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Cardiologie générale

Publié le 01 mai 2017Lecture 8 min

L’athérothrombose : état des lieux

Pierre SABOURET, Paris

Congrès ACC 2017

Ce congrès a été dominé par l’actualité sur les études de morbi-mortalité sur les inhibiteurs des PCSK9. Il n’en demeure pas moins que des données intéressantes ont été communiquées dans le domaine de l’athérothrombose.

L’étude COMPAREACUTE : FFR et revascularisation complète pour tous les SCA ?(1) On estime entre 40 et 50 % le nombre de patients présentant des lésions coronaires multiples lors d’un STEMI (ST-elevation myocardial infarction)(2). Les dernières recommandations de l’ESC et de l’ACC/AHA prônent la revascularisation uniquement de l’artère responsable du SCA lors de la phase aiguë, mais des études avec des effectifs de petite taille incite plutôt à une revascularisation complète guidée par l’étude du flux de réserve coronaire (FFR)(3,4), sans qu’une conclusion définitive ne puisse être portée sur la stratégie optimale, compte tenu des limites méthodologiques inhérentes à ces études. Méthodologie Au total, 885 patients présentant un STEMI et des lésions coronaires multiples ont été randomisés entre une revascularisation coronaire percutanée (PCI) de l’artère coupable (n = 590) et une revascularisation percutanée complète de l’ensemble des coronaires, guidée par le FFR (n = 295), respectant le rapport de 2:1 prévue dans le schéma de l’étude. La FFR a été réalisée dans les deux groupes, pour éviter un biais méthodologique, mais pour le groupe n’ayant que la revascularisation de l’artère coupable du STEMI, les patients et leurs cardiologues n’étaient pas informés des résultats de la FFR. Le critère primaire composite associait la mortalité totale, les IDM non fatals, les AVC non mortels et les revascularisations coronaires ultérieures. Les revascularisations percutanées électives dans les 45 jours suivant le STEMI n’étaient pas prises en compte dans le groupe « revascularisation incomplète ». Résultats (figure 1) Le critère primaire est survenu chez 23 patients dans le groupe « revascularisation complète » versus 121 patients pour le groupe « PCI de l’artère cible », ce qui correspond respectivement à 8 et 21 événements du critère primaire pour 100 patients traités (HR 0,35 ; IC95% : 0,22 à 0,55 ; p < 0,001). Le taux de décès était bas et superposable dans les deux groupes (4 patients dans le groupe revascularisation complète versus 10 patients dans le groupe « PCI de l’artère cible), soit 1,4 % vs 1,7 %, (HR 0,80 ; IC95% : 0,25-2,56), il en est de même pour les IDM, avec 7 versus 28 patients, soit 2,4 % vs 4,7 % (HR 0,50 ; IC95% : 0,22- 1,13), et les AVC (chez aucun versus 4 patients (0 vs 0,7 %). Seules les revascularisations ultérieures sont significativement moindres dans le groupe « revascularisation complète » avec 18 patients versus 103, soit 6,1 % vs 17,5 % (HR : 0,32 ; IC95% : 0,20- 0,54). Deux événements indésirables sévères liés avec la procédure de FFR sont survenus dans le groupe randomisé « PCI de l’artère coupable ». Figure 1. Courbe de Kaplan-Meier de la survie sans survenue d’événements du critère primaire. Conclusions La revascularisation complète, guidée par la FFR, à la phase aiguë d’un STEMI, ne réduit que le risque des revascularisations coronaires répétées, sans bénéfice sur la mortalité, les IDM, ou les AVC dans une population de coronariens dont le risque absolu était modeste. La stratégie de revascularisation complète peut donc être proposé pour ce profil de patient, puisque que le temps de procédure n’est augmenté que de 6 minutes et qu’il y moins de revascularisations ultérieures. Cependant, cette stratégie ne peut être extrapolée à des patients à plus haut risque thrombotique et hémorragique, pour lesquels une revascularisation complète pourrait certes apporter encore plus de bénéfices ischémiques, mais au prix de complications majeures perprocédures. Une étude randomisée avec des effectifs de plus grande taille, incluant des patients plus sévères, s’avère indispensable pour conclure sur la stratégie optimale. L’étude GEMINIACS 1 : l’aspirine ne sera