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Risque

Publié le 01 fév 2018Lecture 9 min

Le HDL comme facteur protecteur du risque cardiovasculaire ou « bon cholestérol » : c’est fini

François DIEVART, Clinique Villette, Dunkerque

En 2018, le HDL-cholestérol ne peut plus et ne doit plus être envisagé comme un « bon cholestérol ». Il n’est pas un facteur de risque « protecteur » des événements cardiovasculaires majeurs et des taux élevés de HDL-cholestérol sont associés à une augmentation du risque de décès cardiovasculaire, par cancer ou d’autres causes.

Depuis certains résultats de l’étude de Framingham parus en 1977 (figure 1), le HDL-cholestérol (HDL-C) a été qualifié de « bon cholestérol ». Cette notion a été confortée par d’autres études épidémiologiques comme l’étude PROCAM (figure 2) et par des travaux de recherche fondamentale expliquant que le HDL-C permet en quelque sorte d’épurer les artères de leur cholestérol. Cette conception a eu plusieurs conséquences simples sur nos raisonnements cliniques et sur la pratique, y compris académique, y compris institutionnelle. Figure 1. Résultats de l’étude de Framingham corrélant le taux de HDL-C et le risque d’événements coronaires chez l’homme (colonnes bleues) et chez la femme (colonnes roses). Figure 2. Résultats de l’étude PROCAM corrélant le taux de HDL-C (par tertile) et le risque d’événements coronaires chez l’homme. Ainsi, dans l’évaluation du risque CV absolu, il a été admis que plus le HDL est élevé, moins le patient est à risque. À titre d’exemple, dans ces recommandations de 2005, la Haute Autorité de santé (HAS), en France, indiquait qu’un bilan lipidique « normal » comprenait un HDL-C supérieur à 0,40 g/L et qu’un HDL-C supérieur à 0,60 g/L (1,5 mmol/L) était un facteur protecteur devant conduire à soustraire alors « un risque » au score de niveau de risque qui comprenait, par ailleurs, 5 paramètres. La HAS indiquait même qu’« une femme de 60 ans ayant une concentration de HDL-cholestérol égale à 0,70 g/L (1,8 mmol/L), est considérée comme sans facteur de risque ». Le HDL-C a été incorporé dans les grilles d’évaluation du risque CV absolu de Framingham et dans la grille SCORE. Ainsi, combien de médecins ont rassuré leur patient avec des phrases du type « votre HDL-C est tellement élevé que votre risque cardiaque est très faible », « certes votre mauvais cholestérol est un peu élevé, mais cela est compensé par un très bon “bon cholestérol”, ce qui permet d’éviter un traitement ou de diminuer la dose du traitement en cours » ou encore, « oui, vous avez beaucoup de cholestérol mais c’est du bon cholestérol ». Par ailleurs, des traitements permettant d’augmenter le HDL-C, comme certaines molécules ayant vocation à traiter les « dyslipidémies », tels les fibrates ou l’acide nicotinique, voire certains traitements antihypertenseurs ou plus communément hypoglycémiants étaient parés de vertus bénéfiques intrinsèques à leurs effets sur le HDL-C. Et donc, la recherche pharmacologique a été intense pour découvrir et développer des traitements pouvant augmenter le HDL-c et répondre ainsi à un « besoin non satisfait ». Déconvenues thérapeutiques Il est possible de résumer les déconvenues de la voie de l’augmentation thérapeutique du HDL-C à travers quelques dates clés. En 1999, l’étude VA HIT montre qu’un fibrate, le gemfibrozil, qui augmente de 6 % le HDL-C sans effet sur le LDL-C diminue de 22 % les événements coronaires majeurs mais l’année suivante, en 2000, l’étude BIP montre qu’un autre fibrate, le bézafibrate qui augmente de 18 % le HDL-C ne réduit pas le risque d’événements CV majeurs. Ces résultats sont donc contradictoires et indiquent au minimum, si leur puissance permet de les reconnaître comme valides, qu’il ne semble pas y avoir de proportionnalité entre l’effet d’augmentation du HDLC et la diminution des événements CV. En 2005, l’étude ILLUMINATE montre qu’un inhibiteur de la CETP, le torcetrapib, qui augmente le HDL-C de 72 % augmente significativement de 58 % la mortalité totale et de 25 % le risque d’événements CV majeurs. En 2009, une métaanalyse portant sur 108 essais