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Cardiologie générale

Publié le 01 avr 2018Lecture 15 min

Myocardites au cours des maladies auto-immunes et des maladies auto-inflammatoires

Cloé COMARMOND, Patrice CACOUB, Département de médecine interne et immunologie clinique, AP-HP, GH Pitié-Salpêtrière, Paris ; Département hospitalo-universitaire I2B, UPMC Université Paris 06, Paris ; Inserm UMR 7211 ; Inserm UMR S 959, CNRS UMR 7211

La myocardite est une cause majeure de maladie cardiaque chez le sujet jeune, pouvant conduire à une insuffisance cardiaque liée à une cardiomyopathie dilatée. Certaines maladies auto-immunes et/ou auto-inflammatoires peuvent s’accompagner d'une myocardite, notamment la sarcoïdose, la maladie de Behçet, la granulomatose éosinophilique avec polyangéite, les myopathies inflammatoires et le lupus systémique. Cependant, les données concernant la myocardite dans de telles maladies auto-immunes et/ou auto-inflammatoires sont rares. Les nouvelles stratégies thérapeutiques devraient mieux cibler la modulation du système immunitaire selon la phase de la maladie et le type de maladie auto-immune et/ou auto-inflammatoire sous-jacente.

La myocardite correspond à une inflammation du myocarde. C’est une étiologie majeure de maladie cardiaque chez le sujet jeune, pouvant causer une insuffisance cardiaque liée à une cardiomyopathie dilatée(1). La myocardite peut se présenter par un large panel de symptômes allant de la dyspnée légère ou douleur thoracique au choc cardiogénique et à la mort. Il est difficile d’estimer l’incidence réelle de la myocardite. Les formes fulminantes sont exceptionnelles (5 à 10 cas par million d’habitants/an) et leur incidence semble stable depuis plusieurs décennies(2). Les myocardites sont principalement causées par des infections virales, mais peuvent également être secondaires à une consommation de toxiques, une maladie allergique ou être associées à une maladie systémique. L’atteinte cardiaque au cours des maladies auto-immunes et/ou auto-inflammatoires peut atteindre le péricarde, le myocarde, l’endocarde, le tissu valvulaire et les artères coronaires. Certaines maladies auto-immunes et/ou auto-inflammatoires peuvent s’accompagner d’une myocardite comme la sarcoïdose, la maladie de Behçet, la granulomatose éosinophile avec la polyangéite (EGPA), les myopathies inflammatoires et le lupus systémique (SLE). Le diagnostic est habituellement basé sur la présentation clinique, comme la dyspnée, la fièvre, les douleurs thoraciques et/ou les palpitations, et les résultats de l’imagerie non invasive, classiquement l’échocardiographie. Les manifestations biologiques ne sont pas spécifiques et peuvent inclure une augmentation de la troponine et/ou de la protéine C-réactive (CRP). La biopsie myocardique reste l’examen de référence pour confirmer le diagnostic(3). Cependant, ce geste n’est pas utilisé habituellement en raison de sa faible sensibilité et de ses complications potentielles. L’imagerie par résonance magnétique cardiaque (IRMc) a récemment modifié la prise en charge des myocardites au cours des maladies inflammatoires systémiques en devenant un véritable examen diagnostique(4,5). Le diagnostic précoce de l’atteinte myocardique au cours des maladies auto-immunes et/ou auto-inflammatoires peut guider une thérapeutique ciblée et ainsi réduire les effets cardiovasculaires défavorables. Les options thérapeutiques restent limitées pour les phases aiguë et chronique de myocardite. La plupart des patients répondent bien au traitement standard de l’insuffisance cardiaque. Dans les cas graves, une assistance circulatoire ou une transplantation cardiaque est indiquée. Les traitements immunosuppresseurs et immuno-modulateurs pour la myocardite associée à des maladies auto-immunes et/ou auto-inflammatoires ont un bénéfice potentiel, mais restent à valider par des études complémentaires. Les mécanismes physio-pathogéniques des myocardites demeurent encore mal compris. Les réponses auto-immunes et l’inflammation sont impliquées dans la pathogenèse de la myocardite et la cardiomyopathie dilatée séquellaire. La myocardite auto-immune est médiée par les lymphocytes T CD4+. Le transfert de lymphocytes