Publié le 29 fév 2016Lecture 7 min
PCSK9 : pour quels patients ?
C. LAMBERT
JESFC
L’efficacité des inhibiteurs de PCSK9 en termes de baisse du LDL-cholestérol a été démontrée dans les études de phase II et III. À qui s’adressent ces traitements en pratique ? C’est ce qu’a précisé ce symposium.
Denis Angoulvant (Tours) a rappelé qu’il existe une relation linéaire entre les taux de cholestérol et la survenue d’événements cardiovasculaires (CV). Plusieurs études ont montré, avec des niveaux de preuves suffisants, que la baisse du cholestérol non LDL diminue le risque CV, que cela soit par une intervention pharmacologique ou sur les modes de vie. Les statines ont fait leurs preuves dans ce domaine avec une réduction supérieure des événements CV en prévention secondaire. Qu’elles soient européennes ou américaines, les recommandations propose d’utiliser les statines en première intention pour obtenir une réduction du risque CV. Elles diffèrent cependant par le fait que les Européens ont défini des seuils de concentrations plasmatiques pour débuter le traitement, tandis que les Nord-Américains raisonnent depuis 2013 en termes de risque global. Toutefois, dans les grandes études de prévention, entre 16 et 32 % des patients ayant eu un infarctus du myocarde (IdM) récidivent. Le risque résiduel de ces patients étant lié aux facteurs de risque connus, et notamment aux taux de cholestérol, plusieurs études (LIPID, CARE, WOSCOPS, etc.) ont testé l’effet de doses plus fortes de statines. Ces études ont montré une baisse du risque et ont permis d’extrapoler des cibles thérapeutiques, notamment celle recommandée par l’ESC d’un LDL < 0,70 g/l chez ces patients à haut risque. L’arsenal thérapeutique s’est enrichi en 2015 avec l’étude IMPROVE-IT qui a testé l’association statine/ézétimibe. Elle a montré qu’une diminution supplémentaire de LDL-C abaisse le risque de ces sujets. Ce concept « lower is better » peutil être dangereux en dessous d’un certain seuil de cholestérol ? Aucun effet net n’a été rapporté et on peut remarquer que les nourrissons, qui ont une intense activité cérébrale, ont des taux très bas (0,24 à 0,29 g/l). L’autre concept serait de faire baisser le cholestérol tôt et de manière persistante dans le temps pour obtenir le bénéfice constaté dans l‘étude WOSCOP après 20 ans de traitement. Les études de randomisation mendélienne ont montré que les patients ayant un taux de cholestérol bas du fait d’un polymorphisme génétique ont un risque CV bas. Il reste cependant des questions non résolues : l’hypercholestérolémie familiale (HCF), en particulier hétérozygote ; l’intolérance aux statines avec 1/1 000 à 1/10 0000 cas de rhabdomyolyse, mais surtout 7 à 29 % d’abandon de traitement pour douleurs musculaires. Pour améliorer la prise en charge, il faut insister sur les mesures hygiénodiététiques et l’observance du traitement, abaisser de façon intense le LDL et mieux reconnaître les hétérozygotes.
La généticienne Catherine Boileau (Inserm U383) a retracé la découverte du PCSK9 qui a associé des laboratoires francophones (France, Canada, Liban) et à laquelle ont participé des familles atteintes d’hypercholestérolémie familiale (HCF). Elle a souligné que cette maladie est toujours héritée et qu’il convient donc d’explorer les familles. Michel Farnier (Dijon), qui a collaboré au travail de C. Boileau, a rappelé que les hypercholestérolémies familiales connues correspondent à des mutations soit du LDL récepteur, soit de l’ApoB ou de PCSK9. Les formes hétérozygotes, dont on estime la fréquence entre 1/200 ou 250 naissances, suffisent à entraîner une hypercholestérolémie avec un accroissement du risque CV du fait de l’exposition dès la naissance. Il existe plusieurs grilles d’évaluation pour les dépister, notamment celle de la Deutch Lipid Clinic Network qui intègre l’histoire familiale, l’histoire clinique, la recherche de xanthomes tendineux et le dosage du LDL. Ces éléments donnent un diagnostic de probabilité, qui peut ensuite être confirmé par l’analyse génétique. De façon plus simple, un patient présentant une cardiopathie ischémique précoce avec un LDL-C à 2,50 g/l relève d’une analyse génétique. En cardiologie une étude a estimé qu’environ 8 % des patients ayant un syndrome coronarien aigu présentent une HCF, un chiffre qui atteint 20 % chez ceux ayant présenté un premier épisode avant 50 ans. En appliquant la grille hollandaise aux patients inclus dans le registre RICO des SCA de la Côte d’Or, 3 % des patients aurait de façon probable ou certaine une HCF. Les statines ont amélioré le pronostic de ces patients qui souvent, malgré le traitement, conservent un très haut risque. Si