Prévention et protection
Publié le 01 mai 2017Lecture 8 min
ACC - Un grand succès, un demi-succès et un échec
Jean FERRIÈRES, Fédération de cardiologie, CHU de Toulouse
Les grands congrès américains de cardiologie resteront à jamais gravés dans la mémoire de la prévention cardiovasculaire. De l’étude 4S, en passant par LIPID et plus récemment IMPROVE-IT à Chicago, ces congrès feront date dans la connaissance médicale en prévention cardiovasculaire. Le congrès de Washington en 2017 fera partie de cette série de dates clés qui jalonnent les grands progrès de la cardiologie moderne. Ce congrès, largement consacré aux lipides, a permis de révéler un grand succès pour un anticorps monoclonal anti-PCSK9 (FOURIER), un demi-succès pour un autre anticorps monoclonal anti-PCSK9 (SPIRE), et un échec pour la voie du HDL-cholestérol (CARAT).
La découverte par une équipe française d’une nouvelle forme génétique d’hypercholestérolémie familiale a été l’occasion de la création d’une nouvelle classe thérapeutique, les anticorps monoclonaux anti-PCSK9 (figure 1). Ces anticorps anti-PCSK9 ont montré très rapidement une efficacité redoutable sur le LDL-cholestérol (LDL-C) dans l’hypercholestérolémie familiale, mais aussi dans la plupart des situations cliniques. À ce jour, de nombreuses études cliniques ont été présentées évaluant la baisse sur le LDLC mais aussi la sécurité d’emploi de ces anticorps anti-PCSK9. Pourtant, aucune étude clinique d’envergure n’avait été présentée jusqu’à ce jour.
Figure 1. Le mécanisme de la protéine PCSK9 et son traitement par anticorps monoclonal.
L’étude FOURIER
L’étude FOURIER est la plus grande étude jamais réalisée dans le domaine de la cardiologie préventive portant sur les lipides. Cette étude, publiée simultanément dans le New England Journal of Medicine, marquera à jamais les esprits par sa taille et par la baisse considérable du LDL-cholestérol observée tout au long de celle-ci.
Cet essai thérapeutique majeur a été réalisé chez 27 564 patients porteurs d’une maladie cardiovasculaire (CV) avérée, c’est-à-dire un infarctus du myocarde, un infarctus cérébral ou une maladie artérielle périphérique.
Tous ces patients étaient traités avec des statines à la dose maximale tolérée avec ou sans ézétimibe. Les patients avaient le choix entre une injection souscutanée d’évolocumab à 420 mg tous les mois ou une injection de 140 mg tous les 15 jours. Il s’agissait essentiellement d’hommes (75 % de l’échantillon), avec un âge moyen de 63 ans et présentant les facteurs de risque classiques d’athérosclérose. Ces patients avaient présenté un infarctus du myocarde dans 81 % des cas, un infarctus cérébral dans 19 % des cas et une maladie artérielle périphérique dans 13 % des cas ; l’accident initial remontait à 3 ans environ.
Tous les patients recevaient les traitements recommandés pour la maladie CV d’origine athéromateuse. Environ 69 % recevaient un traitement par statines de forte intensité et 5 % étaient sous ézétimibe ; le LDLC à l’inclusion était à 0,92 g par litre alors que le HDL-cholestérol (HDL-C) était à 0,44 g/l et les triglycérides à 1,33 g/l. Tout au long de cette étude, le LDL-C a baissé d’environ 59 % et dans le groupe traité par l’évolocumab, il était à 0,30 g/l.
Le critère primaire d’évaluation comportait les décès CV, l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral (AVC), les hospitalisations pour angor instable et les revascularisations coronaires. Le critère secondaire, très pertinent sur le plan clinique, comportait les décès CV, l’infarctus du myocarde et l’AVC. Le critère primaire a été observé, à l’issue de 36 mois de suivi, chez 14,6 % des patients du groupe placebo contre 12,6 % des patients du groupe évolocumab (figure 2) ; on assiste donc à une baisse significative de 15 % de ce critère primaire. Le critère secondaire a été observé chez 9,9 % des patients du groupe placebo contre 7,9 % des patients du groupe évolocumab, soit une baisse significative de 20 % de ce critère. Lors de l’analyse des différents événements, on observe à 3 ans une baisse significative de 27 % des infarctus du myocarde et une baisse significative de 21 % de l’AVC. Il n’y a pas eu de baisse significative des décès CV, des hospitalisations pour angor instable, des revascularisations coronaires programmées ou de la mortalité toutes causes. Il n’y a pas eu non plus d’hétérogénéité de l’efficacité de l’évolocumab selon les différents critères d’inclusion ou selon les différentes catégories de LDL-C à l’inclusion.