thérapeutiques contrôlés ayant inclus 300 000 patients montre qu’il n’est pas possible d’établir une corrélation entre les variations du HDL-C observées sous traitement et le pronostic CV sous traitement par rapport aux groupes contrôles. Suivent plusieurs autres échecs : – en 2012, dans l’étude DAL Outcomes, le traitement évalué, le dalcetrapib, par rapport au placebo, augmente de 30 % le HDL-C mais n’a aucun effet sur le pronostic CV ; – en 2014, dans l’étude REVEAL HPS-2, l’acide nicotinique qui augmente de 14 % le HDL-C n’a pas d’effet sur le pronostic CV par rapport au placebo ; – et en 2016, dans l’étude ACCELERATE, l’evacetrapib permet, par rapport au placebo d’augmenter le HDL-C de 130 % mais ne modifie pas le pronostic CV. Ainsi donc, la voie du HDL-C sur le plan thérapeutique a été pavée d’échecs, hormis le cas de l’étude VA HIT dont le résultat est à ce jour encore un paradoxe non expliqué. L’épidémiologie pour achever un concept Dans les suites de l’étude de Framingham et en colligeant plusieurs études de faible taille, il a été possible en 1999, de proposer une métaanalyse regroupant les données de 15 252 patients, indiquant qu’en population, chaque fois que le HDL-C est plus élevé de 1 mg/dL, le risque CV est plus faible de 2 % chez l’homme et de 3 % chez la femme. Ce résultat est apparu indépendant des autres facteurs de risque CV, notamment du LDL-C. Dans ce travail, ont été colligés 730 événements coronaires et 375 décès CV parmi 584 décès totaux. Seulement dix ans plus tard, en 2009, une nouvelle métaanalyse portant cette fois sur plus de 300 000 patients ayant totalisé 8 857 IDM non fatals et 3 928 décès coronaires n’arrivait plus aux mêmes conclusions (figure 3) : certes, plus le HDL-C est bas, plus le risque coronaire est élevé, mais ceci est vrai jusqu’à de valeurs de HDL-C comprises entre 0,50 et 0,60 g/L et au-delà, la relation prend une forme de plateau. Figure 3. Métaanalyse ayant inclus les données de plus de 300 000 patients corrélant le HDL-C et le risque d’événements coronaires : au-delà d’une certaine valeur de HDL-C, la relation est en plateau Conclusion : un HDL-C bas est corrélé à un risque CV élevé mais un HDL-C très élevé est associé à un risque CV équivalent à un HDL-C moyen. Et donc, dès 2009, la phrase « votre HDL-C est tellement élevé que votre risque cardiaque est très faible » n’avait plus de raison d’être. Puis vint un premier coup fatal, l’étude CANHAERT dont les résultats ont été présentés en 2015 et publiés en 2016. Cette étude a plusieurs particularités qui rendent son résultat d’une grande valeur : – elle a été conduite dans une même région canadienne en prenant en compte tous les dossiers médicaux exploitables (patients en prévention cardiovasculaire primaire, sans cancer connu, ayant eu un bilan lipidique comprenant le HDL-C, dans l’année précédant le début du suivi) ; – elle a suivi pendant 5 ans 631 762 patients, c’est-à-dire qu’il y a eu plus de patients inclus dans une seule étude que dans chacune des métaanalyses précédentes ; – elle a ainsi pu avoir un nombre important de patients ayant des valeurs extrêmes de HDL-C : ainsi, 12 542 patients avaient un HDL-C inférieur à 0,30 g/L, 25 952 patients avaient un HDLC compris entre 0,81 et 0,90 g/L et 17 944 patients avaient un HDL-C supérieur à 0,90 g/L : dans chaque décile de HDL-C, il y avait ainsi plus de patients que dans toute l’étude de Framingham ; – avec une telle puissance elle a évalué la mortalité totale (17 952 cas) et la mortalité CV (4 658 cas) mais plus encore, elle a aussi évalué la mortalité par cancer (6 850 cas) et la mortalité non due à une maladie CV ou un cancer (6 444 cas). Et le résultat est quasi sans appel : oui, plus le HDL-C est bas, plus le risque de décès CV est élevé, comme l’est aussi la mortalité totale, mais surprise, comme le sont aussi la mortalité par cancer et la mortalité non due à une maladie CV ou un cancer (figure 4). Figure 4. Résultats principaux de l’étude CANHEART HDL : mortalité toutes causes ajustée à l’âge en fonction du taux de HDL-C à l’inclusion chez l’homme (à gauche) et chez la femme (à droite). À tout le