Publié le 14 oct 2015Lecture 5 min
Nouveaux enjeux dans la prise en charge de l’hypercholestérolémie
La rédaction
ESC
N’en déplaise aux détracteurs de la prise en charge médicamenteuse du cholestérol pour diminuer la morbi-mortalité cardiovasculaire, nous disposons aujourd’hui de tout un faisceau de preuves montrant la corrélation entre le taux de cholestérol et la mortalité et validant la prise en charge de ce facteur de risque en prévention des événements cardiovasculaires.
Une récente étude française basée sur un échantillon de près de 7 000 patients sans antécédent cardiovasculaire, dont 4 930 ont été suivis de 1995 à 2011, a montré que le taux de mortalité totale est bien corrélé avec les concentrations de LDL-C évaluées selon les critères du Dutch Lipid Centers Network (Séguro F et al. Arch Cardiovasc Dis 2015, juin 2011). Elle vient appuyer les résultats de nombreuses études d’intervention qui ont prouvé les bénéfices d’une réduction du LDL-C principalement avec des statines et plus récemment avec l’association statine + ézétimibe dans l’étude IMPROVE-IT. Cette dernière a fait la preuve qu’abaisser de 0,7 à 0,55 g/l le LDL-C se traduit par un bénéfice clinique non négligeable, soit une réduction supplémentaire de 6,4 % des événements cardiovasculaires. Avant les résultats d’IMPROVE- IT, on pouvait penser que le bénéfice de l’abaissement du LDL-C était au moins en partie lié à un effet pléiotrope des statines. Aujourd’hui, nous savons que ce bénéfice est principalement dû à la baisse du LDL-C et que la théorie « lower is better » est vérifiée. En pratique, plusieurs questions se posent.
Quelle cible de LDL-C pour chaque patient ?
En prévention primaire, la détermination de la valeur cible de LDL-C, en fonction du niveau de cholestérol de base et du niveau de risque, est assez complexe ; en prévention secondaire, elle a été fixée à 0,7 g/l. L’obtention d’un LDL-C encore plus bas se discute en fonction du niveau de risque estimé à 5 ou 10 ans, le risque/bénéfice semblant d’autant plus bas que le risque estimé est élevé. Cette réduction très importante du LDL-C est possible en combinant une statine à la dose maximale tolérée à un autre hypolipidémiant, l’ézétimibe et/ou un inhibiteur de PCSK9. Il est démontré que le doublement de la dose de statine n’abaisse que de 6 % le LDLC, d’où la nécessité de combiner les thérapeutiques. En pratique, l’atteinte de la cible de LDL-C se heurte à plusieurs limites : intolérance aux statines, efficacité insuffisante, mauvaise observance du t rai tement conduisant à son arrêt. L’intolérance aux statines se manifeste surtout au début du traitement ; on peut essayer de la pallier en changeant de statine, en faisant un essai de réintroduction, en associant l’ézétimibe à une statine. Au final, moins de la moitié des patients à haut risque sont à la cible de LDL-C et près de 20 % seulement des patients à très haut risque. Parmi ces derniers figurent en première ligne les patients souffrant d’hypercholestérolémie familiale.
Hypercholestérolémie familiale, une maladie à part
Cette maladie à transmission autosomique dominante est la plus fréquente des maladies génétiques et malheureusement sousdiagnostiquée. Les formes homozygotes, rares (1 enfant/1 million), sont caractérisées par des concentrations de LDL-C deux fois plus élevées que la moyenne dès la naissance, ce qui confère un risque cardiovasculaire très élevé et très précoce.
Les formes polygéniques sont plus fréquentes et diagnostiquées plus tardivement, vers 20-30 ans, encore faut-il y penser. Ces formes concernent 1/200 à 1/500 naissances. La moitié de ces patients fera un accident cardiovasculaire avant l’âge de 50 ans et l’on considère que 10 % seulement des formes hétérozygotes sont diagnostiquées et prises en charge. Le diagnostic repose sur les critères du Dutch Lipid Clinic Network : antécédents familiaux ou personnels d’événements cardiovasculaires précoces et/ou d’hypercholestérolémie ; présence de xanthomes, xanthélasmas, arc cornéen ; taux de LDL-C réparti en 4 catégories (≥ 3,30 g/l ; 2,50-3,29 g/l ; 1,90-2,49 g/l ; 1,55-1,89 g/l) ; recherche d’une mutation fonctionnelle du récepteur des LDL, de l’apo B ou du gène PCSK9.
Une avancée majeure, les inhibiteurs de PCSK9
L’approbation européenne de l’evolocumab, anti-PCSK9, constitue une avancée majeure, en particulier dans la prise en charge des hypercholestérolémies familiales (encadré).
Les indications recommandées par la Commission européenne de l’evolocumab reposent sur les résultats du programme d’études PROFICIO :
• L’étude DESCARTES, réalisée chez des patients à risque insuffisamment contrôlés par une statine, a comparé l’evolocumab versus placebo en sus de l’atorvastatine à la dose maximale tolérée (± ézétimibe) et montré une réduction moyenne du LDL-C par rapport au placebo de 57 % sous evolocumab 420 mg/4 semaines, à 1 an (p < 0,001).
• L’étude RUTHERFORD, chez des patients ayant une hypercholestérolémie familiale hétérozygote, a testé deux stratégies d’administration de l’evolocumab, 140 mg/2 semaines et 240 mg/4 semaines versus placebo, + statine et ézétimibe dans 2/3 des cas. Malgré un traitement bien conduit, le LDL-C de base à l’inclusion était de 1,50 à 1,60 g/l. Une réduction d’environ 60 % du LDL-C a été obtenue sous evolocumab, permettant à de nombreux patients d’atteindre la cible de LDL.
• L’étude GAUSS réalisée chez des patients intolérants aux statines a été conduite versus ézétimibe, en évaluant les deux modalités d’administration d’evolocumab et confirme la baisse du LDL-C sous evolocumab (de > 50 %) avec une très bonne tolérance.
• L’étude TESLA B a concerné 50 patients ayant une hypercholestérolémie familiale homozygote avec une baisse de 30 à 45 % du LDL-C selon l’ampleur du déficit de fonctionnalité des LDL récepteurs.
• Le programme OSLER consiste en une extension de 12 essais randomisés de phase 2-3, dont 4 465 patients ont été re-randomisés pour recevoir soit evolocumab 140 mg/2 semaines ou 420 mg/mois + traitement standard soit traitement standard, et suivis pendant près d’un an. Elle confirme la baisse du LDL-C d’environ 61 % (de 1,20 à 0,48 g/l), la bonne tolérance de l’evolocumab et met en évidence un bénéfice significatif sur les événements cardiovasculaires (diminution de 53 % des événements cardiovasculaires). Le seul signal observé sous traitement est une différence modeste d’événements neurocognitifs, effet partagé avec l’alirocumab et dont la signification est obscure.
Les inhibiteurs de PCSK9 ne sont pas encore disponibles sur le marché. Leur place dans la stratégie de prise en charge des hypercholestérolémies et chez les sujets à risque cardiovasculaire dépendra probablement des conditions de remboursement de cette classe de produits.
D’après une conférence de presse AMGEN avec la participation de J. Ferrières et E. Bruckert, et un symposium avec la participation de F. Schiele et M. Farnier, ESC Congress 2015, Londres
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