on applique cette stratégie au registre FAST-MI, les sujets ayant une HCF probable ou certaine ont un risque de décès multiplié par 2 dans les 5 ans. Les statines, de préférence les plus efficaces, doivent être prescrites aux doses maximales tolérées. Souvent ce traitement ne suffit pas et l’association à l’ézétimibe est nécessaire. Dans les formes sévères on peut également avoir recours à la LDLaphérèse. En France les patients traités pour une HCF dans des centres compétents atteignent une moyenne de 1,50 à 1,60 g/l ce qui reste insuffisant. Deux nouveaux traitements pourraient améliorer cette prise en charge : les inhibiteurs de la CETP et les inhibiteurs de PCSK9. Les premiers ont pour premier effet d’augmenter le HDL-C et l’Apo A1, mais aussi de diminuer le LDL-C et la Lp(a) en cas d’HCF. Cette stratégie n’a toutefois pas fait ses preuves en association aux statines, ni sur la diminution du risque CV. En revanche, les essais ODYSSEY 1 et 2 avec l’alirocumab (inhibiteur PCSK9) vs placebo, ont montré une baisse complémentaire de 50 à 60 % du LDL-C chez des patients recevant des doses maximales de statines associées ou non à l’ézétimibe. Aucun effet secondaire émergent n’a été constaté. Le même type de résultat spectaculaire a été obtenu avec l’évolocumab avec un profil de sécurité comparable.
Philippe-Gabriel Steg (hôpital Bichat, Paris) a souligné que dans les études de phase II et III les inhibiteurs du récepteur de PCSK9 en association avec les statines abaissent le cholestérol proportionnellement à la dose, de façon profonde et soutenue. La dose habituellement utilisée de l’alirocumab est de 75 ou 150 mg toutes les deux semaines. Les résultats sont comparables avec l’évolocumab. Un programme de développement a été mis en place avec des études à court terme et à long terme, qui ciblent les HCF, en particulier hétérozygotes mais également homozygotes, ainsi des patients à haut risque CV traités ou pas par statine (si intolérants), parfois même en association avec l’ézétimibe. Au total, ce sont 14 essais cliniques qui ont inclus plus de 24 000 patients suivis pour la quasi-totalité d’entre eux pendant au moins 24 semaines. Les études sur le long terme confirment les données obtenues à court terme, sur des effectifs importants et pour l’ensemble des inhibiteurs de PCSK9. Chez plus de 60 % des patients, 75 mg d’alirocumab toutes les 2 semaines abaissent le cholestérol de plus de 50 %, une proportion qui atteint 78 % pour la dose de 150 mg. Les données de tolérance sont pour l’instant bonnes, sans alerte significative particulière, mais le recul est encore insuffisant pour lever la vigilance. Une métaanalyse des données accessibles sur le site de la FDA concernant les effets indésirables neurocognitifs ne met pas en évidence de tendance, même numérique. Toutefois, à la demande de la FDA, des études spécifiques vont débuter sur cette question. L’efficacité est comparable chez les patients avec HCF hétérozygote, avec une réduction de 50 à 60 % du cholestérol, quelle que soit la mutation concernée.
Une série d’essais est en cours pour évaluer le bénéfice cardiovasculaire obtenu avec ces traitements. L’étude GLAGOV est un essai de régression des plaques sous évolocumab qui repose sur l’échographie endocoronaire. L’analyse post hoc avec l’alirocumab et l’évolocumab des données des études de phase II et III montrent une réduction relative ajustée d’environ 50 % d’un critère prenant en compte les décès CV, AVC ischémiques et angor instables nécessitant une hospitalisation.
L’étude ODYSSEY Outcomes en cours porte sur des patients de plus de 40 ans ayant eu un SCA dans l’année précédente, avec un LDL-C > 70 mg/l malgré les statines. Ils ont été randomisés soit pour recevoir l’alirocumab (n = 9 000) en commençant par 75 mg, secondairement augmentée si l’objectif (50 mg/l) n’est pas atteint, soit un placebo (n = 9 000). Le critère de jugement est quadruple : décès coronarien, infarctus du myocarde, AVC ischémique, angor instable nécessitant une hospitalisation. L’étude FOURIER doit évaluer le bénéfice CV d’une injection par mois d’évolocumab chez des patients ayant une maladie CV avérée. Elle concerne 22 500 patients avec un critère d’évaluation comportant : décès CV, IdM, hospitalisation pour angor instable, AVC et hospitalisation pour revascularisation coronaire.
Ce sont les résultats de ces études qui permettront d’objectiver le bénéfice cardiovasculaire du traitement par inhibiteurs des récepteurs de PCSK9 dont le bilan lipidique n’est pas aux objectifs thérapeutiques.
D’après un symposium Sanofi JESFC, Paris, janvier 2016
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