publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Vasculaire

Publié le 14 jan 2016Lecture 8 min

Quels sont les signes d’alerte d’un AVC ?

P. SENERS, D. CALVET, Service de neurologie et Unité neuro-vasculaire, Centre hospitalier Sainte-Anne et université Paris Descartes, Inserm U894, Paris

Des progrès considérables ont été faits concernant la prise en charge diagnostique et thérapeutique des accidents vasculaires cérébraux (AVC) ces dernières années. Cependant, l’efficacité de la prise en charge reste très étroitement liée au délai de prise en charge des patients. Cette urgence diagnostique et thérapeutique est valable pour tous les types d’AVC (ischémie constituée ou transitoire, hémorragie), car si elle peut permettre dans certains cas d’améliorer — parfois de manière spectaculaire — l’état neurologique des patients, elle vise également à prévenir une aggravation clinique, la survenue de complications ou une récidive précoce. Ainsi, il est fondamental de savoir reconnaître rapidement les symptômes évocateurs d’un AVC pour adresser le patient dans une unité neuro-vasculaire sans perdre de temps.

Les cardiologues doivent y être particulièrement sensibilisés en raison du rôle prépondérant qu’occupent les facteurs de risque vasculaires et les pathologies cardiaques dans les causes des AVC. Si les patients ou leurs proches s’inquiètent rapidement en cas d’AVC sévère (par exemple hémiplégie avec aphasie), il existe une fréquente banalisation des symptômes lorsqu’ils sont moins bruyants ou transitoires. Les patients passent alors à côté des opportunités de prise en charge à la phase aiguë, les plus efficaces, et s’exposent à un risque important d’aggravation ou de récidive. Une brève éducation thérapeutique doit donc faire partie intégrante de la consultation cardiologique des sujets à risque.   Accidents vasculaires cérébraux : une maladie hétérogène L’AVC est selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé « un déficit neurologique soudain d’origine vasculaire ». Cette définition simple masque en fait une grande hétérogénéité clinique, étiopathogénique, pronostique et thérapeutique.   Ischémie cérébrale Les accidents ischémiques cérébraux représentent 80 % des AVC et regroupent les infarctus cérébraux et les accidents ischémiques transitoires (AIT). Selon la durée de l’occlusion et l’importance de la baisse de perfusion en aval, l’ischémie cérébrale peut n’être que transitoire, responsable d’un déficit neurologique très bref et spontanément réversible, qualifié d’AIT. À l’inverse, elle peut conduire à la constitution d’un infarctus cérébral, dont la taille et les conséquences sont extrêmement variables. Il n’existe donc qu’une différence de degré entre AIT et infarctus cérébral mais les objectifs de prise en charge sont différents (figure) : - pour les infarctus cérébraux, l’urgence thérapeutique est extrême car le traitement visant à recanaliser l’artère occluse (thrombolyse intraveineuse et/ou thrombectomie mécanique) n’est efficace que dans une fenêtre thérapeutique étroite, et doit être débuté le plus vite possible(1-3) ; - pour les accidents ischémiques transitoires, il existe une urgence de prévention compte tenu du risque élevé de récidive précoce, potentiellement grave (5 % de récidive à 7 jours(4) et 30 % des infarctus cérébraux ont été précédés d’AIT(5)). Le patient doit être exploré rapidement pour instaurer le traitement le plus approprié(6). Figure. Hémorragie cérébrale Les hématomes intraparenchymateux (également appelés hématomes cérébraux ou AVC hémorragiques) représentent 20 % des AVC et sont liés à la rupture d’une artère intracrânienne. Il existe un risque élevé d’extension de l’hématome au cours des premières heures(7), qui peut être limité par une prise en charge très rapide de l’hypertension artérielle sévère(8).   Diagnostic clinique   Il est important de préciser qu’aucun symptôme ou signe d’examen ne permet de différencier les infarctus cérébraux des hématomes de manière fiable, et l’imagerie cérébrale en urgence est donc indispensable.   