Publié le 01 oct 2017Lecture 3 min
Une embolie pulmonaire : vraiment ?
Philippe MEURIN, Les Grands Prés, Villeneuve-Saint-Denis
Madame P., 68 ans, consulte (pour la première fois) en semi-urgence pour une dyspnée qui s’aggrave assez rapidement depuis 1 semaine environ.
Anamnèse et examen clinique
Ses principaux antécédents sont une plastie valvulaire mitrale il y a 6 ans, une HTA et une bronchique chronique post-tabagique (50 paquets-années, non sevrée) peu invalidante.
À l’examen, elle est apyrétique, polypnéique, mais il n’y a pas de détresse respiratoire ni de cyanose, ni d’hippocratisme digital ; la SaO2 est égale à 89 %, la pression artérielle est mesurée à 170/100 mmHg. Il y a une discrète aggravation de sa toux chronique, mais ses crachats sont propres, semble-t-il. À l’auscultation, le rythme cardiaque est assez rapide (125 bpm environ) et irrégulier ; il existe un souffle systolique 2/6 en écharpe ; on note quelques ronchus et sibilants, pas d’argument pour un épanchement pleural. Les jugulaires sont un peu saillantes, il n’y a pas de reflux hépato-jugulaire, pas d’ascite. Elle mesure 1,63 m et pèse 85 kg ; ses œdèmes des membres inférieurs ne sont pas plus imposants que d’habitude. Elle souffre en effet d’une insuffisance veineuse d’intensité moyenne, avec dermite ocre mais sans ulcère cutané.
Examens complémentaires
L’ECG s’inscrit en fibrillation atriale avec une fréquence cardiaque moyenne de 120 bpm. À l’échographie, la patiente est peu échogène par voie parasternale et sous-costale, mais la voie apicale est de bonne qualité. Il existe une hypokinésie globale modérée chez cette patiente en fibrillation atriale. Les cavités droites ne sont pas dilatées ni hypokinétiques. La pression artérielle pulmonaire systolique est élevée. La veine cave inférieure est de taille normale (23 mm) mais peu compliante en inspiration. La plastie fonctionne normalement (tableau 1).
Le péricarde est normal. On est surtout frappé par une image intra-auriculaire droite échogène en sa périphérie et anéchogène en son centre, peu ou pas mobile, mesurant 2 x 2 cm (figure 1). Le contourage par le flux couleur (figure 2) confirme a priori la localisation intra-auriculaire. Il n’y a pas de phlébite à l’écho-Doppler veineux des membres inférieurs.
Figure 1. Image intra-auriculaire droite.
Figure 2. Contourage couleur de l’image anormale.
La patiente est hospitalisée pour suspicion d’embolie pulmonaire sur thrombus intra-auriculaire droit ; un traitement par oxygène 3 litres/min et héparine de bas poids moléculaire est débuté, permettant une amélioration modérée de la symptomatologie.
L’angioscanner pulmonaire réalisé est normal : en particulier, il n’y a ni embolie pulmonaire, ni image intrapulmonaire pathologique. Le diagnostic évoqué est alors celui de poussée d’insuffisance cardiaque sur fibrillation atriale chez une patiente hypertendue, et, effectivement, après 48 heures de diurétiques, la patiente est eupnéique.
L’exploration de l’image intra-OD a consisté en une IRM (refus de l’ETO) et a confirmé ce qui aurait pu être suspecté depuis le début : il s’agit d’un hématome intrapéricardique rétro-auriculaire droit postopératoire, ancien, non compressif, qui s’invagine dans l’OD en doigt de gant (ce qui explique le contourage possible en couleur). On voit bien figure 3 (flèche) la limite entre l’OD et le péricarde.
Figure 3. IRM : limite oreillette droite/péricarde (flèche).
Discussion
En postopératoire de chirurgie cardiaque, un hématome rétro-OD peut passer inaperçu, en particulier si la voie sous-costale est de mauvaise qualité à l’échographie. Il peut être responsible d’une tamponnade (nécessité d’une ETO à sa recherche devant un tableau de tamponnade sans épanchement évident) ou être, comme ici, parfaitement asymptomatique et diagnostiqué beaucoup plus tard. Aucun traitement n’est alors nécessaire. En ETT, il est parfois impossible d’affirmer le caractère intra- ou rétro-auriculaire droit d’une image, et il faut alors en particulier insister sur la voie sous-costale (non utilisable ici). Le diagnostic différentiel principal est celui de thrombus intra-OD ; à l’échographie, celui-ci est habituellement — mais pas toujours — très mobile ; par ailleurs, son point d’attache à la paroi latérale de l’OD est généralement vu. Toutes les autres causes d’image intra- ou rétro-OD (tumeurs, hydatidose, etc.) peuvent être évoquées en fonction du contexte. Après un an d’évolution, la patiente est en bon état général, l’image échographique est stable, le scanner thoracique et les examens biologiques sans particularité, ce qui confirme notre diagnostic final.
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