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Thérapeutique

Publié le 31 oct 2015Lecture 6 min

Conduite à tenir devant les effets secondaires musculaires des statines

E. BRUCKERT, D. ROSENBAUM, Service d’endocrinologie métabolisme, IHU Cardio-métabolique, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris

L’utilisation d’une statine, quand le LDL-cholestérol est élevé et que le risque cardiovasculaire le justifie, est indispensable car le rapport bénéfice-risque est considéré comme excellent.

La Société européenne d’athérosclérose vient de publier des recommandations pour la prise en charge des patients présentant des symptômes musculaires alors qu’ils sont sous statine(1). Ce document explique la démarche qui comprend plusieurs étapes : 1) diagnostique, 2) recherche d’un facteur favorisant, 3) évaluation du rapport bénéfice-risque et 4) trouver une solution (un compromis) thérapeutique. Les métaanalyses des études comparant une statine avec un placebo ont démontré une baisse significative de la morbidité et mortalité cardiovasculaire directement fonction du LDL-C(2). En pratique quotidienne, la difficulté principale dans l’utilisation des statines est liée à la possibilité d’effet secondaire musculaire. Cette difficulté vient d’une surmédiatisation du retrait du marché de la cérivastatine pour les cas de rhabdomyolyse (ayant généré un crainte chez les patients), la très grande fréquence dans la population des douleurs (musculaires, tendineuses ou autres) facilement attribuées aux statines par les patients et de l’absence de données permettant un diagnostic fiable et certain de la responsabilité des statines dans la douleur. Cette situation joue un rôle non négligeable dans les difficultés d’observance responsables d’un sur-risque pour le patient qui aurait arrêté son traitement par statine et d’un surcoût pour la société. Les effets secondaires musculaires sont classiquement séparés en 4 catégories : la rhabdomyolyse totalement exceptionnelle (élévation massive des CPK avec myoglobinurie et atteinte rénale le plus souvent ; 5-20 cas par million de personnes traitées ; un cas sur 10 est mortel)(3), la myosite (douleur musculaire et CPK élevées), les myalgies (douleurs isolées) et l’élévation isolée des CPK. Le terme myopathie regroupe l’ensemble des effets secondaires musculaires. La fréquence exacte des douleurs musculaires reste à évaluer. Elle est très faible dans les études d’intervention du fait de biais de sélection (patient sans antécédent, avec peu de comorbidités) de déclaration (seuls les effets notables sont répertoriés) ou de design de l’étude (période de run-in permettant d’exclure les patients avec effet secondaire). Cette faible fréquence contraste avec la réalité quotidienne ou près de 10 % des patients ont une plainte musculaire mais ces études, à l’inverse, surestiment probablement la responsabilité des statines dans les douleurs(4). Une étude récente randomisée donne une fréquence intermédiaire probablement plus proche de la réalité qui est de 5 %(5). Ceci suggère que près de la moitié des patients ont une douleur d’autre origine ou un effet nocebo.   La première étape est l’évaluation des douleurs et du lien avec le traitement   Elles sont dose-dépendantes. Chez certains patients des doses plus faibles que les doses de début habituel de traitement sont parfois bien tolérées (atorvastatine 10 mg un jour sur deux et rosuvastatine 5 mg un jour sur deux voire moins). Elles ont une sémiologie particulière. L’expérience clinique montre que la sémiologie des douleurs rassemble le plus souvent les caractéristiques suivantes(6) : - lien chronologique (début dans le mois qui suit le début du traitement et arrêt ou amélioration dans les semaines qui suivent l’arrêt du traitement) ; - les symptômes associent les plus souvent courbatures, crampes ou fatigabilité ; - les symptômes sont sinon diffus au moins bilatéraux touchant plus volontiers les gros muscles. Un score clinique a été proposé pour poser le diagnostic (tableau). Ce score peut être une orientation intéressante mais en l’absence de critère validé, le diagnostic reste toujours difficile. L’élément très en faveur du lien reste la survenue rapidement après le traitement, l’arrêt des douleurs quand le traitement est arrêté et éventuellement la reprise en cas de reprise du traitement.   