Cardiologie générale
Publié le 03 juil 2016Lecture 5 min
Les alternatives thérapeutiques à la PPC dans le syndrome d’apnées obstructives du sommeil chez l’adulte
C. LAUNOIS, Service des maladies respiratoires, CHU de Reims
Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) est caractérisé par des épisodes répétitifs de collapsus des voies aériennes supérieures (VAS) durant le sommeil. Le collapsus des VAS est partiel en cas d’hypopnée, et complet en cas d’apnée. Le diagnostic de SAOS sévère repose sur la mise en évidence d’évènements respiratoires obstructifs (apnées et hypopnées) supérieurs à 30 par heure, associée à un tableau clinique compatible(1). Les principaux signes cliniques sont le ronflement et les apnées constatés par l’entourage, la somnolence diurne, les céphalées matinales, la nycturie et les troubles de la libido. De par sa fréquence et sa morbi-mortalité, le SAOS constitue un réel problème de santé publique.
En effet, il affecte environ 4 % des hommes et 2 % des femmes d’âge moyen(2), est associé à une morbi-mortalité élevée sur le plan cardio-vasculaire(3,4), et à une somnolence diurne excessive responsable d’un risque accidentel accru(5). La prise en charge du SAOS dépend de sa gravité et de ses causes. Actuellement, la pression positive continue (PPC) nocturne reste le traitement de référence. La PPC agit comme une « attelle pneumatique », permettant ainsi de maintenir les VAS ouvertes lorsqu’elle est appliquée durant le sommeil. Il s’agit du seul traitement qui ait fait la preuve de son efficacité en terme de réduction du risque cardio-vasculaire(3,6). Cependant, ce traitement, parfois mal toléré, n’est pas toujours bien observé par les patients. L’objectif de cet article est donc de discuter des alternatives thérapeutiques à la PPC dans le SAOS.
Mesures hygiéno-diététiques
L’obésité constitue un facteur de risque important de SAOS. En effet , 70 % des patients ayant un SAOS sont obèses. Dans ce cas, la prescription de mesures hygiéno-diététiques est indispensable(7). Néanmoins, une réduction pondérale est parfois difficile à obtenir et son effet sur le nombre d’apnées est variable (selon le poids initial et l’importance de cette perte de poids). Une métaanalyse récente a montré que la chirurgie bariatrique permettait une réduction plus importante du poids et de l’index d’apnées-hypopnées que les mesures de perte de poids non chirurgicales(8). Il est par ailleurs recommandé de ne pas prendre de traitements myorelaxants et d’éviter la consommation d’alcool si le SAOS n’est pas pris en charge efficacement.
Orthèse d’avancée mandibulaire
Au cours des dix dernières années, l’orthèse d’avancée mandibulaire (OAM) est devenue une alternative thérapeutique reconnue à la PPC pour la prise en charge du SAOS modéré, ou en cas d’intolérance à la PPC, du SAOS sévère. Le principe de l’OAM est de réaliser, à l’aide d’un dispositif endo-buccal amovible porté pendant le sommeil, une avancée de la mandibule, ce qui permet d’augmenter le calibre des voies aériennes supérieures, notamment au niveau du pharynx, et de diminuer la collapsibilité des voies aériennes supérieures. Le traitement par OAM permet de réduire l’index d’apnées-hypopnées, de réduire la somnolence diurne excessive et d’améliorer la qualité de vie(9,10). L’OAM a également un effet favorable sur le contrôle de la pression artérielle(11,12). Cependant, ces effets observés sous OAM sont moins importants que sous PPC, et l’efficacité à long terme sur la morbi-mortalité cardio-vasculaire n’a pas encore été démontrée. Il semble que certains facteurs soient prédictifs d’une meilleure efficacité de l’OAMÉ : sujet jeune, femme, non obèse, ayant un SAOS modéré(13). Les candidats doivent avoir des dents saines sur lesquelles appuyer l’orthèse et ne doivent pas avoir de dysfonction importante de l’articulation temporomandibulaire. Un suivi rigoureux doit être réalisé pour contrôler l’efficacité, l’observance, le bon état et la stabilité de l’orthèse, la survenue potentielle de troubles de l’occlusion et de l’articulation temporo-mandibulaire(1,14).
