Valvulopathies
Publié le 14 jan 2016Lecture 5 min
La valvuloplastie mitrale interventionnelle : où en sommes-nous ?
A. VAHANIAN, D. HIMBERT, M. URENA-ALCAZAR, É. BROCHET, D. MESSIKA-ZEITOUN, B. IUNG, P. NATAF, Hôpital Bichat Claude Bernard - Université Paris VII
Le développement des techniques interventionnelles pour traiter l’insuffisance mitrale (IM) a un rationnel fort :
- l’IM est une valvulopathie fréquente et le pronostic spontané est défavorable si elle est sévère ;
- les patients porteurs d’IM sont aujourd’hui volontiers âgés avec de nombreuses comorbidités ;
- la chirurgie est bien sûr le « gold-standard » mais les comorbidités font que l’intervention peut être à haut risque, voire contre-indiquée, chez un certain nombre de malades ;
- en pratique, l’étude Euro Heart Survey, et d’autres études ensuite, ont montré qu’un nombre important de patients symptomatiques porteurs d’IM sévère ne sont pas adressés pour discussion médicochirurgicale.
Les premières tentatives de traitement percutané de l’IM ont eu lieu de façon à peu près simultanée à l’implantation de bioprothèse aortique par cathétérisme (TAVI) et un peu plus de 10 ans plus tard plus de 200 000 TAVI ont été réalisés alors qu’il n’y a eu « que » 25 000 valvuloplasties mitrales percutanées. Cette différence est sans doute due au fait que l’IM est une maladie beaucoup plus complexe que la sténose aortique : la dysfonction mitrale est la conséquence de l’atteinte des feuillets mais aussi de l’appareil sous-valvulaire, de l’anneau mitral et du ventricule gauche. Il y a deux types complètement différents d’IM : l’IM primaire et l’IM secondaire où le problème principal est la dysfonction ventriculaire gauche — les techniques chirurgicales ne se limitent pas au simple remplacement valvulaire mais laissent une large place à la chirurgie conservatrice associant plusieurs techniques selon l’anatomie et la fonction valvulaire.
Aujourd’hui la quasi-totalité des interventions percutanées pour IM sont réalisées grâce au MitraClip qui reproduit la technique de suture bord à bord au niveau de la partie médiane des deux feuillets mitraux (figure 1). L’intervention chirurgicale d’Alfieri donne de bons résultats avec un recul de plus de 15 ans entre les mains de l’équipe de Milan. Il faut noter qu’en chirurgie elle est toujours associée à une annuloplastie mitrale.
Figure 1. Procédure MitraClip : A. Intervention chirurgicale d’Alfieri avec création d’un double orifice mitral après suture de la partie médiane des deux feuillets valvulaires. B. MitraClip « capturant » les deux feuillets valvulaires avant d’être refermé et largué.
L’expérience mondiale du Mitra-Clip est de plus de 25 000 patients. « L’évidence » vient essentiellement de l’étude randomisée Everest II sur un peu moins de 300 malades, porteurs d’IM primaire ou secondaire sévère, randomisés entre traitement chirurgical et MitraClip. La procédure percutanée est apparue plus sûre, essentiellement en raison d’un moins grand nombre de transfusions. À 5 ans, les résultats obtenus par le MitraClip restent très stables et 75 % des patients sont vivants et n’ont pas été réopérés. Ceci est moins bien que la chirurgie (92 %) et n’est certainement pas acceptable chez les patients opérables à faible risque. Par contre, il s’agit d’un résultat très encourageant chez les patients à haut risque, voire inopérables. La réduction de l’IM est moins importante dans le groupe traité par MitraClip, où 80 % des patients ont une IM ≤ 2/4 et un peu plus de 40 % une fuite résiduelle de 0 ou 1/4, alors que dans le groupe chirurgical 99 % des patients ont une IM ≤ 2/4 et 80 % une insuffisance mitrale à 0 ou 1/4. Malgré la moins bonne efficacité que la chirurgie en termes de réduction d’IM, les résultats fonctionnels après MitraClip sont tout à fait comparables et plus de 90 % des malades sont a- ou paucisymptomatiques à 5 ans.
Cette étude peut bien sûr être critiquée en raison de sa relative petite taille et du mélange d’IM primaire et secondaire mais elle apporte des renseignements très importants parce qu’elle est randomisée, comporte une évaluation échographique centralisée, et un long suivi.
