Publié le 18 juil 2017Lecture 2 min
N’ayons pas peur des bêtabloquants chez l’asthmatique
François LAVAUD, Reims
Depuis leur mise sur le marché, l’asthme et la BPCO sont considérés comme des contre-indications à la prescription de bêtabloquants en raison du risque d’inactivation des récepteurs bêta-adrénergiques, avec non-contrôle d’un bronchospasme et apparition d’une exacerbation potentiellement sévère. Cette contre-indication êgure encore actuellement dans les êches du Vidal pour les formes graves de ces pathologies.
Pour la BPCO, il a cependant été montré depuis plusieurs années que les patients sous bêtabloquant cardio-sélectif ne présentaient pas plus de décompensation respiratoire, qu’ils avaient une meilleure qualité de vie et une espérance de vie plus longue, ce qui se conçoit compte tenu d’une meilleure prise en charge des pathologies cardiovasculaires fréquemment associées.
Pour l’asthme, les recommandations internationales peuvent être discordantes avec, pour certaines, une utilisation possible au cas par cas et, pour d’autres, un avis défavorable. Les essais cliniques des molécules cardio-sélectives les plus récentes ont montré qu’elles étaient relativement bien tolérées chez l’asthmatique avec des effets secondaires dépendant de la dose administrée et de facteurs individuels. En revanche, peu d’études se sont intéressées à la tolérance dans la vraie vie.
Une importante étude cas-témoins réalisée au Royaume-Uni a concerné une cohorte de 35 à 502 adultes traités pour de l’asthme et des maladies cardiovasculaires, appariés sur l’âge, le sexe et la date d’inclusion. L’enquête a été réalisée sur fichier prenant en compte la période 2000 à 2011(1). Au cours de ces 10 ans de suivi, 5 017 patients (14,1 %) ont reçu un bêtabloquant cardio-sélectif (aténolol ou bisoprolol) et 407 (1,2 %) un traitement non cardio-sélectif (sotalol ou carvedilol). Le but de l’étude était d’apprécier le nombre d’exacerbations modérées ou sévères (aboutissant à une hospitalisation ou à un décès). La prescription du bêtabloquant était effectuée dans les deux derniers mois.
Au total, les auteurs ont relevé 608 exacerbations sévères (incidence 4,4/1 000 patients/an) et 4 234 exacerbations modérées (incidence 50,4/1 000 patients/an). Pour les bêtabloquants cardio-sélectifs, aucune association n’a été révélée entre leur prise et l’apparition d’une exacerbation sévère ou modérée, indépendamment de facteurs confusionnels tels l’âge, la prise de médicaments antiasthmatiques, le tabagisme, les infections respiratoires ou l’indice de masse corporelle. Ni la dose ni la durée du traitement n’intervenaient en tant que facteurs de risque.
En revanche, la prise d’un bêtabloquant non cardio-sélectif augmente le risque d’exacerbation modérée en cas de doses faibles ou modérées (IRR à: 5,16 ; IC 95 % à: 1,83-14,5 ; p = 0,002) et la prescription à forte dose de façon prolongée majore le risque d’exacerbation modérée (IRR à: 2,68 ; IC 95 % à: 1,08-6,64 ; p = 0,033) mais aussi sévère (IRR à: 12,11 ; IC 95 % à: 1,02-144,11 ; p = 0,048).
Ainsi, cette étude de vraie vie conêrme les données des essais cliniques et permet de préciser l’utilisation des bêtabloquants chez les asthmatiques. S’il faut rester prudent avec les médicaments non cardio-sélectifs, on peut très raisonnablement prescrire les molécules cardio-sélectives chez ces patients, pour autant que l’indication en soit incontournable.
"Publié dans OPA Pratique"
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