publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Cardiologie interventionnelle

Publié le 14 nov 2016Lecture 5 min

Néphropathie au produit de contraste iodé en cardiologie interventionnelle

B. GUILLON, CHU de Besançon

Chaque année, en France, 260 000 examens coronarographiques associés ou non à une angioplastie sont réalisés. L’injection de produit de contraste iodé que nécessite cette procédure a des propriétés néphrotoxiques. La néphropathie au produit de contraste (Contrast-induced kidney injury [CI-AKI] en anglais) correspond à l’altération de la fonction rénale dans les suites de l’injection intraveineuse ou intra-artérielle de produit de contraste iodé. Le recours à l’épuration extrarénale dans certains cas, ainsi que son lien établi avec un sur-risque de mortalité cardiovasculaire font de la néphropathie au produit de contraste un événement grave auquel le clinicien doit être préparé.

Définition(s) S’il est vrai que la fonction rénale est appréciée par le calcul du débit de filtration glomérulaire, les définitions actuelles de la néphropathie au produit de contraste reposent sur les variations absolues et relatives de la créatinine sérique. Jusqu’alors, la définition la plus utilisée dans la littérature qualifie la néphropathie au produit de contraste comme une élévation de la créatinine sérique de plus de 44 μmol/l et/ou de plus de 25 % par rapport avec la créatinine de base, intervenant dans les 48-72 h après l’injection de produit de contraste iodé. Plus récemment, la néphropathie au produit de contraste iodé est assimilée dans sa définition et gradation à celle de l’insuffisance rénale aiguë « Acute Kidney Injury » en général (Kidney Disease Global Outcome Guidelines 2012). Cependant, les données de la littérature concernant cette définition sont limitées (tableau 1). Physiopathologie Les mécanismes physiopathologiques impliqués dans la néphrotoxicité du produit de contraste iodé en cardiologie interventionnelle sont multiples. On répertorie d’abord ceux favorisant la vulnérabilité des néphrons, comme par exemple l’existence d’une néphropathie sous-jacente, d’une insuffisance rénale chronique ou d‘un diabète sucré, mais également les situations d’hypoperfusion ou d’hypovolémie favorisant l’ischémie rénale. Après une brève vasodilatation rénale favorisant le passage du produit de contraste, on assiste à une phase de vasoconstriction durant plusieurs heures médiée par la libération d’endothéline et une diminution des prostaglandines. Ce phénomène est responsable d’une stagnation du produit de contraste dans les tubules, exerçant une cytotoxicité directe, proportionnelle à la durée d’exposition. Enfin, la vasoconstriction rénale contribue également à un degré d’ischémie médullaire. Produits de contraste iodés Historiquement, les produits de contraste hyperosmolaires (2 000 mOsm/kg) puis hypoosmolaires (600-900 mOsm/kg) étaient les premiers utilisés. Ils ont été progressivement abandonnés au profit de produits de contraste iso-osmolaires proche de l’osmolalité sanguine 290 mOsm/kg, bien moins néphrotoxiques. Leur chef de file, l’iodixanol, a prouvé une meilleure sécurité d’emploi dans plusieurs essais. Cette dernière classe de produit de contraste est désormais quasi exclusivement utilisée en cardiologie interventionnelle. Il est établi qu’il existe une dosedépendance entre la quantité de produit de contraste utilisée et l’incidence de la néphropathie engageant l’opérateur à une consommation précautionneuse. Enfin la voie intraartérielle utilisée en cardiologie interventionnelle expose à un risque rénal plus important que la voie intraveineuse. Incidence L’incidence de la néphropathie au produit de contraste dans la littérature dépend avant tout de la définition utilisée. Considérant une élévation de la créatinine > 25 % ou ≥ 44 μmol/l, l’incidence de néphropathie s’élève à 14 %, voire à 19 % dans le cas du STEMI. Le plus grand registre nord-américain de cathétérisme coronaire incluant plus de 900 000 procédures sur 2 ans (angor stable ou infarctus) a utilisé la définition la plus récente de CI-AKI (KDIGO). L’incidence générale était de 7 %, soit 6 % pour CI-AKI grade 1, 0,5 % pour CI-AKI grade 2, 0,3 % pour CI-AKI grade 3 et 0,3 % pour le recours à la dialyse (figure). Figure. D’après Tsai et al. JACC