) dans la fibrillation atriale (FA) et à la prévention et au traitement de la thrombose veineuse profonde (TVP) et de l’embolie pulmonaire (EP). Il existe aujourd’hui deux classes d’AOD définies en fonction de leur mode d’action : les inhibiteurs directs du facteur Xa (Eliquis®, Xarelto®) et les inhibiteurs directs de la thrombine (Pradaxa®). En janvier 2014, le ministère de la Santé a sollicité la Commission de la Transparence (CT) pour un avis « sur une éventuelle modification des conditions d’inscription des spécialités pharmaceutiques à base d’un anticoagulant oral non antivitamine K, en particulier compte tenu de la place de ces molécules dans la prévention de l’AVC chez les patients présentant une FA non valvulaire »(3,4). Pour Pradaxa® et Xarelto®, cette procédure s’inscrivait dans le cadre d’une demande de renouvellement de l’inscription sur la liste des spécialités remboursables(3,4) prévue tous les 5 ans(5).   Désormais, deux niveaux de SMR et d’ASMR Le travail de la CT a consisté, d’une part, à réévaluer le service médical rendu (SMR) des AOD et, d’autre part, à préciser à la fois leur place respective et vis-à-vis des AVK dans la stratégie thérapeutique de prévention des AVC et des embolies systémiques (ES). Pour ce faire, elle a pris en compte les nouvelles données – essais cliniques randomisées, analyse en sous-groupes et métaanalyses d’essais randomisés, études pharmaco-épidémiologiques – disponibles depuis l’évaluation antérieure à l’issue de laquelle tous les AOD avaient obtenu un SMR important. Cette réévaluation aboutit à une autre conclusion. Les trois AOD obtiennent, en effet, un avis favorable pour leur inscription sur la liste des médicaments remboursables, mais avec des niveaux de SMR différenciés avec, comme conséquence, des modifications des taux de remboursement (cf. encadré). Si un SMR important est maintenu pour Eliquis® et Xarelto®, la CT considère désormais que le SMR de Pradaxa® est modéré(1-4). Les molécules se différencient les unes des autres également en termes d’amélioration du service médical rendu (ASMR) par rapport aux médicaments de référence. Dans ce domaine, Pradaxa® et Xarelto® conservent une ASMR de niveau V (absence d’amélioration)(1-4) alors qu’on note un changement pour Eliquis® qui est dorénavant considéré comme apportant une amélioration mineure par rapport aux AVK (ASMR IV). Ainsi, selon l’avis de la CT, en cas de prescription d’un AOD, et lorsque le choix entre les trois médicaments actuellement disponibles est possible, « c’est l’apixaban (Eliquis®) qui a le mieux démontré, en termes de niveau de preuve, son intérêt en comparaison à la warfarine »(2-4).   Une utilisation préconisée en deuxième intention Afin de définir la place des AOD dans la stratégie thérapeutique de prévention des événements vasculaires, outre les données disponibles, la CT a utilisé les rapports publiés par l’ANSM et l’Académie de médecine(6,7). Elle préconise leur utilisation en deuxième intention après les AVK, arguant notamment de l’absence d’antidote – en précisant toutefois que des produits sont en cours de développement(8,9) – et de test de mesure du degré de l’anticoagulation(1-4). Le profil des patients éligibles à un traitement par AOD reste toutefois le même que celui défini dans le premier avis sur les AOD, la CT réaffirmant qu’ils doivent être réservés « aux patients sous AVK, mais pour lesquels le maintien de l’INR dans la zone cible (entre 2 et 3) n’est pas assuré malgré une observance correcte » et à ceux « pour lesquels les AVK sont contre-indiqués ou mal tolérés ou qui acceptent mal les contraintes liées à la surveillance de l’INR »(2-4). Sur ce point, il faut noter l’absence d’harmonie au sein de l’Europe. Plusieurs pays, parmi lesquels l’Allemagne, la Belgique, le Royaume-Uni, la Suède, à l’instar des États-Unis, n’émettent pas de restriction quant à l’utilisation des AOD versus les AVK, estimant qu’ils peuvent être prescrits en première intention dans les conditions de l’AMM(2-4).   Des données rassurantes de la surveillance des AOD en vie réelle En France, les données de surveillance en vie réelle des anticoagulants oraux, issues de deux études conjointes de l’ANSM(10) et de la CNAM(11), n’ont pas fait apparaître de signal de pharmacovigilance particulier avec les AOD. Conformément aux données de la littérature, elles ne montrent pas d’augmentation du risque d’événements hémorragiques sévères ou thrombotiques artériels à court terme chez les patients traités par les AOD par comparaison aux AVK, aussi bien en cas de remplacement de ces derniers par un AOD(10) que chez les nouveaux utilisateurs d’AOD(11). Il n’y a pas, non plus, de sur-risque d’AVC ischémique et d’embolie systémique ou d’infarctus du myocarde chez les patients passant d’un AVK à un AOD. Les AOD vont, bien entendu, continuer à faire l’objet d’une surveillance étroite comme c’est le cas de tous les médicaments mis sur le marché européen depuis 2005 (plan de gestion des risques – PGR)(12) et, de façon spécifique depuis 2012, des médicaments contenant une nouvelle substance active ou pour lesquels les autorités souhaitent disposer d’informations complémentaires(13). Une nouvelle réévaluation des AOD est envisagée par la CT dans un délai d’un an au vu des résultats attendus des études observationnelles et des modifications éventuelles de la stratégie thérapeutique des pathologies thromboemboliques.

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