Figure 2. Critère primaire dans l’étude FOURIER.
Au-delà de 1 an, il y a une intensification de l’efficacité de l’évolocumab puisque la baisse observée des infarctus du myocarde et des AVC passe de 19 % à 33 % à 3 ans.
Sur le plan des effets indésirables, il n’y en a pas eu de majeurs ; on enregistre simplement une augmentation modeste des réactions au site d’injection dans 2,1 % des cas du groupe évolocumab contre 1,6 % du groupe placebo. Par ailleurs, il n’y a eu aucune différence entre les deux groupes dans la survenue de nouveaux cas de diabète.
Dans le même congrès, une étude ancillaire de FOURIER, l’étude EBBINGHAUS, a été présentée à la demande des autorités de santé afin de connaître précisément les effets indésirables sur les fonctions cognitives de l’évolocumab. Ce travail a porté sur 1 974 patients, âgés en moyenne de 63 ans ; il s’agissait à 75 % d’infarctus du myocarde, à 20 % d’AVC et à 19 % de patients porteurs de maladie artérielle périphérique.
Des tests cognitifs poussés, la batterie de tests de Cambridge (Cambridge Neuropsychological test Automated Battery), ont été réalisés à l’inclusion, à la 24e semaine, à la 48e semaine, à la 96e semaine et à la fin de l’étude. La médiane de suivi a été de 19 mois. Ces tests ont été réalisés sur tablettes et ont consisté à explorer les fonctions exécutives, la mémoire et la réactivité. Le critère primaire d’évaluation des fonctions cognitives dans EBBINGHAUS n’a pas été différent entre le groupe traité et le groupe placebo.
En résumé, l’étude FOURIER consacre une nouvelle classe thérapeutique, les anticorps monoclonaux anti-PCSK9, plus précisément l’évolocumab. L’évolocumab assure une baisse de 60 % du LDL-C pour amener les patients porteurs d’athérosclérose jusqu’à des valeurs de LDL-C de 0,30 g/l. L’obtention de ce nouveau seuil est associée à moins de rechutes au niveau coronaire et cérébral. La tolérance de l’évolocumab est excellente et ces anticorps monoclonaux anti-PCSK9 pourraient donc rapidement s’intégrer dans la pharmacopée des patients porteurs d’athérosclérose.
L’étude SPIRE
Dans le même congrès, la présentation de l’étude SPIRE ayant utilisé le bococizumab, anticorps anti-PCSK9 pas complètement humanisé, a été diffusée. La communication de SPIRE était basée sur 8 essais thérapeutiques menés en parallèle. Dans 6 essais, les auteurs ont évalué l’efficacité du bococizumab sur le LDL-C à 1 an chez 4 449 patients. Dans les deux essais les plus grands, les auteurs ont analysé l’efficacité du bococizumab sur les événements cardiovasculaires chez 27 438 patients ; il s’agissait de patients porteurs de maladie CV ou de patients diabétiques, insuffisants rénaux, ou porteurs d’artériopathie périphérique et ayant des facteurs de risque associés.
Le bococizumab a été utilisé à la dose de 150 mg par injection tous les 15 jours. Dans les 6 essais qui ont étudié l’efficacité sur le LDL-C, on enregistre une baisse du LDL-C de 55 % à la 12e semaine avec un effet atténué chez 10 à 15 % des patients. On note cependant une forte variabilité de l’efficacité sur le LDL-C avec des baisses allant de 15 % chez certains patients jusqu’à 80 % chez d’autres. Chez ces patients traités par bococizumab, on note le développement d’auto-anticorps contre le bococizumab.