Prise en charge chirurgicale
La prise en charge chirurgicale est restreinte à des indications précises. L’uvulo-palato-pharyngoplastie (UPPP) permet d’élargir l’oropharynx en ôtant les tissus excédentaires (luette, redondance du voile ± amygdales) et en remettant en tension les parois pharyngées. Elle permet d’améliorer les ronflements et l’index d’apnées-hypopnées. Le taux de succès est variable(15). L’efficacité de l’UPPP semble diminuer au cours des années(16) et les patients doivent être informés du risque d’effets secondaires à long terme dans près de 30 % des cas(17,18) tels que des troubles de la déglutition, de la phonation et de régurgitations nasales.
L’ostéotomie d’avancée maxillo-mandibulaire est reconnue comme étant la prise en charge chirurgicale la plus efficace sur la réduction de l’index d’apnées-hypopnées(19). Ce traitement est en règle générale proposé à des patients sélectionnés, jeunes, sans comorbidités majeures, en échec des traitements conventionnels du SAOS ou ayant une dysmorphose rétrusive.
Traitement positionnel
Le décubitus dorsal, principalement par l’effet de la gravité au niveau de la langue et du palais mou, peut être associé à une majoration de l’index d’apnées-hypopnées. Les patients ayant un SAOS positionnel, c’est-à-dire les patients chez qui une majorité des évènements obstructifs nocturnes surviennent au cours du décubitus dorsal, peuvent bénéficier d’un traitement positionnel. Plusieurs dispositifs anti-décubitus dorsal sont proposés : balle de tennis au niveau du dos, dispositif d’alarme déclenché par le décubitus dorsal, oreillers… Il est important de souligner que les bénéfices cliniques de ces traitements restent inférieurs à ceux de la PPC et qu’il n’existe actuellement pas de données de suivi à long terme.
Thérapies innovantes
Une meilleure compréhension de la physiopathologie du SAOS a permis d’envisager d’autres thérapeutiques.
La stimulation du nerf hypoglosse
La survenue d’évènements respiratoires obstructifs au cours du sommeil est favorisée par la diminution du tonus musculaire, inhérente au sommeil, des muscles dilatateurs des VAS. Le nerf hypoglosse innerve le muscle génioglosse, qui est un des principaux muscles dilatateurs des VAS. Ainsi, la stimulation électrique du nerf hypoglosse durant le sommeil, en restaurant le tonus musculaire du muscle génioglosse, est une cible de traitement du SAOS. Le dispositif consiste en un boîtier de stimulation, qui est placé au niveau sous-claviculaire, sous anesthésie générale, et est relié à une électrode de stimulation placée sur le nerf hypoglosse. Une titration au cours d’une nuit d’hospitalisation avec enregistrement polysomnogaphique permet de déterminer les paramètres de stimulation optimaux. Le patient active au coucher le stimulateur avec une télécommande dédiée. Les facteurs prédictifs d’efficacité semblent être : un IMC ≤ 32 kg/m2, un IAH < 50/h et une absence de collapsus concentrique complet au niveau vélaire(20).
Autres
D’autres pistes thérapeutiques sont actuellement à l’étude : rééducation des muscles des VAS, traitements médicamenteux visant à approfondir le sommeil sans effet délétère sur le tonus musculaire des VAS pour des patients ayant un seuil de micro-éveil abaissé favorisant une instabilité au niveau des VAS, traitements médicamenteux visant à stabiliser le contrôle ventilatoire(21), etc.
Conclusion
Les principales alternatives thérapeutiques à la PPC pour la prise en charge du SAOS sévère sont actuellement l’orthèse d’avancée mandibulaire et la prise en charge chirurgicale, chez des patients sélectionnés. D’autres thérapeutiques, telle la stimulation du nerf hypoglosse, sont en cours d’évaluation. La prescription de mesures hygiéno-diététiques reste indispensable, quelle que soit la prise en charge proposée.
"Publié dans OPA Pratique"
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