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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 01 oct 2017Lecture 9 min

Stimulation ventriculaire programmée : indications actuelles et résultats

Fabrice EXTRAMIANA, Hôpital Bichat, Paris

La SVP peut être réalisée à but diagnostique chez un patient symptomatique, pour préciser le mécanisme d’une tachycardie à QRS large ou encore pour pouvoir effectuer des manœuvres d’entraînement et cartographier une TV afin de pouvoir en ablater le circuit. Par ailleurs, puisqu’elle peut démasquer un substrat de réentrée ventriculaire présent mais n’ayant jamais « parlé », la SVP peut également être utilisée à visée pronostique.

Principes   La stimulation ventriculaire programmée (SVP) consiste à stimuler le ventricule de manière prématurée (c’est-à-dire à envoyer un extra-stimulus) avec un couplage court (proche de la période réfractaire) afin de produire un bloc de conduction unidirectionnel et/ou un ralentissement de la vitesse de propagation. En présence d’un substrat de réentrée, cette extrastimulation va pouvoir déclencher une arythmie ventriculaire soutenue. Depuis la première manipulation électrique des tachycardies ventriculaires décrite par Wellens et coll. en 1972(1), la SVP est très largement utilisée pour déclencher ou arrêter des arythmies ventriculaires lors d’une exploration électrophysiologique endocavitaire. Afin de permettre une reproductibilité, le protocole de stimulation a été standardisé et comporte une stimulation en rythme spontané puis rythme ventriculaire, imposée avec un cycle de 600 ms puis 400 ms sur lesquels sont délivrées 1 puis 2 puis 3 extrastimuli à couplage décroissant jusqu’à la période réfractaire ou un cycle minimum de 180 ou 200 ms. Ce protocole est réalisé de base puis sous perfusion d’isoprotérénol.   La SVP comme test diagnostique   La SVP est un outil indispensable et indiscutable de l’arsenal diagnostique du rythmologue.   Indication après une syncope, des palpitations ou un arrêt cardiaque ressuscité Les syncopes d’origine cardiaque sont associées à un mauvais pronostic. Une cause cardiaque doit être suspectée et éliminée chez un patient avec une cardiopathie, un ECG anormal, lorsque la syncope survient à l’effort, en position allongée ou est précédée de palpitations. Dans ces situations, si le bilan ne retrouve pas la cause de la syncope, il faut envisager la réalisation d’une SVP diagnostique pour documenter ou éliminer une TV syncopale(2). L’induction d’une TV monomorphe soutenue (c’est-à-dire de plus de 30 secondes ou nécessitant une régularisation par stimulation ou par choc) prédit fortement la cause de la syncope chez les patients avec des zones de fibrose ou d’infiltration (cicatrice d’infarctus ou de myocardite, dysplasie arythmogène du ventricule droit, sarcoïdose, cardiopathie dilatée primitive). En revanche l’induction d’une fibrillation ventriculaire (FV) n’a pas de valeur diagnostique chez ces patients. Les recommandations sur les syncopes de 2013 et sur la mort subite de 2015(2,3), donnent à la SVP une indication de classe I B dans les syncopes sur cardiopathie ischémique. Cependant, la SVP n’est pas nécessaire si la fraction d’éjection ventriculaire est < 35 % car dans ce cas, il y aura, quel que soit le résultat de la SVP, une indication à l’implantation d’un défibrillateur automatique. Lorsque la syncope survient chez un patient avec un syndrome de Brugada, une dysplasie arythmogène du ventricule droit, une sarcoïdose, la SVP peut être proposée (indication de classe IIb C)(2,3). C’est le même niveau d’indication pour les patients qui ont des activités à très haut risque (sports extrêmes, métiers à risque)(2). Enfin, il ne faut pas faire de SVP après une syncope non précédée de palpitations chez les patients sans cardiopathie avec un ECG normal (classe III)(2). Les palpitations inexpliquées peuvent justifier une SVP chez les patients avec une cardiopathie ou un ECG anormal (indication de classe I)(3,4). Elle peut aussi être envisagée en l’absence d’anomalie cardiaque lorsque les palpitations sont très fréquentes(4). Cependant, dans ce dernier cas, il semble plus logique d’essayer de documenter les palpitations par un enregistrement ECG per-critique. Après un arrêt cardiaque ressuscité, la SVP ne permet que rarement de déclencher une TV sur cœur sain(5). Cependant, l’exploration électrophysiologique endocavitaire et la SVP gardent un intérêt pour éliminer une voie accessoire cachée très perméable, ou encore un substrat de réentrée de faible taille (carte en voltage et SVP) dans le cadre d’une dysplasie arythmogène du ventricule droit débutante ou de sarcoïdose(6,7).   