Règles générales pour évoquer un diagnostic d’AVC La présentation clinique varie considérablement selon le sujet et selon la taille et le siège de la lésion. Le diagnostic d’AVC est parfois facile à évoquer devant un tableau clinique typique, notamment sévère, mais il peut être plus difficile dans certains cas, notamment en cas de symptômes transitoires (AIT) du fait du caractère rétrospectif de l’anamnèse et des nombreux diagnostics différentiels. C’est principalement l’interrogatoire du patient, de son entourage ou des deux qui suggère la nature vasculaire du tableau neurologique, et il est donc très important de le mener avec une grande précision. L’examen clinique neurologique doit être complet, pour préciser la plainte du patient et rechercher des signes cliniques dont le patient n’a parfois aucune plainte spontanée. La nature vasculaire d’un déficit neurologique est quasi certaine lorsque quatre critères cliniques sont réunis : - installation soudaine ; - intensité d’emblée maximale ; - caractère focal du déficit neurologique : les symptômes et les signes peuvent tous s’expliquer par une seule lésion anatomique. Les principaux déficits neurologiques considérés comme focaux sont décrits ci-après ; – caractère « déficitaire » des symptômes (par exemple : hémiplégie, aphasie, hémianopsie, etc.), et non pas « positif » (par exemple : clonies, scotome scintillant, tremblements, etc.). Si l’association de ces quatre éléments cliniques est hautement évocatrice d’un AVC, certains AVC peuvent toutefois avoir une expression clinique qui ne répond pas à l’une ou l’autre de ces caractéristiques. Par exemple, il existe parfois une aggravation des troubles sur quelques heures, des cas de fluctuations, ou encore des symptômes cliniques atypiques(9-11). Dans ces circonstances, le diagnostic d’AVC est plus difficile et l’imagerie joue un rôle encore plus important. Certains symptômes neurologiques sont compatibles avec le diagnostic d’AVC mais ne doivent pas faire retenir le diagnostic en première intention s’ils sont isolés : vertige, diplopie, dysarthrie, troubles de déglutition, symptômes sensitifs ne touchant qu’une partie d’un membre ou qu’une hémiface. En revanche, le diagnostic d’AVC devient probable si ces signes s’associent, de manière successive ou concomitante, entre eux ou aux signes plus classiques d’AVC qui seront détaillés dans la suite de cet article(12). En présence de symptômes douteux d’AVC, la présence de facteurs de risque vasculaires doit également être recherchée car elle augmentera la probabilité d’AVC(12).   Symptômes évocateurs d’AVC(13,14) Symptômes moteurs L’atteinte de la voie motrice sera à l’origine d’un déficit moteur dont la reconnaissance clinique est le plus souvent aisée. Ses caractéristiques sont variables dans leur sévérité (de la paralysie partielle, dite parésie ; à complète, dite plégie) mais également dans leur topographie et il est donc important d’explorer les trois étages de chaque hémicorps (face, membre supérieur, membre inférieur). L’atteinte est dans la grande majorité des cas unilatérale car l’atteinte cérébrale l’est également (atteinte clinique controlatérale à l’atteinte cérébrale). Il existe de rares cas d’ischémie de la moelle épinière ou du tronc cérébral se révélant par une para- ou une tétraparésie soudaine. L’asymétrie faciale est parfois visible spontanément, mais l’examen peut être sensibilisé en demandant au patient de sourire. Dans le cadre de l’urgence, l’évaluation d’un déficit moteur des membres supérieurs peut se limiter à demander au patient de maintenir les bras tendus en fermant les yeux (épreuve des bras tendus pouvant révéler un signe de Barré). De la même manière, la motricité des membres inférieurs est évaluée rapidement en mettant le patient en décubitus dorsal et en lui demandant de maintenir les jambes en l’air pendant quelques secondes (cuisses à la verticale et jambes à l’horizontale, manoeuvre de Mingazzini). Symptômes sensitifs La perte de la sensibilité d’un hémicorps est également un des symptômes classiques d’AVC. Cependant, les diagnostics différentiels sont fréquents en cas de trouble sensitif très localisé d’un membre ou d’une hémiface (par exemple une compression nerveuse périphérique) et la recherche de symptômes neurologiques associés permettra