moins pouvait-on alors conclure que le HDL-C est un bien curieux « facteur protecteur de risque CV » ? Plus curieux encore, lorsque le HDL-C augmente vers des valeurs extrêmes, les différents types de mortalité, et donc la mortalité totale, augmentent de nouveau, donnant à la relation entre HDL-C et mortalité quel qu’en soit le type, un aspect de courbe en U. Ainsi, un patient dont le HDL-C est supérieur à 0,90 g/L a un risque de mortalité supérieur à celui d’un patient dont le HDL-C est compris entre 0,31 et 0,40 g/L. Vraiment très curieux ce « facteur protecteur du risque CV » qu’était censé être le HDL-C… On pouvait penser qu’il s’agissait d’une donnée isolée, donc fragile, et qui plus est, donnée qui, lors de l’AHA 2015, n’avait pas été présentée lors des sessions des grands essais, mais lors d’une session plus confidentielle et qui plus est, encore, alors que ce type de donnée justifie d’être publiée dans une revue de tout premier plan (tels le NEJM ou le Lancet, voire le JAMA…) n’a été publié « que » dans le Journal of American College of Cardiology. Mais, lors de l’été 2017, une étude du même type (figure 5) portant sur 116 508 patients suivis pendant 6 ans au Danemark, et ayant totalisé 10 678 décès, arrive aux mêmes conclusions : il existe un aspect de courbe en U dans la relation entre les taux plasmatiques de HDL-C et la mortalité totale, mais aussi dans la relation avec la mortalité CV (2 777 cas), la mortalité par cancer (2 968 cas) et la mortalité non due à une cause CV ou à un cancer (2 585 cas). Cette étude confirme que la relation entre HDL-C et diverses causes de mortalité est de même nature chez l’homme et chez la femme et apporte quelques éléments nouveaux. Elle montre aussi un aspect de courbe en U dans la relation entre le HDL-C et le risque d’événements coronaires, le risque d’IDM et le risque d’AVC ischémique. Figure 5. Résultats d’une étude danoise prospective ayant inclus 116 508 patients. Corrélations entre les taux de HDL-C et la mortalité CV (colonnes de gauche), la mortalité par cancer (colonnes centrales) et par autres causes (colonnes de droite) chez l’homme (lignes du haut) et chez la femme (lignes du bas). Implications Certes, le métabolisme du HDLC est complexe et il ne peut être exclu que les découvertes de la recherche fondamentale permettent de mieux comprendre quelle doit être la bonne cible thérapeutique dans cette voie. Toutefois, en 2018, le HDL-C, dans la forme utilisée couramment, le taux plasmatique dosé lors d’un bilan biologique, ne peut plus et ne doit plus être considéré comme un « facteur de risque » ou « facteur protecteur» des événements CV. De ce fait, sa prise en compte dans le raisonnement diagnostique, pronostique et thérapeutique doit être repensée à l’aune de plusieurs données nouvelles : – un HDL-C bas reste associé à un mauvais pronostic CV, mais aussi à un risque accru de décès par cancer ou de décès non dû à une maladie CV ou un cancer : le HDL-C est le marqueur et non le facteur d’un mauvais pronostic global ; – mais, surtout, grande nouveauté, un HDL-C élevé est associé à un mauvais pronostic CV, mais aussi à un risque accru de décès par cancer ou de décès non dû à une maladie CV ou un cancer : le HDL-C élevé est aussi le marqueur d’un mauvais pronostic ; – de ce fait, (1) le raisonnement faisant du HDL-C le « bon cholestérol » est erroné et (2) les grilles d’évaluation du risque utilisant le HDL-C sont fausses chez les patients ayant des valeurs élevées de HDL-C : elles donnent des résultats inadaptés. Il n’a encore jamais été démontré que l’augmentation pharmacologique du HDL-C améliore le pronostic et les données épidémiologiques récentes n’incitent plus à envisager une telle démarche. Si le métabolisme du HDL-C est complexe, la corrélation mise en évidence entre HDL-C, décès, décès CV, décès par cancer et décès par autre cause qu’une maladie CV ou un cancer, rend compte que le HDL-C est un marqueur ou un acteur beaucoup plus complexe que ce qui était envisagé en ne prenant en compte que le rapport entre dyslipidémies et maladies CV.

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