Indication pour le diagnostic d’une tachycardie à QRS large ou dans le cadre d’une ablation endocavitaire Parfois le diagnostic du mécanisme d’une tachycardie à QRS large n’est pas évident (par exemple en cas de traitement antiarythmique, de TV de branche à branche ou en présence d’une ou plusieurs voies accessoires). Dans ces situations, il faut parfois recourir à la SVP qui, si elle permet de déclencher la tachycardie clinique, permettra d’en déterminer le mécanisme électrophysiologique. Enfin, la SVP sera indispensable en cours de procédure lorsque l’indication d’ablation de la TV est retenue. En effet, la SVP permettra de déclencher une TV non documentée sur le plan ECG (par exemple si la TV a été arrêtée par un DAI avant l’enregistrement d’un ECG 12 dérivations). La cartographie de propagation en TV et les manœuvres d’entraînement, d’une part, mais également une cartographie de topo-stimulation, d’autre part, sont des outils particulièrement utiles pour la détermination du circuit de réentrée et le choix de la stratégie d’ablation(8,9). Enfin, à la fin de la procédure, l’absence de TV inductible à la SVP est un critère important de jugement de l’efficacité de la procédure(8). Cette non-inductibilité semble être associée à un meilleur pronostic à long terme(10).   La SVP comme test pronostique L’utilisation de la SVP comme marqueur pronostique est plus controversée et est très différente en fonction de l’atteinte cardiaque sous-jacente.   Valeur pronostique dans la cardiopathie ischémique C’est dans le post-infarctus que la valeur de la SVP a été le plus évaluée et utilisée depuis plusieurs décennies. Cependant, les connaissances et indications ont fortement évolué au cours du temps. Pendant longtemps, la SVP était utilisée pour rechercher le « meilleur » traitement antiarythmique avec des SVP sous chaque traitement jusqu’à négativation. Cette stratégie de « serial testing » a été abandonnée après les résultats de l’étude CAST qui montrait une surmortalité avec les antiarythmiques de classe I dans le postinfarctus(11). Parallèlement, de nombreux travaux avaient montré que l’inductibilité d’une TV par la SVP était associée à une majoration du risque de mort subite. Ce point a été confirmé de façon très claire dans l’étude MUSTT(12). Pourtant, et malgré les recommandations ACC/ AHA/ESC de 2006, la SVP n’est plus utilisée pour stratifier le risque de mort subite après un infarctus du myocarde avec une fraction d’éjection altérée(11). En effet, depuis la publication des études MADIT2 et SCD-HeFT et les recommandations qui ont suivi, la stratification du mort subite passe quasi exclusivement par la seule évaluation de la fraction d’éjection ventriculaire gauche. Il est pourtant bien établi que cette stratégie aboutit, d’une part, à l’implantation de DAI qui ne serviront jamais chez des patients avec une fraction d’éjection altérée, mais, d’autre part, ce qui est plus grave, par la survenue d’une majorité des morts subites chez des patients avec une fraction d’éjection supérieure à la limite justifiant l’implantation d’un DAI. Plusieurs travaux récents ont essayé de montrer que l’abandon de la SVP pour la stratification du risque de mort subite n’était pas justifiée(13,14). Les recommandations commencent à être remises en cause(15). Mais il faudra cependant attendre la publication de futures études pour modifier les recommandations(16).   Valeur pronostique dans les cardiopathies non ischémiques Les cardiomyopathies dilatées (CMD) sont les plus fréquentes des cardiopathies non ischémiques et, à ce titre, sont celles qui ont été le plus évaluées (après les ischémiques). Le consensus général est plutôt de considérer que l’intérêt de la SVP est faible dans la CMD(3). Cependant, les résultats mitigés de l’étude DANISH(17) vont peut-être relancer les études qui ont montré l’utilité de la SVP dans la stratification du risque rythmique dans la CMD(17,18). Dans les cardiopathies hypertrophiques, le message est plus clair, il n’y a pas d’utilité ni d’indication à la SVP qui a même une recommandation de classe III(3). La dysplasie arythmogène du ventricule droit et la sarcoïdose cardiaque sont deux pathologies rares