alors de renforcer la suspicion clinique. Le patient décrit habituellement une plainte à type de paresthésies (fourmillements) ou d’anesthésie. L’examen clinique en urgence recherchera une hypoesthésie à la douleur (piqûre par exemple) ou au tact. Troubles du langage Si l’apparition d’un mutisme (incapacité totale à s’exprimer), très impressionnante, pousse les patients et leurs proches à passer l’alerte, les troubles du langage sont parfois plus discrets et sont souvent banalisés à tort. Le patient peut se plaindre de difficultés à trouver ses mots, d’utiliser un mot pour un autre (paraphasies), ou encore de difficultés de compréhension. Troubles visuels(15) Les troubles visuels révélateurs d’un AVC sont multiples, les plus évocateurs étant une cécité monoculaire (transitoire ou non) à type de rideau noir ou de flou visuel monoculaire lié à l’occlusion de l’artère ophtalmique ou de l’une de ses branches, et une hémianopsie latérale homonyme liée à une lésion occipitale. La cécité corticale est également possible, liée à des lésions occipitales bilatérales. L’examinateur doit préciser la nature des troubles en examinant le champ visuel au doigt de chaque œil (cacher un oeil puis l’autre). La survenue d’une diplopie binoculaire (vision double, uniquement lorsque les deux yeux sont ouverts) peut révéler un AVC mais elle s’associe habituellement à d’autres symptômes neurologiques et il faut remettre en question le diagnostic si elle est isolée. Troubles de l’équilibre L’apparition soudaine de troubles de l’équilibre peut révéler un AVC, en cas de lésion de la fosse postérieure, et notamment au niveau du cervelet. Les patients décrivent alors une instabilité à la marche (sensation pseudoébrieuse) et parfois une sensation de vertige rotatoire avec nausées et vomissements. Il faut alors s’efforcer de rechercher d’autres symptômes neurologiques associés qui renforceraient l’hypothèse neurovasculaire et écarterait les nombreux diagnostics différentiels, notamment ORL. L’examen clinique doit rechercher un syndrome cérébelleux dont les principaux signes sont la présence d’un élargissement du polygone de sustentation à la marche et une incoordination d’un membre ou d’un hémicorps à la manoeuvre doigtnez ou talon-genou. Céphalées(16) La survenue d’une céphalée « en coup de tonnerre » (apparition d’une seconde à l’autre) est très évocatrice d’une affection neurovasculaire — notamment d’une hémorragie sous-arachnoïdienne — et doit motiver une consultation en urgence. Hormis cette situation bien définie, la survenue d’une céphalée isolée n’est que très rarement révélatrice d’un AVC et ne doit donc pas faire évoquer ce diagnostic. En revanche, son association à un déficit neurologique, fortement suspecte d’AVC, doit être systématiquement recherchée.   Symptômes non évocateurs d’un AVC Les symptômes non évocateurs d’AVC s’opposent à l’une ou plusieurs des règles générales présentées précédemment : apparition progressive d’un déficit neurologique, symptômes positifs (phosphènes, tremblements, etc.), ou symptômes neurologiques non focaux. Parmi les principaux symptômes cliniques non focaux peu évocateurs d’AVC on peut citer une sensation généralisée de faiblesse motrice ou anesthésie, une lipothymie, un malaise, une perte brève de connaissance, des acouphènes, une amnésie aiguë, un syndrome confusionnel, un coma, des troubles neuropsychiatriques ou des troubles sphinctériens.     En pratique   Les symptômes évocateurs d’AVC sont multiples et le diagnostic est parfois difficile en cas de déficit mineur ou transitoire. La démarche diagnostique repose sur un interrogatoire précis et un examen clinique neurologique complet, à la recherche de la survenue soudaine d’un déficit neurologique focal. En cas de suspicion clinique d’AVC avec persistance des symptômes neurologiques, le patient doit être transféré en urgence vers une unité neuro-vasculaire pour réaliser une imagerie qui définira la suite de la prise en charge. En cas de suspicion d’AIT, le patient doit également être adressé rapidement vers une UNV dans l’objectif d’éviter une récidive précoce.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

publicité
publicité