Dans la pratique, les 25 000 patients traités dans plus 500 centres dans le monde ont permis d’observer une amélioration du taux de succès de la procédure qui est supérieur à 90 % grâce à une meilleure expérience des équipes. En Europe les patients traités « dans la vraie vie » ont une IM secondaire dans 2 cas sur 3 alors qu’aux États-Unis, en raison des recommandations de la FDA, il s’agit essentiellement d’IM primaires.
De très nombreux registres ont permis de confirmer l’efficacité du MitraClip avec des taux d’IM ≤ 2/4 de plus de 90 %, ce qui représente là aussi une amélioration par rapport à l’étude randomisée initiale.
La sécurité paraît satisfaisante chez ces patients volontiers à haut risque avec une létalité de l’ordre de 2 à 3 % et là aussi une amélioration fonctionnelle tout à fait nette puisqu’à 1 an dans le registre européen, 74 % des patients sont a- ou pauci-symptomatiques.
L’efficacité du MitraClip sur les réhospitalisations ou la survie n’a pas été prouvée par des études randomisées mais est suggérée par des comparaisons à des groupes contrôles « historiques » traités médicalement.
À la lumière de cette « évidence », les recommandations européennes de 2012 ont conclu que le MitraClip peut être indiqué chez des patients symptomatiques malgré un traitement médical optimal porteurs d’IM mitrale primaire ou secondaire, si l’anatomie est favorable et si les patients sont jugés inopérables ou à haut risque par le groupe médico-chirurgical.
Les recommandations européennes dans le traitement de l’insuffisance cardiaque de 2012 allaient dans le même sens en insistant sur le fait que le bénéfice du traitement est essentiellement d’améliorer les symptômes.
Les recommandations nord-américaines sont un peu discordantes puisque les recommandations sur l’insuffisance cardiaque de 2013 considéraient que le traitement pouvait être envisagé dans les IM primaires alors que les recommandations sur les maladies valvulaires de 2014 restreignent l’utilisation de ce dispositif aux IM primaires. Entre-temps la FDA avait émis sa décision…
Ces différences de part et d’autre de l’Atlantique traduisent essentiellement un manque d’évidence.
Le MitraClip représente la très grande majorité des dispositifs utilisés puisqu’en Allemagne, où de nombreux dispositifs sont disponibles, 99,5 % des patients qui ont une intervention mitrale percutanée reçoivent un Mitra- Clip.
Dans les autres cas une annuloplastie par le sinus coronaire a été effectuée avec le Carillon qui a le marquage CE et l’avantage de la simplicité. Néanmoins un « retour à l’anatomie » permet de comprendre que son efficacité est limitée parce que le sinus coronaire n’est pas l’anneau mitral puisqu’il ne couvre qu’une partie de sa circonférence et est en position intraauriculaire, ce qui limite l’efficacité, tandis que dans un grand nombre de cas le sinus coronaire croise l’artère circonflexe et cette technique n’est pas toujours réalisable en raison du risque de compression coronaire. Deux autres nouvelles techniques sont plus prometteuses parce qu’elles reproduisent des techniques chirurgicales « éprouvées » :
- l’implantation de cordage par voie transapicale a pu être réalisée chez plus de 100 patients et donne de bons résultats dans les formes touchant la partie médiane des valves ;
- l’annuloplastie mitrale « directe » par voie transseptale en utilisant le Cardioband, a pu démontrer une bonne efficacité chez 50 patients puisque plus de 95 % des cas l’IM est ≤ 2/4 à 1 an, en rapport avec une réduction du diamètre annulaire septo-latéral de 20 %. À 1 an, 80 % des patients sont au stade fonctionnel 1 ou 2 (figure 2).
Ces résultats demandent à être confirmés par des études de plus grande envergure avec un suivi prolongé.
Figure 2. Procédure d’annuloplastie mitrale par le Cardioband. Une vis est introduite par voie transseptale dans l’anneau mitral puis l’anneau est déployé de trigone à trigone le long de l’anneau mitral sous contrôle échographique et scopique.
Comme cela est le cas en chirurgie, le futur des valvuloplasties percutanées mitrales sera de combiner les techniques. Des cas de procédure combinée MitraClip et annuloplastie ont été réalisés en Allemagne et seront possibles en pratique dans un avenir assez proche.
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