pas (encore) supplantée par le rivaroxaban La bithérapie antiagrégante plaquettaire (ou DAPT : Dual antiplatelet therapy) associant l’aspirine à un inhibiteur des récepteurs P2Y12 (ticagrelor, prasugrel, ou clopidogrel) est la pierre angulaire de la prise en charge des SCA, avec une durée recommandée d’un an, qui peut être raccourcie ou prolongée en fonction des profils patients et des événements lors de la première année de suivi. Le rivaroxaban a déjà démontré des bénéfices ischémiques en association à la DAPT dans l’étude ATLAS (où l’inhibiteur des P2Y12 était le clopidogrel), mais au prix d’un surcroît d’hémorragies. La triple thérapie est donc réservée aux patients associant SCA et FA, pour une durée la plus courte possible, suite notamment aux données de l’étude WOEST, et de l’étude PIONEER-AF qui évaluait deux doses de rivaroxaban. Cette étude visait à évaluer le rivaroxaban versus aspirine en association avec des inhibiteurs des P2Y12 (clopidogrel ou ticagrelor). Le choix initial de cette stratégie peut en partie surprendre lorsque l’on sait que l’aspirine est considérée comme incontournable pour les patients coronariens, et que son rapport coût efficacité le rend très attractif. D’autres options, notamment celles comparant l’association aspirine-rivaroxaban à l’aspirine-ticagrelor ou aspirineclopidogrel auraient également présenté un intérêt clinique. Méthode GEMINI-ACS est une étude randomisée, en double-aveugle comparant le r ivaroxaban 2,5 mg x 2 par jour à l’aspirine 100 mg par jour, en association au clopidogrel ou ticagrelor (selon le choix de l’investigateur, ce qui constitue un biais surtout lorsque l’on doit évaluer des événements hémorragiques), chez des patients présentant un SCA (STEMI, NSTEMI), la randomisation débutant entre 2 et 10 jours après le début du SCA avec une bithérapie poursuivie pendant 6 à 12 mois. Le critère primaire composite reposait sur les événements hémorragiques et associait les hémorragies cliniquement significatives selon la classification TIMI (major, minor, or requiring medical attention), en dehors des pontages coronariens (non- CABG bleeding). Le critère secondaire combiné reposait sur les événements ischémiques (décès CV, IDM, AVC ischémiques, thrombose de stent certaine) en sachant à l’avance que la puissance statistique était insuffisante pour démontrer des différences entre les groupes. Résultats Au total, 3 037 patients présentant un SCA ont été randomisés dans 21 pays entre avril 2015 et février 2016. Les caractéristiques des patients sont résumées dans la figure 2. Figure 2. GEMINI-ACS 1. La randomisation a eu lieu en moyenne 5,5 jours après le SCA, ce qui ne permet pas l’analyse des événements ischémiques et hémorragiques des premiers jours. Les deux groupes de randomisation ont eu un taux similaire sur le critère primaire composite hémorragique (figure 3) avec également un taux similaire d’événements ischémiques (figure 4), en soulignant que la puissance statistique était insuffisante pour observer des différences sur le critère ischémique. Aucune hétérogénéité n’a été observée dans les différents sous-groupes de patients prédéfinis. Une analyse post-hoc note un surcroît d’hémorragies sous ticagrelor mais avec une interaction avec la zone géographique rendant toute conclusion impossible. Figure 3. GEMINI-ACS 1 : taux d’événements hémorragiques. Figure 4. GEMINI-ACS 1 : critères principaux. Conclusions Cette étude démontre que le rivaroxaban à faibles doses (2,5 mg x 2), associé au clopidogrel ou au ticagrelor fait jeu égal sur les événements hémorragiques avec l’aspirine associée à un des deux inhibiteurs des récepteurs P2Y12. Cette étude a des biais méthodologiques (choix de l’inhibiteur des P2Y12 décidé par l’investigateur, durée variable de la bithérapie (6 à 12 mois), et surtout le fait que cette étude n’avait pas la puissance statistique pour évaluer l’efficacité sur les événements ischémiques, ce qui est pour le moins ennuyeux dans le cadre des syndromes coronariens aigus. Il semble donc peu probable que les recommandations actuelles soient modifiées après les résultats de l’étude GEMINI-ACS. Seule une étude