T CD4+ chez des souris immuno-déficientes sévères (SCID) reproduit la maladie, tandis que la suppression des cellules T CD4+ améliore la myocardite auto-immune expérimentale. Des infiltrats de T helper1 (Th1) et Th17 ont été retrouvés dans les myocardes de ces souris après l’induction de la myocardite. La sarcoïdose La sarcoïdose est une maladie inflammatoire systémique pouvant toucher de nombreux organes, et caractérisée par la présence de granulomes sans nécrose caséeuse. Bien que les études autopsiques révèlent des lésions cardiaques chez 20 à 30 % des patients ayant une sarcoïdose, moins de 5 % d’entre eux présentent des symptômes cardiaques cliniques. La sarcoïdose cardiaque affecte préférentiellement le myocarde, et est associée à des troubles de conduction ou du rythme pouvant entraîner une mort subite. Contrairement à l’atteinte pulmonaire isolée qui est de bon pronostic, l’atteinte cardiaque de la sarcoïdose est de mauvais pronostic. Dans une étude de 43 patients avec une atteinte myocardique de sarcoïdose, une cardiomyopathie était observée chez 21 patients (49 %) et était associée à une mortalité de 62 %(6). Une syncope était observée chez 14 patients (33 %), un trouble conductif chez 13 (30 %) et les tachy-arythmies chez 12 (28 %). L’infiltration granulomateuse du myocarde peut être mortelle. La localisation des cicatrices myocardiques en IRMc suit une distribution non vasculaire, qui est facilement différenciée des cicatrices myocardiques d’origine ischémique(7). Dans une étude japonaise chez des patients atteints de sarcoïdose cardiaque, le nombre total de segments affectés en IRMc, la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) et le volume diastolique du ventricule gauche(8) étaient significativement corrélés à la durée des symptômes extra-cardiaques de la sarcoïdose(8). Pour les patients symptomatiques, le traitement médical doit comporter l’association de glucocorticoïdes (CT) et d’agent immunosuppresseur (AI) dès que possible(9). Dans une étude française rétrospective(10), 39 patients avec une sarcoïdose cardiaque ont été traités avec CT (dose initiale de prednisone ~ 1 mg/kg/jour) associée à un AI chez 13 patients. La durée moyenne de la corticothérapie était de 43 mois (intervalle, 6-168 mois). Au cours du suivi à long terme (58 mois), 87 % des patients ont été améliorés et 54 % ont été mis en rémission prolongée. Aucun patient n’est mort subitement. Neuf patients ont rechuté, alors que la dose quotidienne de prednisone était inférieure à 10 mg chez cinq patients et arrêtée chez trois patients. Les neuf rechutes ont été traitées par corticothérapie seule ou associée à un AI, permettant la mise en rémission chez six patients. Les anti-TNF alpha tels que l’infliximab ont montré des résultats intéressants dans des cas de sarcoïdoses réfractaires(11–13). Les troubles de conduction nécessitent un pacemaker, tandis que les tachy-arythmies ventriculaires habituellement réfractaires à l’amiodarone, nécessitent un défibrillateur implantable. La transplantation cardiaque est exceptionnelle. Maladie de Behçet Les manifestations cardiaques liées à la maladie de Behçet (BD) affectent particulièrement les hommes jeunes, pendant les premières années suivant l’apparition de la maladie. Les complications cardiaques (jusqu’à 6 % des patients atteints de BD) comprennent la péricardite, l’endocardite (insuffisance aortique et moins souvent l’insuffisance mitrale) et les lésions myocardiques. L’atteinte myocardique comprend l’infarctus du myocarde (15 %), la myocardite/fibrose endomyocardique (8 %) et la thrombose intracardiaque (ventricule droit et atrium). La myocardite au cours de la maladie de Behçet est rare(14,15), retrouvée chez 2/28 patients (7 %) avec atteinte cardiaque sur une série autopsique(16). De plus, la fibrose endomyocardique peut être une séquelle d’endocardite, de myocardite ou des deux et peut être compliquée avec un thrombus mural(14). Le traitement est basé sur la corticothérapie associée ou non à un immunosuppresseur et une anticoagulation. Dans une étude rétrospective française de 52 patients BD avec atteinte cardiaque(17), une fibrose endomyocardique a été observée chez 4 patients (7,7 %) et un anévrisme