Publié le 02 mar 2018Lecture 7 min
La syncope : une problématique quotidienne
Serge BOVEDA, Département de rythmologie, Clinique Pasteur, Toulouse
La prise en charge de la syncope représente un véritable enjeu de santé publique.
État des lieux en France des unités de syncope
La prise en charge de la syncope représente un véritable enjeu de santé publique. En effet, la syncope est un symptôme qui survient fréquemment, représentant 3 à 5 % des consultations aux urgences et 1 à 3 % des hospitalisations(1-3). Par ailleurs, près de 35 % des patients vont présenter des récidives sur une période de suivi de 3 ans(4,5).
Plus des deux tiers des syncopes ont une origine vagale, toutefois, 15 à 20 % d’entre elles ont une cause cardiaque, rythmique ou structurelle. Enfin, 10 % environ des syncopes sont d’étiologie inconnue après toutes les investigations pratiquées(3). Les syncopes vagales, largement majoritaires ont un pronostic excellent, à la différence des syncopes secondaires à une cause cardiaque. Il est ainsi fondamental d’identifier les causes cardiaques de syncope parce qu’il existe des traitements efficaces permettant de réduire le risque de récidive et de décès.
La stratégie diagnostique sera fondée sur l’évaluation initiale
Le point de départ de l’évaluation d’une syncope est un interrogatoire minutieux et un examen clinique comprenant la recherche d’une hypotension orthostatique. Un ECG 12 dérivations doit également faire systématiquement partie de l’évaluation initiale des patients. Ainsi, chez la plupart des jeunes patients sans cardiopathie sous-jacente, sans antécédent familial de cardiopathie, un diagnostic de syncope réflexe peut être posé sans autre exploration, en dehors de l’ECG qui doit bien entendu être strictement normal dans ce cas.
Cependant, les patients présentant des syncopes sont encore trop souvent hospitalisés et subissent des investigations redondantes et onéreuses, beaucoup d’entre elles n’apportant pas le diagnostic définitif(6). La décision d’hospitaliser un patient doit avoir deux objectifs : le diagnostic et le traitement. Lorsque l’étiologie de la syncope reste inconnue après une évaluation initiale, une stratification du risque sera utilisée pour décider ou non d’une hospitalisation. Ainsi, la décision d’hospitaliser dépend du pronostic de l’affection sous-jacente et des traitements à proposer. En l’absence de critère de risque significatif après l’évaluation initiale, la prise en charge d’une syncope pourra le plus souvent se faire en ambulatoire (figure 1).
Figure 1. Stratification du risque après l’évaluation initiale. Les patients présentant un risque élevé (cardiopathie sous-jacente et/ou ECG anormal) doivent être immédiatement hospitalisés pour être placés sous surveillance par ECG monitoring (indication de classe I). Les patients présentant un faible risque (pas de cardiopathie et ECG normal) peuvent être rassurés, sans examens complémentaires après une syncope isolée évoquant une étiologie vagale. Les patients présentant des syncopes répétées, ou un risque intermédiaire doivent être pris en charge pour la suite de leur bilan en unité de syncope.
NB – l’unité de syncope, ou le spécialiste de la syncope, peuvent intervenir à tous les stades de la prise en charge : évaluation initiale, stratification du risque et explorations complémentaires aboutissant à un diagnostic et une stratégie thérapeutique.
Harmoniser l’évaluation et la prise en charge : une nécessité
Les hospitalisations à elles seules représentent 74 % des coûts d’évaluation de la syncope(7). La durée de séjour des admissions pour prise en charge de syncope peut varier de 5 à 17 jours, ce qui met en évidence la disparité des stratégies et des investigations complémentaires utilisées. Le plus souvent, l’évaluation et le traitement de la syncope sont peu méthodiques et non hiérarchisés(7,8-10). Certains auteurs ont proposé et évalué l’impact de protocoles hospitaliers(8). Ces études ont montré qu’il était possible d’améliorer significativement les taux de diagnostic et l’utilisation d’investigations complémentaires appropriées. Cependant, un nombre important d’examens complémentaires redondants et d’hospitalisations superflues se produisent encore.
Pour optimiser et faciliter l’harmonisation de la prise en charge des patients ainsi que l’exécution des recommandations élaborées par les sociétés savantes, il est souhaitable que des structures dédiées, dites « unités de syncope » (US) se mettent en place.
Ainsi, la syncope étant un symptôme fréquent, il est nécessaire de développer des stratégies locales prenant en charge ces patients et intégrant les caractéristiques suivantes :
– l’offre de soins devra optimiser les ressources et les compétences tout en assurant la mise en place et le respect des recommandations des sociétés savantes ;
– les modèles varieront d’une structure d’unité de syncope sur site unique à une pratique plus transversale où plusieurs spécialités participeront à la prise en charge de la syncope ;
– le patient pourra être adressé directement par le médecin traitant, le cardiologue, par le SAMU/SMUR, par un service d’urgences ou de court séjour ;
– la prise en charge initiale permettra de déterminer la nécessité ou pas d’hospitaliser les patients, ainsi que les ressources et les compétences nécessaires à une investigation plus approfondie ;
– des échanges réguliers entre tous les acteurs (patients, médecins référents, spécialistes, infirmières, services administratifs, structures sanitaires…) devront faciliter la compréhension et l’efficacité des stratégies de prise en charge proposées, ainsi que l’optimisation de l’US qui doit être considérée comme une structure évolutive.