Cardiovasc Interv 2014. Pronostic La survenue d’une néphropathie au produit de contraste, quelle que soit sa définition, est un événement grave, associé à un mauvais pronostic. Elle entraîne un sur-risque de mortalité hospitalière : 10 % et jusqu’à 35 % de décès en cas de recours à la dialyse contre 0,5 % chez les patients indemnes de néphropathie. Il est également rapporté un sur-risque d’infarctus : 4 % en cas de CI-AKI, 8 % en cas de recours à la dialyse contre 2 % en l’absence de CI-AKI. Enfin CI-AKI est associé à un risque hémorragique multiplié par 6, et jusqu’à 10 en cas de recours à la dialyse. Plusieurs travaux recensent une détérioration à long terme de la fonction rénale après survenue d’une néphropathie au produit de contraste. Marqueurs de risque Il est préférable de parler de marqueurs de risque de néphropathie au produit de contraste que de facteurs prédictifs, un lien de causalité n’étant pas toujours établi. Les marqueurs de risque identifiés dans la plupart des études associent un âge > 75 ans, l’existence d’une insuffisance rénale préexistante, d’un diabète sucré, d’insuffisance cardiaque, d’hypotension, d’une anémie, et la quantité de produit de contraste utilisée ou l’usage d’une contrepulsion intra-aortique. Il existe à l’heure actuelle plusieurs scores de risque disponibles, chacun utilisant à peu près les mêmes variables prédictives. Ces dernières sont utiles en pratique clinique pour prédire le risque de néphropathie et mettre en oeuvre les mesures préventives adéquates (tableau 2). Mesures préventives Les mesures générales visant à prévenir la néphropathie au produit de contraste iodé passent par l’interruption des co-traitements néphrotoxiques (aminosides, amphotéricine, foscarvir, AINS, diurétique de l’anse à forte dose). La question de l’arrêt des IEC/ARA2 se pose fréquemment en pratique clinique avant une coronarographie. Les résultats de métaanalyses ne plaident pas pour un arrêt prophylactique systématique avant coronarographie de ces traitements. Leur interruption est bien sûr indiquée en cas d’insuffisance rénale aiguë ou d’hyperkaliémie. L’arrêt de la metformine a pour but de prévenir son accumulation et la survenue d’acidose lactique en cas de CIAKI. Son interruption est donc indispensable chez les patients à haut risque de CI-AKI. Mesures pharmacologiques KDIGO Guidelines recommandent une hydratation par sérum salé isotonique ou bicarbonate de Na par voie intraveineuse (hydratation orale inefficace) chez les patients à risque de néphropathie. Les modalités du protocole d’hydratation ne sont cependant pas clairement définies. Un objectif de débit urinaire de 150 ml/h dans les 6 heures suivant la procédure a permis de montrer une réduction de l’incidence de la néphropathie au produit de contraste. Une hydratation par sérum salé isotonique à raison de 1-1,5 ml/kg/h pendant 3 à 12 h avant et 6 à 12 h après la procédure peut être utilisé pour obtenir l’objectif de diurèse. N-acétylcystéine (NAC) La NAC est utilisée à visée antinéphrotoxique pour ses propriétés antioxydantes. Son utilisation prophylactique est « suggérée » dans les recommandations KDIGO 2012. Son efficacité dans la prévention de la néphropathie au PDC est controversée. Plusieurs métaanalyses plaident pour un effet neutre ou un faible bénéfice de ce médicament. Un essai contrôlé randomisé de faible effectif mené en 2006 par Marenzi est pourtant en faveur d’une efficacité dose-dépendante de l’administration IV de NAC sur l’incidence d’une néphropathie au PDC iodé. Depuis, l’essai LIPSiA N ACC mené par Thiele en 2010 s’est révélé négatif la survenue d’une néphropathie au produit de contraste. Épuration extrarénale Il n’y a pas de place pour une épuration extrarénale prophylactique chez les patients insuffisants rénaux sévères ou terminaux. En pratique La néphropathie au produit de contraste post-coronarographie est un événement « biologique » associé à une importante morbi-mortalité cardiovasculaire. Le recours à la dialyse en urgence est un événement rare. Sa prise en charge est essentiellement préventive et repose sur : - l’identification des patients à risque ; - l’épargne du produit de contraste ; - l’hydratation intraveineuse par sérum salé.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 12 sur 49
publicité
publicité