myocardique chez 1 (1,9 %). Les facteurs associés à la rémission complète de l’atteinte cardiaque étaient des traitements anticoagulants oraux, immunosuppresseur et la colchicine. Le taux de survie à 5 ans chez les patients atteint de BD était de 83,6 %, avec atteinte cardiaque, et de 95,8 %, sans. Après un suivi médian de 3,0 [1,754,2] ans, 8 patients sont décédés, directement en lien avec l’atteinte cardiaque dans 3 cas. Granulomatose éosinophilique avec polyangéite La granulomatose avec polyangéite (EGPA, anciennement nommée syndrome de Churg et Strauss) est une vascularite systémique rare avec une incidence de moins de 3 cas/million. L’EGPA peut affecter plusieurs organes et est caractérisée par un asthme, une hyperéosinophilie, et des manifestations de vascularite systémique. L’atteinte cardiaque est décrite chez 27 % à 47 % des patients avec EGPA et reste un facteur prédictif majeur de mauvais pronostic associé à une mortalité précoce(18). La myocardite est une des manifestations cardiaques les plus fréquentes au cours de l’EGPA, pouvant se présenter sous la forme de douleur thoracique et palpitations, mais aussi de choc cardiogénique et d’arythmie(19). La cardiomyopathie symptomatique est de mauvais pronostic et est responsable d’environ 50 % des décès(20). Vingt-trois patients avec EGPA et myocardite ont été rapportés dans la littérature. Treize sur 23 étaient des femmes (56 %) et l’âge de début de l’EGPA s’étalait entre 2 et 77 ans. Une hyperéosinophilie était rapportée dans tous les cas et un infiltrat éosinophilique extravasculaire dans 14 cas/18 (78 %). Le nombre d’éosinophiles était nettement plus élevé dans formes d’EGPA avec myocardite que dans les autres formes d’EGPA. Le risque de myocardite augmente chez les patients de 20 à 30 ans (l’incidence de la myocardite chez les patients atteints d’EGPA est de 23 %). L’âge moyen au diagnostic de la myocardite était de 43 ans. Les manifestations cardiaques surviennent plus tard chez les femmes que chez les hommes(21,22). L’augmentation des éosinophiles au cours des myocardites suggère un rôle pathogène chez les patients atteints d’EGPA. L’infiltration extravasculaire des éosinophiles est corrélée à l’augmentation significative des éosinophiles intravasculaires. Lorsque leur nombre augmente jusqu’à 20 % du nombre total de leucocytes, les éosinophiles commencent à s’infiltrer dans le myocarde. Les anticorps anticytoplasmiques des neutrophiles (ANCA) sont rapportés dans ~ 40 % des cas d’EGPA(23). Cependant, les patients atteints de myocardite EGPA sont habituellement ANCA-négatifs. Parmi les 14 patients ayant un rehaussement tardif du myocarde sur l’IRMc, le FDG-PET montrait une hypofixation chez 10, une hyperfixation chez 2 et un aspect normal chez 2(24) ; 6 patients ayant une IRMc normale avaient également des images normales au FDG-PET. La durée d’évolution de l’EGPA au moment de l’IRMc était plus courte chez les patients qui avaient une inflammation myocardique que chez ceux qui avaient une fibrose. Pour les patients avec EGPA en rémission, l’IRMc a détecté des lésions myocardiques subcliniques actives(24). La corticothérapie est le traitement de première intention pour l’EGPA, entraînant une rémission et une meilleure survie. En cas de rechutes fréquentes ou associées à une forme grave de cette vascularite nécrosante telles que la myocardite, on recommande l’utilisation d’un immunosuppresseur comme le cyclophosphamide ou le rituximab. Artérite de Takayasu Chez les patients atteints d’une artérite de Takayasu, une myocardite peut se produire et provoquer un dysfonctionnement du ventricule gauche. L’atteinte cardiaque est généralement considérée comme une conséquence de l’hypertension artérielle, de l’atteinte vasculaire pulmonaire, de la maladie coronarienne et de la régurgitation aortique(25). Cependant, des mécanismes cytotoxiques auto-immuns similaires à ceux trouvés dans le tissu artériel peuvent également contribuer à une dysfonction cardiaque. L’IRMc utilisant le gadolinium peut donner des informations utiles sur l’anatomie de l’aorte et des vaisseaux principaux et la présence d’une inflammation myocardique(26,27). L’IRMc peut détecter l’œdème myocardique, l’augmentation