Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 14 oct 2016Lecture 4 min
Défibrillateur automatique implantable en pratique pédiatrique
S. SALMI-BELMIHOUB, P. CHEVALIER, Service de rythmologie, Hôpital cardiologique Louis Pradel, Lyon
L’utilisation de défibrillateur automatique implantable (DAI) en pratique pédiatrique est de plus en plus fréquente. Chez l'enfant, l’absence de technique standard d'implantation du DAI oblige à configurer le système de défibrillation au cas par cas.
Nous rapportons le cas d'une enfant de 11 ans qui a souffert d’un arrêt cardio-circulatoire sur fibrillation ventriculaire. Un système de défibrillation extracardiaque comportant une sonde de défibrillation sous-cutanée associée à une électrode de détection/stimulation bipolaire épicardique a été choisi.
S.J., née le 27 octobre 2004, est opérée d’une commissurotomie aortique à 2 mois de vie pour rétrécissement aortique congénital et bicuspidie. Les suites opératoires sont marquées par une insuffisance aortique résiduelle avec dilatation du ventricule gauche. Une réintervention en janvier 2015 (chirurgie de Ross) est compliquée d’un infarctus antéro-latéral par occlusion de l’IVA (figure 1). En novembre 2015, la fraction de raccourcissement du ventricule gauche est estimée à 24 %. Un infarctus transmural antéroseptal étendu avec remodelage pariétal fibreux et une dyskinésie sont mis en évidence à l’IRM. La scintigraphie myocardique associée au test d’effort objective une large séquelle de nécrose transmurale sans ischémie myocardique résiduelle. Le traitement associe bêtabloquants et IEC.
Figure 1. ECG postopératoire.
Le 28 décembre 2015 survient un arrêt cardio-circulatoire par fibrillation ventriculaire récupéré par un choc électrique externe (figure 2).
Figure 2. Fibrillation ventriculaire réduite par CEE.
L’évolution est favorable sous amiodarone et inotrope sans récidive de troubles rythmiques.
L’échographie cardiaque met en évidence une fraction d’éjection ventriculaire gauche à 30 %.
Les recherches virales sont négatives. Les IEC sont réintroduits progressivement.
L’indication d’implantation d’un défibrillateur automatique implantable est retenue en prévention secondaire.
L’âge de la patiente, son poids et sa taille, contre-indiquent une implantation par voie endo-veineuse. Un système de défibrillation implanté par voie extracardiaque est privilégié. Une sonde de défibrillation mise en place par voie sous-cutanée glissée jusqu’au plan profond du creux axillaire est associée à l’implantation d’une électrode bipolaire de détection/stimulation positionnée à la face inférieure du ventricule droit. Les deux extrémités des électrodes sont tunnellisées dans une poche abdominale para-ombilicale gauche et connectées au défibrillateur implantable (figure 3).
Figure 3. DAI.
Un test de défibrillation réalisé en per-opératoire permet de réduire une tachycardie ventriculaire à 180/min (25 joules).
Un holter ECG réalisé un mois après montre un rythme sinusal permanent, quelques rares extrasystoles ventriculaires monomorphes sans tachycardie ventriculaire.
Deux mois après survient une alerte sonore du DAI. Elle correspond à une fluctuation importante de l’impédance de haute énergie. La radiographie thoracique identifie un déplacement de la sonde de défibrillation (figure 4).
L’indication de repositionnement de sonde est retenue (figure 5).
Figure 4.
Figure 5.
Les suites opératoires ne sont pas compliquées et la patiente quitte le service sous traitement médical associant : préviscan, spironolactone 25 mg/j, captopril 50 mg/j, carvédilol 6,25 mg x 2/j. l
Discussion
Chez l’enfant, le DAI est indiqué en prévention secondaire de la mort subite récupérée dans les cardiopathies congénitales, rarement, les canalopathies et les cardiomyopathies dilatées ou hypertrophiques.
Il s’agit d’une indication de classe 1 quand aucune cause réversible telle qu’une myocardite n’est identifiée.
Les indications en prévention primaire sont très limitées. Une évaluation rigoureuse de la balance bénéfice-risque est nécessaire.
La voie transveineuse expose à de nombreuses complications chez l’enfant (grande fréquence de thrombose veineuse et de dysfonction de sondes). Les réinterventions sont plus fréquentes chez l’enfant avec une morbidité plus élevée. Plusieurs techniques ont donc été proposées :
• Le patch épicardique, utilisé dès les années 90, associe un patch de défibrillation, une électrode de stimulation détection suturée sur l’épicarde à un boîtier actif intra-abdominal. Cette technique nécessite une sternotomie ou une thoracotomie.
Les seuils de défibrillation sont stables mais il y a un risque de complications tardives telles que péricardite constrictive et détérioration du patch épicardique(1,2).
• Le système sous-cutané avec un boîtier intra-abdominal comprend une sonde de défibrillation positionnée dans la paroi thoracique sous la pointe de l’omoplate gauche et une sonde de détection/stimulation bipolaire ventriculaire. Les sondes utilisées ne sont pas toujours dédiées à un système sous-cutané et exposent le coil de défibrillation fragile aux traumatismes externes. Migration et déplacement de sondes sont aussi des complications de ce système.
• Le système de défibrillation entièrement sous-cutané a l’avantage de ne pas nécessiter d’abord veineux, ou de sternotomie. La grande taille du boîtier est un frein à son utilisation chez l’enfant. Les données rapportant l’utilisation de ce système sont limitées et concernent les patients de plus de 30 kg.
La défibrillation épicardique permet des seuils de défibrillation inférieurs au système souscutané (13 ± 4 joules/19 ± 7 joules), la sonde de défibrillation est située plus à distance du coeur. Un ajustement optimal de la position de la sonde ou l’association d’une autre sonde sont donc à considérer afin d’obtenir une marge de sécurité de défibrillation suffisante.
Dans la littérature, on note chez l’enfant une élévation progressive du seuil de défibrillation alors qu’il demeure stable chez les adultes. Avec le système sous-cutané, la position de la sonde peut être influencée par la croissance, c’est pourquoi chez les très jeunes enfants, le système épicardique paraît plus avantageux.
La longévité de ces techniques non transveineuses est plus courte avec un taux de réinterventions plus important et une usure de boîtier plus rapide. La configuration endocavitaire doit être choisie dès que la croissance le permet.
Il ne faut pas négliger le côté psychologique de cette thérapie chez les enfants. Des symptômes anxiogènes et dépressifs apparaissent plus fréquemment que chez l’adulte(2).
En pratique
Plusieurs approches sont possibles pour implanter un défibrillateur en pratique pédiatrique, elles doivent être adaptées au cas pas cas.
Le suivi de ces enfants doit être fréquent et régulier, comportant une interrogation et un ajustement des paramètres du DAI. La télécardiologie a sa place dans la détection des événements indésirables.
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