Congrès et symposiums
Publié le 14 déc 2015Lecture 5 min
La pathologie chronique de l’aorte ascendante : les guidelines
G. JONDEAU, O. MILLERON, C. BOULETI, CNMR Syndrome de Marfan et apparentés, Hôpital Bichat, Paris
CNCF
L’aorte normale est un tuyau qui permet à 200 millions de litres de sang de se distribuer dans l’ensemble de l’organisme au cours de la vie. On considère que le diamètre normal est généralement inférieur à 40 mm. Pendant la vie, l’aorte se dilate progressivement, en moyenne de 0,9 mm/10 ans chez les hommes et en moyenne de 0,7 mm/10 ans chez les femmes. Au cours du vieillissement, le rapport collagène/élastine augmente, ce qui a pour conséquence une augmentation de la rigidité et une augmentation de la pression pulsée.
L’aorte ascendante est limitée à la portion de l’aorte qui précède le tronc artériel brachio-céphalique, et comprend donc les sinus de Valsalva (ou racine aortique), la jonction sino-tubulaire, et l’aorte ascendante proprement dite (figure 1).
Figure 1.
L’imagerie de l’aorte nécessite une imagerie synchronisée à l’ECG. Des mesures correctes ne peuvent pas être obtenues à partir d’images acquises sans « gating » ECG, car il faut mesurer perpendiculairement à l’axe du vaisseau et que cela nécessite une reconstruction 3D. Si une reconstruction 3D est impossible, l’axe réel du vaisseau est probablement plus proche du petit axe de l’ellipse obtenue sur l’image horizontale que du grand axe.
Les mesures doivent être ensuite standardisées de façon à obtenir une meilleure reproductibilité. Elles peuvent être réalisées de bord interne à bord interne, de bord d’attaque à bord d’attaque ou de bord externe à bord externe. Elles peuvent être réalisées en systole ou en diastole (la mesure en diastole est la plus reproductible). Les comparaisons d’évolution du diamètre aortique doivent se faire sur des images comparées les unes aux autres et non en comparant les comptes rendus (figure 2).
Lorsqu’un anévrisme est retrouvé, il faut réaliser une visualisation complète de l’aorte initialement et au cours du suivi (même si l’examen n’est pas utile systématiquement au cours du suivi).
Figure 2. Vue parasternale grand axe et suprasternale de l’aorte indiquant les repères de mesure de l’anneau aortique, de l’arc aortique en ETT : sinus de Valsalva, jonction sinotubulaire, aorte ascendante et diamètre de l’arc aortique. AO : aorte.
Le traitement médical
La pression artérielle doit être maintenue < 140/90 mmHg, et ce par le biais de règles hygiénodiététiques complétées au besoin par des médicaments. Le syndrome de Marfan qui sert de modèle pour les aortopathies, a permis de tester l’efficacité des bêtabloquants, des IEC et des ARAII.
Les seuils opératoires sont les mêmes que lors des recommandations précédentes :
En cas de syndrome de Marfan : ≥ 50 mm. En cas d’histoire familiale de dissection, d’augmentation de la taille > 3 mm/an (sous réserve d’avoir répété les examens avec la même technique de mesure et sous réserve d’une confirmation par une deuxième technique de mesure du diamètre aortique), en cas de fuite aortique sévère ou de désir de grossesse, le seuil peut être diminué à 45 mm.
En cas de syndrome de Loeys Dietz, idem ; pour le syndrome d’Ehlers Danlos vasculaire, pas de données permettant de proposer un diamètre opératoire.
Ce seuil de 3 mm de vitesse de dilatation est sujet de beaucoup de discussions. En effet, sa fiabilité dépend de la précision et de la reproductibilité des mesures au même niveau de l’aorte, et il est donc important de regarder les images et non uniquement les comptes rendus. Enfin il faut vraiment que ceci soit confirmé par deux techniques différentes si une prise en charge différente en découle.