du débit sanguin et des fuites capillaires, la nécrose et la fibrose. En outre, l’IRMc peut détecter un dysfonctionnement contractile à l’échelle régionale ou globale. L’IRMc est en mesure de fournir un diagnostic positif de myocardite. La tomodensitométrie (CT) peut être proposée lors d’une suspicion de myocardite, car elle a l’avantage d’exclure une pathologie coronaire. L’absorption de 18F-fluorodésoxyglucose n’est pas seulement un marqueur sensible de l’inflammation, mais aussi un paramètre quantifiable pour l’activité de la maladie qui pourrait compléter l’IRMc dans la détection, le diagnostic différentiel et la surveillance de la myocardite. Le FDG-PET scan pourrait être efficace pour suivre l’issue du traitement de la myocardite. Des études antérieures ont révélé une infiltration lymphocytaire compatible avec la myocardite dans environ 50 % des 16 cas indiens d’artérite de Takayasu(27,28). Breinholt et coll(30) ont démontré une augmentation de l’expression du HLADR sur l’endothélium cardiaque et le dépôt de complexes immuns dans les parois des petits vaisseaux myocardiques, ce qui suggère la présence d’un processus vasculitique dans le myocarde. Takeda et coll. ont rapporté que HLA de classe I et II et ICAMI étaient exprimés sur les myocytes ventriculaires d’un cas de myocardite de Takayasu(31). Compte tenu de l’âge des patientes ayant une insuffisance cardiaque (moins de 20 ans)(32), l’inflammation cardiaque active peut être principalement attribuable au dysfonctionnement du ventricule gauche dans l’artérite de Takayasu. Le traitement immunosuppresseur peut être utile pour l’atteinte myocardique de l’artérite de Takayasu. Talwar et coll.(28) ont rapporté que le traitement combiné de prednisolone (1 mg/kg/j) et de cyclophosphamide oral (2 mg/kg/jour) pendant douze semaines améliorait les données cliniques et hémodynamiques et la morphologie myocardique. La FEVG s’est améliorée de 33 % à 49 %, et les biopsies endomyocardiques répétées après traitement ont montré une cicatrisation du myocarde (disparition des lymphocytes T suppresseurs). Ces données suggèrent que la myocardite de Takayasu pourrait résulter d’une cytotoxicité. Lupus systémique L’atteinte cardiovasculaire représente une cause importante de morbidité et de mortalité chez les lupiques. Il a été montré que la myocardite associée au SLE diminue la survie et est plus fréquente chez les patients ayant une activité de la maladie plus élevée. Les études postmortem des années 1950 à 1960 retrouvaient une myocardite chez 57 % (72/126) des patients atteints de SLE, ce qui indique que l’atteinte du myocarde infraclinique était fréquente. La myocardite du lupus est une manifestation sévère du SLE. Elle peut être la première manifestation de la maladie ou peut se produire pendant le suivi, en particulier chez les patients non traités(33). Dans une série française récente de 29 myocardites lupiques, la myocardite était le premier signe du SLE dans 58,6 % des cas(34). L’IRMc révélait une prise retardée du gadolinium chez 9 des 13 patients (69 %). Le pronostic à long terme est habituellement favorable sous corticothérapie, immunosuppresseur et traitement cardiovasculaire(35). Les corticoïdes per os ou intraveineuses sont la pierre angulaire du traitement(36), et par référence à son efficacité dans d’autres atteintes sévères lupiques, le cyclophosphamide a été utilisé avec succès(37). Il existe également des cas d’amélioration avec des doses élevées d’immunoglobulines intraveineuses(38) et de plasmaphérèse(39). L’ECMO (oxygénation par membrane extracorporelle) a été utilisée avec succès dans la myocardite lupique associée à un état de choc cardiogénique(40). Sclérodermie systémique La sclérose systémique (SSc) est une maladie auto-immune caractérisée par une fibrose pouvant toucher plusieurs organes. L’atteinte cardiaque dans la SSc est estimée à 15-35 %. L’atteinte du myocarde est souvent infraclinique, avec une prévalence plus élevée sur les études autopsiques ou de biopsies endomyocardiques(41). L’atteinte cardiaque est associée à un mauvais pronostic, avec une mortalité de 70 % à 5 ans. Dans une cohorte de 181 patients atteints de SSc(42), 7 patients (3,8 %) ont développé des