Cardiologie générale
Publié le 16 nov 2017Lecture 5 min
Kyste hydatique du ventricule droit rompu dans l'artère pulmonaire
R. LAKEHAL, R. BOUKARROUCHA, F. AIMER, R. BOUHARAGUA, S. BENDJABALLAH, A. BRAHAMI, service de chirurgie cardiaque, EHS Mokhtar-Djeghri, Constantine, Algérie
La localisation cardiaque de la maladie hydatique est rare (< 3 %), même dans les pays endémiques. Le kyste hydatique du cœur est une affection parasitaire qui représente le développement au niveau du cœur de la forme larvaire du Taenia echinococcus granulosus(1-4). C’est une affection caractérisée par une longue tolérance fonctionnelle et un grand polymorphisme clinique et paraclinique(5-7). La localisation cardiaque droite est très grave, du fait du régime de basse pression des cavités droites et du développement électif du kyste en sous-endocardique, celui-ci finissant par se rompre dans la circulation pulmonaire (30 % de mortalité).
L’hydatidose cardiaque est grave à cause du risque de rupture imposant une chirurgie semi-urgente. Le diagnostic de la rupture repose sur la clinique et l’échocardiographie. En l’absence de contre-indications, le traitement ne peut être que chirurgical et s’impose après un bilan d’extension ; ce traitement doit être précoce pour éviter les complications. Il s’agit d’une périkystectomie sous circulation extracorporelle dans la plupart des cas.
Le but de cette observation est de montrer un cas de kyste hydatique du ventricule droit rompu dans l’artère pulmonaire.
Observation
Nous rapportons l’observation d’un homme âgé de 44 ans présentant un tableau de détresse respiratoire avec cyanose suite à la rupture brutale du kyste hydatique du ventricule droit dans l’artère pulmonaire.
En préopératoire, on observe une aggravation de la dyspnée devenant stade III de la NYHA. La radiographie pulmonaire montre un index cardio-thoracique à 0,58 avec hydatidose pulmonaire bilatérale.
L’ECG montre un rythme régulier sinusal.
L’échocardiographie faite en urgence montre un kyste hydatique cardiaque rompu dans l’artère pulmonaire, VG : 35/24 mm, VD : 28 mm, FE : 75 %.
On ne réalise pas de TDM ni d’IRM thoracique.
La sérologie hydatique est positive.
Le patient est opéré en urgence sous circulation extracorporelle. L’exploration per-opératoire montre un kyste du ventricule droit rompu dans l’artère pulmonaire avec liquide eau de roche, membrane dans l’artère pulmonaire et le ventricule droit ainsi que les vésicules filles dans cette dernière.
Le geste consiste en un prélèvement du liquide, ablation de la membrane et des vésicules filles, stérilisation par du SSH à 30 % et enfin capitonnage de la cavité résiduelle.
Durée de la CEC : 57 min, clampage aortique : 38 min et d’assistance circulatoire : 15 min.
Les suites postopératoires sont simples. Le séjour en unité de soins intensifs dure 48 heures ; la durée d’intubation 16 heures.
La durée de séjour en postopératoire est de 7 jours.
Le patient sort le 8e jour postopératoire.
L’étude anatomopathologique est revenue en faveur d’un kyste hydatique cardiaque.
Discussion
Le kyste hydatique cardiaque (KHC) est une affection parasitaire qui correspond au développement au niveau du cœur de la forme larvaire du Taenia echinococcus.
La distribution des localisations kystiques est parallèle à l’importance du débit sanguin coronaire : 60 % au niveau du VG, 15 % au niveau du ventricule droit(7).
La présentation clinique du KHC est très peu spécifique. La notion d’exposition aux chiens et aux moutons, le contexte endémique ou les antécédents personnels d’autres localisations hydatiques doivent faire évoquer le diagnostic.
Les circonstances de découverte sont nombreuses. En effet, la symptomatologie est variable suivant le stade évolutif du kyste, son siège par rapport aux orifices valvulaires et au tissu de conduction, et sa localisation dans le cœur droit ou gauche(11). Le kyste se développe dans le temps et peut se présenter sous forme d’une embolisation systémique, cérébrale ou pulmonaire, ou une obstruction valvulaire(11).