avec un substrat de TV et un risque de mort subite. Du fait de leur relative rareté, nous n’avons pas de grandes études prospectives. Il semble cependant que la SVP ait un rôle pronostique dans la DVDA(19). Dans la sarcoïdose cardiaque, une SVP positive constitue une indication de classe IIa pour l’implantation d’un DAI chez les patients asymptomatiques avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche entre 35 et 50 % et un rehaussement tardif en IRM(20). La cicatrice de myocardite constitue elle aussi un substrat (le plus souvent sous-épicardique en IRM) de réentrée qui peut être démasqué par la SVP. Enfin, la valeur prédictive de la SVP a été évaluée dans la tétralogie de Fallot opérée. L’étude multicentrique publiée en 2004 a inclus 252 patients et montré que l’induction d’une TV monomorphe soutenue était un facteur de risque indépendant d’événements rythmiques ultérieurs (RR = 4,7 ; IC95% : 1,2-18,5 ; p < 0,05)(21).   Valeur pronostique dans les canalopathies La situation est consensuelle pour les syndromes du QT long, du QT court, de repolarisation précoce et dans les tachycardies ventriculaires catécholergiques. Il n’y a pas d’indication à la SVP dans ces syndromes(3,22,23). Les choses sont en revanche beaucoup plus débattues dans le syndrome de Brugada. Au début des années 2000, et en raison des résultats publiés par les frères Brugada, la SVP était un élément incontournable dans la stratification du risque et pour poser l’indication du DAI chez les patients avec un syndrome de Brugada asymptomatique. Cependant, les études ultérieures d’autres groupes n’ont pas confirmé la valeur prédictive de la SVP dans ce syndrome et la SVP a été quasiment abandonnée après la publication en 2012 de l’étude PRELUDE(24). Pourtant, une métaanalyse des données prospectives des centres qui n’avaient pas retrouvé une valeur prédictive à la SVP et qui vient d’être publiée semble pouvoir de nouveau changer nos pratiques(25). En effet, cette étude montre qu’une SVP positive (déclenchement d’une TV polymorphe/FV soutenue) multiplie par plus de 2,5 le risque d’événements cardiaques (HR = 2,66 ; IC95% : 1,44-4,49 ; p < 0,001)(25). Les taux d’événements rapportés dans cette étude montrent que le résultat de la SVP permet de mieux informer, en particulier, les patients asymptomatiques avec un aspect ECG de type 1 spontané, sur le niveau de risque rythmique afin de les aider à discuter l’indication d’un DAI en prévention primaire. L’avenir dira si ces nouvelles données modifieront les différents consensus et recommandations pour la prise en charge des patients atteints du syndrome de Brugada(3,22,26).   En pratique   Stimuler le ventricule et déclencher une arythmie ventriculaire soutenue a une valeur diagnostique indiscutable. La SVP est parfois nécessaire dans le cadre du bilan étiologique de palpitations ou de syncopes survenant en présence d’une atteinte cardiaque ou encore après un arrêt cardiaque ressuscité sans étiologie évidente. C’est un outil indispensable pour guider et valider l’ablation endocavitaire des tachycardies ventriculaires. La valeur de la SVP dans la stratification du risque rythmique est variable en fonction de la pathologie sous-jacente. Sans intérêt dans la cardiopathie hypertrophique et dans les canalopathies (en dehors du Brugada), la SVP est un élément important dans l’aide à la décision pour implanter un DAI dans la DVDA, la sarcoïdose cardiaque et la tétralogie de Fallot opérée. Dans la cardiopathie ischémique et le syndrome de Brugada, le rôle de la SVP est beaucoup plus discuté. Cependant, une SVP positive est associée à un risque plus élevé d’événement rythmique et il serait dommage de se priver d’un tel outil de stratification. Le défaut majeur de la SVP est bien entendu son caractère invasif. La caractérisation de la fibrose de manière non invasive en IRM sera peut-être dans l’avenir une meilleure façon d’identifier le substrat arythmogène(27). Figure 1. Tachycardie ventriculaire de branche à branche. Noter la similitude de morphologie des QRS en rythme sinusal (RS) et en TV. La partie inférieure correspond au signal endocavitaire enregistré par le DAI. La fréquence atriale est plus lente que la fréquence ventriculaire signant le diagnostic de TV. Figure 2. Déclenchement d’une TV polymorphe avec 1 seule extrasystole chez un patient avec un syndrome de Brugada.

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