En cas de valve aortique bicuspide, l’intervention est proposée à 55 mm. Ce seuil peut être diminué en cas d’histoire familiale, d’hypertension artérielle, de coarctation de l’aorte, d’augmentation du diamètre de plus de 3 mm par an, et en fonction de l’âge, de la taille, des comorbidités, du type de chirurgie.
Un diamètre aortique de 55 mm conduit à proposer une intervention chirurgicale à tous les patients porteurs d’un anévrisme, y compris chez ceux dont la valve aortique est tricuspide (figure 3).
Dans les valeurs limites, les décisions sont prises en tenant compte de l’histoire personnelle et familiale, de l’âge du patient et du risque de l’intervention. En cas de syndrome de Turner la valeur de 27 mm/m2 a été proposée.
Si un patient doit se faire opérer d’une valve aortique, le diamètre à partir duquel une intervention sur l’aorte ascendante est proposé est de 45 mm, à moduler en fonction de l’âge, la taille, l’étiologie de la valvulopathie (plus de risque de dilatation dans le temps en cas de chirurgie pour fuite) et de l’aspect et l’épaisseur per-opératoire de la paroi aortique.
Les formes génétiques d’anévrismes de l’aorte ascendante sont de transmission dominante autosomique, et de nouvelles pathologies sont reconnues très régulièrement.
Ces nouvelles pathologies génétiques sont marquées par une grande variabilité (c’est-à-dire que la même mutation génétique va pouvoir donner une forme grave ou une forme légère, avec même une pénétrance incomplète, des sauts de génération). Ces formes associent également au risque aortique des signes extra-aortiques qui dépendent des mutations en cause ; de même, le risque aortique est également modulé par le type de mutation. Du fait de la grande variabilité de signes présents au cours de ces formes génétiques, il faut savoir réaliser une enquête familiale devant un anévrisme aortique, même en l’absence de signes extravasculaires. Ces formes sont aussi importantes car elles permettent de disposer d’un modèle pour l’étude des traitements (figure 4).
Le traitement bêtabloquant a démontré son efficacité chez les patients Marfan dans les années 90. Le losartan qui a été très efficace dans un modèle de souris Marfan n’a pas tenu ses promesses chez les patients atteints par le syndrome, ce qui remet en cause la validité des modèles animaux. Le celiprolol a été efficace pour retarder l’apparition des signes vasculaires chez des patients porteurs d’un syndrome d’Ehlers-Danlos vasculaire.
En cas de bicuspidie aortique, une échographie doit être réalisée et doit être complétée par une IRM ou un scanner si l’ensemble de l’aorte n’est pas bien visualisée par l’échocardiographie.
De plus, les mesures aortiques doivent être régulièrement répétées chez tous les patients. La fréquence de la surveillance varie en fonction du diamètre aortique, de la vitesse de dilatation aortique, et de l’histoire familiale. La mesure doit être annuelle si le diamètre est supérieur à 45 mm, si l’augmentation des diamètres est supérieure à 3 mm/an. De plus si le diamètre maximal est supérieur à 50 mm à l’échocardiographie ou la dilatation supérieure à 3 mm/an à l’échocardiographie, une autre imagerie par IRM ou scanner doit être obtenue.
Sur le plan thérapeutique, les bêtabloquants peuvent être donnés chez des patients avec une valve aortique bicuspide et un diamètre maximal supérieur à 40 mm. Le dépistage familial devrait être réalisé. Enfin chez tous les patients qui présentent une dilatation aortique (> 40 mm) et une bicuspidie aortique ou une élastopathie, la pratique des sports isométrique doit être découragée.
Figure 3. Seuil pour chirurgie aortique.
Figure 4. Formes syndromiques de l’anévrisme de l’aorte thoracique.
En pratique
Ces recommandations balaient l’ensemble des pathologies chroniques de l’aorte ascendante, et proposent des prises en charge assez claires dans les différents cas. Les pathologies reconnues récemment sont évoquées.
Il est net qu’il reste du travail pour comprendre au mieux les facteurs de risque et proposer une prise en charge adaptée à chaque cas.
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