La deuxième étape est la recherche d’un facteur favorisant   Pour revue se référer à la référence 1. En pratique il faut rechercher une interférence médicamenteuse ou avec un aliment comme le jus de pamplemousse. Cette interférence peut être marquée chez certains patients et est plus importante avec certaines statines (simvastatine). Il faut se référer au Vidal pour la liste complète des interactions. L’interaction statines et fibrates est classiquement signalée toutefois elle est surtout marquée avec le gemfibrozil qui ne doit jamais être associé aux statines. La carence en vitamine peut être un facteur de douleurs musculaires. La carence doit donc être corrigée. Il n’existe pas de preuve de l’efficacité de l’association avec du coenzyme Q10.   Dans la surveillance et la prise en charge préventive, on peut proposer deux recommandations   La surveillance du traitement comprend un dosage des CPK chez les sujets qui sont à risque ou ont des symptômes musculaires. Il n’est donc pas nécessaire de doser les CPK chez un patient sans symptôme. Il n’est pas non plus justifié de doser les CPK avant la mise sous traitement en l’absence d’antécédent de pathologie musculaire. Il est nécessaire d’effectuer un dosage des CPK avant et sous traitement dans les situations à risque suivantes : - insuffisance rénale ; - hypothyroïdie ; - antécédents personnels ou familiaux de maladie musculaire génétique ; - antécédents personnels d’effet indésirable musculaire avec un fibrate ou une statine ; - abus d’alcool ; - âge supérieur à 70 ans, d’autant plus qu’il existe d’autres facteurs de risque musculaires. Tout symptôme musculaire inexpliqué apparaissant sous traitement doit faire pratiquer un dosage des CPK. Il ne faut pas passer à côté de l’urgence d’arrêter le traitement en cas d’accident sérieux caractérisé par une élévation importante des CPK (supérieure à 5-10 fois la normale) et des douleurs musculaires. Si l’élévation est manifestement provoquée par un effort musculaire inhabituel et que le taux est inférieur à 10 fois la normale, un contrôle peut être proposé 24 heures plus tard avant d’arrêter le traitement.   Dans la conduite à tenir en cas de douleur attribuable aux statines(1,7)   • Elle dépend de l’évaluation individuelle du rapport bénéfice-risque (par exemple, le traitement peut être continué dans une situation de haut risque avec des symptômes mineurs). Le médecin peut ainsi favoriser une fenêtre thérapeutique pour évaluer la responsabilité du traitement, choisir de changer de statine (au moins 3 essais sont possibles) ou encore proposer de diminuer la dose. Une étude a montré que la plupart des patients intolérants aux statines étaient capable de tolérer la fluvastatine. Il peut s’agir d’un résultat lié à la bonne tolérance de cette statine ou au fait que la plupart de patients avaient plutôt des douleurs sans rapport avec le traitement ou un effet nocebo qui disparaît dans une situation d’étude en aveugle contre placebo. Les alternatives thérapeutiques quand les statines ne sont pas suffisantes ou mal tolérées sont : a) l’ezetimibe le plus souvent bien toléré sur un plan musculaire ou la b) la colestyramine. Les inconvénients majeurs sont les effets secondaires notables mais non dangereux (constipation). Les patients se plaignent parfois de changement du goût, de sensation de nausée et de ballonnement. Mais, avec le temps, les effets secondaires tendent à disparaître c) les dérivés des fibrates sont une alternative pour certains dans les hypercholestérolémies pures quand l’utilisation des statines n’est pas possible. Ils n’ont toutefois pas fait leur preuve dans ce cas sur la diminution des accidents cardiovasculaires. De nouveaux traitements sont en développement (anticorps anti-PCSK9) avec des études spécifiques chez les patients intolérants aux statines. Ces produits ne sont pas encore disponibles.   En pratique    Les douleurs musculaires restent un problème avec les statines. Il faut ne pas surestimer la responsabilité des statines mais aussi répondre à l’attente des patients qui ont une plainte en modifiant la stratégie thérapeutique quand la responsabilité du traitement est probable. Score clinique pour évaluer la relation entre symptômes musculaires et traitement par statine. D’après Rosenson RS et al. An assessment by the statin muscle safety task force: 2014 update. J Clin Lipidol 2014 ; 8 : 558-71.

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