L’étude SPIRE 1 était basée sur 16 817 patients ayant un LDLC > 0,7 g/l et suivis en moyenne 7 mois. L’étude SPIRE 2 était basée sur 10 621 patients avec un LDL-C > 1 g/l et suivis en moyenne 12 mois. Le critère primaire d’évaluation comportait l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral, les hospitalisations pour angor instable justifiant une revascularisation urgente, et les décès CV.
L’étude SPIRE 1 montre des résultats non significatifs sur ces événements alors que l’étude SPIRE 2 met en évidence une baisse significative de 21 % à 12 mois du critère primaire d’évaluation. En combinant les deux études SPIRE (figure 3), on note une baisse de 12 % du critère primaire et les baisses les plus prononcées du LDL-C sont associées à une diminution du risque relatif de 25 %.
Figure 3. Critère primaire dans les études SPIRE 1 et 2.
En résumé, le bococizumab dans SPIRE est associé à une amélioration du pronostic mais avec une efficacité inconstante en rapport avec le développement d’auto-anticorps contre le bococizumab. Nous attendons donc avec impatience les résultats de l’étude ODYSSEY qui a utilisé, comme dans FOURIER, des anticorps monoclonaux parfaitement humanisés, dans une situation clinique d’athérosclérose légèrement différente.
L’étude CARAT
La voie du HDL-C reste un domaine largement incompris de la lipidologie. Même si le HDL-C bas est un excellent facteur pronostique chez les patients sains ou chez les patients coronariens, la plupart des thérapeutiques qui ont essayé d’augmenter le HDL-C ont échoué sur l’amélioration du pronostic cardiovasculaire. Il était donc approprié de développer des thérapeutiques qui amènent des particules de HDL et qui favorise ainsi le transport retour du cholestérol vers le foie où il va être catabolisé.
Dans l’étude CARAT, des lipoprotéines HDL synthétiques et reconstituées ont été perfusées à des patients coronariens. Il s’agissait du produit CER-001 qui a déjà fait l’objet de plusieurs études cliniques. Dans l’étude CARAT, 301 patients ont été inclus, âgés en moyenne de 60 ans et 80 % étaient des hommes. Ces patients avaient présenté un syndrome coronarien aigu récent et devaient avoir à la coronarographie une sténose d’au moins 30 %. Ces sujets ont bénéficié de 10 perfusions sur 10 semaines et le contrôle par échographie endocoronaire a été réalisée 1 à 3 semaines après la dernière injection. Entre les deux échographies endocoronaires, on note une diminution du pourcentage du volume de la plaque d’athérosclérose de 0,41 % dans le groupe placebo contre 0,09 % dans le groupe CER-001 (NS). Lorsque les auteurs ont évalué le volume total de l’athérosclérose, ce volume diminue de 6,6 mm3 dans le groupe placebo contre 5,6 mm3 dans le groupe CER-001. La régression du volume de l’athérosclérose dans le segment artériel étudié est observée chez 57,7 % des patients du groupe placebo contre 53,3 % du groupe CER-001.
En résumé, les perfusions de HDL-C sur une période de 10 semaines ne permettent pas de contrôler la progression de l’athérosclérose ni de faire régresser les sténoses présentes. L’étude CARAT est une étude clinique de phase 2 sur un critère intermédiaire et n’en dit guère plus sur l’évolution clinique de la maladie. On ne sait pas non plus si le syndrome coronarien aigu sans baisse du HDL-C est une cible appropriée d’élévation du HDL-C. Peut-être, aurait-il été plus judicieux de cibler des patients avec un HDL-C bas et dont l’athérosclérose coronaire était largement expliquée par cette baisse isolée du HDL-C. Il faut souhaiter que des études cliniques dans un cadre plus approprié sur le plan physiopathologique soient menées dans l’avenir.
En conclusion, l’année 2017, avec les études FOURIER et SPIRE, marquera la cardiologie préventive avec une nouvelle étape en faveur d’une baisse plus exigeante du LDL-cholestérol jusqu’à 0,30 g/l chez les patients présentant une maladie cardiovasculaire d’origine athéromateuse. Seuls les anticorps monoclonaux anti-PCSK9 parfaitement humanisés semblent promis à un avenir radieux.
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