Principes d’organisation
La grande majorité des patients souffrant de syncope peuvent être examinés et pris en charge à titre ambulatoire. L’un des objectifs importants d’une US est de réduire le nombre d’hospitalisations en offrant d’emblée au patient un cheminement d’évaluation bien défini, rapide et pertinent, en accord avec les plus récentes recommandations des sociétés savantes.
L’US doit baser son organisation sur les dernières recommandations pour la prise en charge (diagnostic et traitement) de la syncope, publiées par la Société européenne de cardiologie(11) qui font autorité à l’heure actuelle en France et en Europe. Nous attendons très prochainement la version 2018 de ces recommandations européennes (Congrès EHRA en mars 2018 à Barcelone).
En accord avec ces recommandations, la création d’une US pourra se faire en s’adaptant au plus près à la structure déjà existante dans la plupart des départements de cardiologie français. Par exemple, dans notre structure, nous avons couplé l’unité de syncope à l’accueil de la douleur thoracique.
Celle-ci est implantée au cœur de l’établissement et à proximité des plateaux techniques d’imagerie et d’explorations invasives, auxquels elle a un accès rapide et prioritaire (figure 2).
Figure 2. Exemple d’unité de syncope, couplée à l’accueil de la douleur thoracique. Accès privilégié, de type « fast-track », aux différents plateaux techniques en cas de nécessité.
La combinaison des compétences professionnelles est également indispensable, ainsi, l’expérience et la collaboration dans des disciplines telles que la cardiologie, la neurologie, la médecine d’urgence, la gériatrie et la psychiatrie sont pertinentes.
L’équipement nécessaire d’une US comprend un électrocardiographe, un matériel pour la surveillance continue par monitoring de la pression artérielle et du rythme cardiaque, une table pour la réalisation de tests d’inclinaison, la possibilité de poser des enregistreurs d’événements externes et implantables, des appareils pour la mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) et des holters ECG de 24 heures.
L’US aura aussi un accès facilité (de type « fast-track ») à l’échocardiographie, aux explorations électrophysiologiques, aux épreuves d’effort, à l’IRM/scanner cardiaque et cérébral ainsi qu’à l’électroencéphalographie, lorsque cela sera nécessaire.
Les patients devront, le cas échéant, bénéficier d’un accès privilégié à l’hospitalisation et à tout traitement éventuel de la syncope, tel que l’implantation d’un stimulateur, d’un défibrillateur, une ablation endocavitaire, etc.
« French paradoxe »
Malgré la bonne connaissance des données actuelles par les cardiologues français, ainsi que la publication de recommandations professionnelles en faveur de la prise en charge ambulatoire de la syncope par la HAS en 2008, la diffusion de structures dédiées, sur le modèle des unités de syncope, se fait encore au compte-gouttes dans notre pays.
Une enquête informelle récente effectuée par Jean-Claude DEHARO (Marseille), l’un des rédacteurs des recommandations européennes et promoteur de la mise en place des US, répertoriait moins d’une dizaine de ces structures réparties sur tout l’Hexagone en 2017…
Il va sans dire que, comparée aux plusieurs centaines d’US déclarées en Italie par exemple, la situation française n’est pas satisfaisante. Il existe pourtant une prise en charge financière par GHM en hospitalisation de jour pour prise en charge de la syncope, qui devrait permettre à la plupart des centres de référence de mettre en place ce type d’organisation.
Nous devons donc nous efforcer de faire évoluer positivement et rapidement cette configuration, afin de permettre à nos patients de bénéficier d’une prise en charge optimisée, harmonisée et moderne de leur pathologie syncopale et délester par la même occasion nos services de cardiologie, d’hospitalisations coûteuses et inutiles.
En pratique
La prise en charge de la syncope représente un enjeu de santé publique, justifiant la mise en place d’une structure dédiée : l’unité de syncope.
L’unité de syncope :
– est basée sur une réorganisation locale et une coopération privilégiée entre les différentes spécialités (cardiologue, neurologue, gériatre, psychiatre, etc.) ;
– sera bénéfique pour le patient : il pourra bénéficier rapidement d’une stratification du risque et être exploré à titre ambulatoire (pour les groupes de patients à risque faible ou intermédiaire) ;
– sera bénéfique pour les structures de soin et les équipes médicales : la prise en charge des patients ne nécessitera le plus souvent pas d’hospitalisation, elle sera harmonisée et optimisée, résultant en un gain de temps, de capacités d’hospitalisation et d’efficacité ;
– sera bénéfique en termes de coût/efficacité : l’économie en journées d’hospitalisation et explorations inutiles a été démontrée par toutes les études basées sur ce type de prise en charge des patients souffrant de syncope.
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