La localisation cardiaque droite est très grave du fait de la possibilité de rupture dans la circulation pulmonaire.
Le plus souvent, il se produit une échinococcose des deux poumons à partir des scolex ensemencés dans le ventricule droit ou dans l’oreillette droite(13). Dans 30 % des cas, la rupture est mortelle par embolie pulmonaire hydatique massive ou par blocage d’un orifice valvulaire.
Sur le plan paraclinique, la radiographie thoracique ne permet pas de fournir des éléments spécifiques quant à l’origine hydatique. Le signe le plus fréquemment retrouvé est la cardiomégalie avec ou sans déformation des contours du cœur. Certains aspects observés sur la radiographie pulmonaire orientent vers l’origine emboligène du kyste hydatique comme c’était le cas de notre patient. Elle montre dans ce cas de multiples petites opacités arrondies prédominant à la périphérie des 2 champs pulmonaires en rapport avec la dissémination emboligène hydatique(13).
Dans les zones d’endémie et surtout chez les patients ayant d’autres localisations hydatiques, l’indication de l’échographie cardiaque doit être large.
Elle permet de visualiser le kyste avec un aspect anéchogène parfois contenant des vésicules filles ou des trabéculations, plus rarement la masse est pleine et correspond à un kyste rompu(13). Elle doit être aussi réalisée chez tout patient opéré d’un kyste hydatique pour le dépistage d’une localisation cardiaque associée.
L’intérêt du scanner et de l’imagerie par résonance magnétique est également apprécié dans la littérature. Ils contribuent particulièrement à préciser les rapports avec les structures cardiaques, et en particulier les coronaires. L’IRM est aussi intéressante en cas de doute diagnostique ou de discordance entre l’échographie et la tomodensitométrie. Le risque évolutif vers les complications graves impose un diagnostic et une prise en charge chirurgicale rapide. Le traitement chirurgical est la seule attitude qui puisse assurer la guérison du kyste hydatique. Le but du traitement chirurgical est de prévenir de nouvelles embolies et de soulager le cœur afin d’assurer une hémodynamique satisfaisante. La kystectomie, la périkystectomie et le capitonnage de la cavité donnent les meilleures chances de guérison(15). La circulation extracorporelle est d’une grande utilité dans la réalisation d’un bilan myocardique et péricardique complet(5).
Quand le kyste se trouve dans le cœur droit comme c’était notre cas, le clampage de l’artère pulmonaire est recommandé par certains auteurs pour prévenir une migration du kyste ou des vésicules filles vers le lit pulmonaire et une anaphylaxie générale. La canulation veineuse fémorale plutôt que les veines caves est aussi recommandée pour prévenir une éventuelle migration pulmonaire par effraction lors de la canulation de l’oreillette droite.
En cas d’hydatidose pulmonaire associée, l’intervention peut se faire dans le même temps opératoire, par la même voie d’abord, après reprise de l’activité cardiaque.
Aspect per-opératoire d’un kyste hydatique du ventricule droit rompu.
En pratique
L’hydatidose touchant le cœur est rare. Elle est grevée de complications potentiellement graves.
La rupture d’un kyste hydatique du cœur constitue une véritable urgence(9,10).
L’indication opératoire est formelle dans tous les cas de rupture car l’évolution spontanée est mortelle(9,10).
La rupture endocavitaire avec embolie pulmonaire est la complication inéluctable de l’échinococcose du cœur droit. La gravité de cette localisation nécessite sa recherche par échocardiographie systématique chez tout patient atteint ou suspect d’hydatidose et sa cure chirurgicale systématique sous circulation extracorporelle.
Au cours de la chirurgie, le clampage de l’artère pulmonaire est recommandé afin d’éviter une embolisation pulmonaire peropératoire.
En fait, le véritable traitement de la maladie parasitaire est sa prophylaxie(8).
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