symptômes cliniques d’atteinte cardiaque (insuffisance cardiaque, douleur thoracique et palpitations). Tous ont montré une augmentation légère mais persistante des enzymes cardiaques. Chez tous les patients, l’histologie a montré une régulation positive des molécules d’adhésion de l’endothélium et l’infiltration par des lymphocytes T activés, avec ou sans nécrose des myocytes. Aucun n’a présenté d’occlusion d’artères coronaires ou de microvaisseaux. Les immunosuppresseurs ont amélioré les symptômes et conduit à une normalisation des enzymes cardiaques. Cependant, deux patients ont présenté une mort subite pendant le suivi. Connectivite mixte La connectivite mixte (MCTD) est un syndrome de chevauchement pouvant associer des caractéristiques de SLE, sclérodermie et de myosite. La fréquence de l’atteinte cardiaque chez les patients atteints de MCTD varie entre 11 % et 85 %, en fonction de la caractérisation des patients et des définitions de l’atteinte cardiaque, ainsi que des méthodes utilisées pour détecter les manifestations cardiaques. Les manifestations cardiaques les plus fréquemment observées sont la péricardite (29 %) et le prolapsus de la valvule mitrale (26 %)(43). Parmi les autres manifestations cardiaques observées, mentionnons la myocardite, les troubles de la conduction et un défaut de remplissage diastolique du ventricule gauche. Le problème cardiovasculaire clinique le plus important dans la MCTD est l’hypertension pulmonaire qui est associée à un mauvais pronostic. L’atteinte myocardique dans MCTD, comme dans le SLE, est associée à un pronostic relativement sombre(44). La myocardite peut être une complication importante chez les patients ayant un titre élevé d’anti-RNP. Malgré le traitement par corticoïdes et cyclophosphamide, le pronostic peut être défavorable(45). Syndrome des antiphospholipides Le syndrome des antiphospholipides (SAPL) est caractérisé par des thromboses artérielles ou veineuses récurrentes, une thrombopénie, des pertes fœtales récidivantes et la présence d’anticorps antiphospholipides. D’autres manifestations obstétricales associées au SAPL incluent la prééclampsie à début précoce, l’éclampsie, le retard de croissance intra-utérine, le décollement placentaire et l’accouchement prématuré. Le SAPL secondaire se réfère à l’association avec d’autres maladies auto-immunes. Les atteintes cardiaques du SAPL incluent une maladie valvulaire dite endocardite de Libman-Sacks (végétations valvulaires d’origine non infectieuse) dans 35 à 50 % des SAPL primaires, une occlusion coronaire (angor, infarctus du myocarde) dans 5 % des SAPL primaires – alors que la dysfonction du ventricule gauche semble être plutôt associé au SLE-SAPL (23-32 %). Les thromboses intracardiaques et l’hypertension pulmonaire, bien que rares, sont également des manifestations cardiovasculaires graves du SAPL. Tous ces processus sont de nature thrombotique et non inflammatoire. La myocardite est rarement décrite dans le SAPL primaire, mais est plutôt associée au SAPL secondaire au SLE ou MCTD(43,46). Il n’y a pas de traitement spécifique ni de recommandations. Environ 1 % des patients atteints de SAPL développent une complication très grave caractérisée par de multiples thromboses affectant principalement les petits vaisseaux, appelés catastrophiques SAPL (CAPS). Les manifestations cardiaques du CAPS ont récemment été rapportées dans une série de 515 patients qui présentaient une insuffisance cardiaque (44 %), un infarctus du myocarde (30 %), une valvulopathie (28 %) ou une endocardite de Libman Sacks (13 %)(47). Bien que de nature thrombotique, un certain degré d’inflammation peut être trouvé dans les organes cibles. Les patients atteints de CAPS associés au SLE sont généralement de jeunes femmes présentant un phénotype clinique sévère et une mortalité élevée. À l’inverse, les cas de CAPS diagnostiqués chez les personnes âgées sont rarement associés au SLE ; des tumeurs malignes sont décrites dans ces cas. Cliniquement, les CAPS associés au SLE ont une fréquence élevée de pathologie valvulaire conduisant à une maladie vasculaire cérébrale et à des phénomènes microangiopathiques (fréquence plus élevée du livedo reticularis et du Raynaud). Les patients