randomisée avec des effectifs de plus grande taille, permettant d’évaluer l’efficacité sur les événements ischémiques et la sécurité d’emploi sur les événements hémorragiques, pourrait modifier les stratégies antithrombotiques. Il serait probablement plus pertinent pour le rivaroxaban de se comparer aux inhibiteurs des récepteurs P2Y12, car le faible coût journalier de l’aspirine la rend incontournable sur un plan pharmaco-économique. La problématique des thrombi en périremplacement valvulaire aortique par bioprothèse soulignée par les registres RESOLVE et SAVORY Rationnel des deux registres Depuis l’avènement du scanner, on a pu diagnostiqué plus facilement des petits thrombi sur les bioprothèses, aussi bien après TAVI qu’au décours d’une RVA (remplacement valvulaire aortique) chirurgical. L’objectif de ces deux registres regroupés pour en augmenter la puissance était de déterminer la prévalence de ces thrombi « infracliniques », l’intérêt des AOD (anticoagulants directs) dans ce contexte, et les conséquences cliniques ainsi que sur les paramètres hémodynamiques des bioprothèses. Méthode Les patients ont été inclus entre décembre 2014 et janvier 2017 au sein du registre RESOLVE, et entre juin 2014 et septembre 2016 au sein du registre SAVORY. Tous ont bénéficié d’un scanner thoracique, répété à intervalles réguliers durant le suivi des deux registres. La thrombose infraclinique de bioprothèse était définie par une diminution des mouvements prothétiques, avec des images hypodenses identifiées par les scanners. Un recueil des caractéristiques cliniques, des stratégies thérapeutiques antithrombotiques, et des événements cliniques, a été effectué au long du suivi. Les scanners thoraciques, les échocardiographies, et les événements neurologiques ont été analysés en aveugle. Au total, 931 patients ont eu un scanner, 71 % dans RESOLVE (n = 657) et 29 % dans SAVORY (n = 274), 96 % des scanners étant interprétables. Dans RESOLVE et SAVORY, respectivement 7 % et 12 % des patients (n = 106) présentaient une thrombose de la bioprothèse aortique, avec 4 % de thrombose (5/138) pour les RVA versus 13 % (101/752) pour les TAVI (p = 0,001). Le délai moyen entre le remplacement valvulaire et le premier scanner était de 83 jours (33-281). Les patients traités par anticoagulants présentaient souvent de thromboses que ceux sous DAPT (4 % soit 8/224) que ceux sous DAPT 15 % (31/208), p < 0,001. Les AOD s’avéraient aussi efficaces que la warfarine (3 % vs 5 %, p = 0,72). Les thrombi ont disparu dans tous les cas sous warfarine ou AOD, tandis qu’ils ont persisté dans 91 % des cas (20/22) chez les patients sous DAPT sans anticoagulant (p < 0,0001) (figure 5). Figure 5. Impact de l’anticoagulation sur la réduction des mouvements de la valve. Les gradients transaortiques ont été plus souvent supérieurs à 20 mmHg, ainsi qu’une augmentation de 10 mmHg par rapport à la première échographie postprocédure, chez les patients avec thrombi. Les thrombi sont associés à un excès d’AIT (p = 0,005), avec une tendance forte, cependant non significative, à un surplus d’AVC (4,12 AVC pour 100 patients-années versus 1,92 AVC pour 100 patients-années chez les patients sans thrombi). Conclusion On constate que les thrombi sont assez fréquents après un remplacement valvulaire par bioprothèse, qu’il soit chirurgical ou par TAVI. Les anticoagulants (AOD et warfarine) sont efficaces pour prévenir et traiter ces thrombi, alors qu’un excès de risque d’AIT est noté sous une DAPT, qui semble inefficace pour les traiter une fois présents. Les résultats d’études randomisées sont attendus pour permettre des conclusions définitives sur la stratégie antithrombotique optimale post-TAVI. En pratique Ce congrès a permis d’ouvrir de nouvelles pistes de recherche, notamment sur la stratégie antithrombotique optimale pour le TAVI. Il a conforté les stratégies actuelles sur l’antiagrégation plaquettaire, et a souligné qu’aussi bien la maladie athérothrombotique que la maladie veineuse thromboembolique nécessitent une prise en charge au long cours pour les patients à haut risque.

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