ayant aussi un SLE nécessitent une approche thérapeutique différente, par exemple le cyclophosphamide. Vascularite cryoglobulinémique L’atteinte cardiaque est une manifestation rare de la vascularite cryoglobulinémique. La prévalence de l’atteinte cardiaque au cours des cryoglobulinémies mixtes liées au virus de l’hépatite C (VHC) est de 4 %(48). L’atteinte cardiaque était associée au lymphome B et aux manifestations sévères(49). Toutes les manifestations cardiaques étaient réversibles après l’initiation de la corticothérapie et des immunosuppresseurs. Cependant, après un suivi médian de 19 mois, 3 patients (43 %) étaient décédés. Les taux de survie respectifs à 6 mois, 1 an et 2 ans chez les patients avec et sans atteinte cardiaque étaient respectivement entre 86 et 99 %, entre 71 et 96 %, et entre 48 et 90 % (odds ratio 5,01 ; p = 0,003). Syndrome des antisynthétases Le syndrome antisynthétases (AS) est une myopathie autoimmune, caractérisée par une atteinte pulmonaire interstitielle, une atteinte cutanée, une polyarthrite, une fièvre et la présence d’autoanticorps spécifiques (dirigés contre les ARNt-synthétases). La prévalence de la myocardite au cours de l’AS est de 3 % à 4 % et n’est pas liée à la spécificité de l’auto-anticorps(50). Dans une étude rétrospective française de 12 cas de myocardite chez les patients atteints d’AS, la myocardite faisait partie des premières manifestations de l’AS chez 42 %, et était asymptomatique chez 17 % ou révélée par des signes d’insuffisance cardiaque aiguë chez 33 % ou subaiguë chez 50 %(51). La myocardite était toujours associée à une myosite active(43,52). L’IRMc révélait des hypersignaux tardifs en T1 pour 73 % des cas. La moitié des patients avaient besoin de soins intensifs. Dix patients (83 %) ont reçu des médicaments cardiotropes dédiés. Une corticothérapie et un immunosuppresseur ont été donnés dans tous les cas. Après un suivi médian de 11 mois (0-84), 75 % des patients atteints de myocardite avaient guéri, tandis que 25 % ont développé une insuffisance cardiaque chronique. Aucun patient n’est décédé. Le traitement par méthylprednisolone par voie intraveineuse suivie d’une corticothérapie orale avec immunosuppresseur semble être efficace pour traiter l’atteinte myocardique chez des patients atteints de myopathies inflammatoires idiopathiques, seuls ou présentant des syndromes de chevauchement(53). Bien que le pronostic soit relativement bon, la myocardite demeure une manifestation potentiellement grave chez les patients ayant un syndrome des antisynthétases actif. En pratique La myocardite est une manifestation rare mais sévère de certaines maladies auto-immunes et/ou auto-inflammatoires. Les progrès thérapeutiques au cours des dernières décennies, en particulier grâce à la pratique d'une réanimation et du soutien hémodynamique par assistance circulatoire pharmacologique et mécanique, ont permis de mieux caractériser les formes cliniques et histologiques de ces myocardites. Lorsqu'une forme fulminante est suspectée, il est nécessaire de contacter rapidement un centre médical et chirurgical avec la capacité de mettre en place une ECMO. Dans le futur, de nouvelles stratégies thérapeutiques devraient mieux cibler la modulation du système immunitaire, en fonction de la phase de la maladie et du type sous-jacent de la maladie auto-immune et/ou auto-inflammatoire associée à la myocardite. Figure. Algorithme diagnostique pour les myocardites au cours des maladies auto-immunes et/ou auto-inflammatoires. ANA : antinuclear antibodies ; ANCA : anticytoplasmic neutrophils antibodies ; BNP : B-type Natriuretic Peptide ; CT : computed tomography scanner ; CYC : cyclophosphamide ; ECG : electrocardiogram ; EGPA : eosinophilic granulomatous with polyangiitis ; FDG PET : 18F-fluorodeoxyglucose scanner ; LV : left ventricular ; MR : magnetic resonance ; RTX : rituximab ; SLE : systemic lupus erythematosus ; anti-TNFα : anti-Tumor Necrosis Factor alpha. ANCA : anticorps anticytoplasme des polynucléaires ; IRMc : IRM cardiaque ; CT : scanner ; FDG PET : 18Ffluorodeoxyglucose PET scanner. Références sur demande à la rédaction : biblio@axis-sante.com

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