Publié le 15 avr 2018Lecture 5 min
Angor d’effort : d’abord un traitement médical, puis réfléchir ?
Olivier NALLET, Service de cardiologie, CH Le Raincy-Montfermeil
Peut-on proposer un traitement médical en première intention et réserver la revascularisation aux échecs de celui-ci dans l’angor stable ? La littérature fournit des arguments en faveur de cette stratégie.
Cette stratégie n’est pas applicable pour tous les patients :
– les patients en classe IV de la Canadian Cardiovascular Society ou en classe III à début récent relèvent d’une stratégie invasive rapide ;
– l’angor dans les mois suivant un syndrome coronarien aigu ou une angioplastie ;
– si la fonction ventriculaire gauche est altérée.
Le traitement médical diminue la mortalité et le risque d’infarctus
Le traitement médical optimal (OMT) diminue la mortalité, le risque d’infarctus et l’angor. L’étude SYNTAX a comparé la chirurgie et l’angioplastie chez des patients ayant des lésions coronaires complexes. À 5 ans, le traitement n’était optimal que chez un tiers des patients. Parmi eux, la mortalité et le critère combiné (mortalité, infarctus, AVC) était réduits comparés au traitement non optimal (figure)(1).
Figure. Étude SYNTAX(1). Le traitement médical optimal diminue la mortalité par rapport à un traitement non optimal.
La revascularisation diminue la mortalité ou l’infarctus du myocarde : la preuve n’est pas faite
Les études qui ont montré une réduction de la mortalité après un pontage sont anciennes chez des patients qui avaient des lésions coronaires sévères avant les progrès des traitements médicamenteux. Plus récemment, les bénéfices de la revascularisation en routine ont été remis en question dans des essais randomisés.
Dans COURAGE, angioplastie et OMT ont été comparés à OMT seul chez 2 287 coronariens stables(2). L’incidence du critère composite, décès et infarctus non fatal était identique dans les deux groupes, y compris chez les patients à haut risque (pluritronculaires, antécédents d’infarctus et diabète).
Dans BARI 2D, des diabétiques de type 2 avec une cardiopathie ischémique stable ont été randomisés entre traitement médical et revascularisation(3). Tous devaient être éligibles à une technique de revascularisation et la randomisation se faisait après le choix de la technique, angioplastie ou pontage. À 5 ans, aucun gain de mortalité n’a été observé chez les patients revascularisés. Le seul bénéfice a été une réduction de l’incidence de l’infarctus après pontage mais pas après angioplastie.
FAME 2(4) a montré que la revascularisation guidée par la FFR associée à OMT diminuait la survenue du critère primaire (décès, infarctus, revascularisation urgente) comparée à OMT seul. Certains points méritent d’être soulignés.
La mortalité était identique dans les deux groupes.
C’est le nombre de revascularisations urgentes qui a déplacé le critère primaire de jugement en faveur de l’angioplastie. Le terme « urgent » n’était pas synonyme d’urgence coronaire.
Les infarctus récents de plus de 7 jours pouvaient être inclus.
L’arrêt précoce de l’étude à cause de l’incidence élevée de revascularisation urgente dans le bras médical a diminué la puissance de l’essai.
Dans les 7 premiers jours, le taux d’infarctus était de 2,2 % en cas d’angioplastie. Même si le pronostic des infarctus spontanés est plus péjoratif que celui des infarctus liés à l’angioplastie, ces événements ne sont pas anodins.
Le taux d’infarctus à 2 ans était identique dans les deux groupes. Mais en excluant les infarctus iatrogènes, l’incidence des infarctus spontanés était plus faible dans le groupe PCI + OMT comparé à OMT (respectivement 4,6 % et 8 % ; p = 0,04).
Peut-on en conclure que l’angioplastie réduit le risque d’infarctus spontanés ? FAME 2 ne permet pas de répondre. En effet, l’association aspirine et clopidogrel était encouragée pendant au moins un an dans le groupe interventionnel. À 6 mois, presque tous les patients avaient deux antiplaquettaires dans le groupe invasif et moins de la moitié dans le groupe médical. L’étude DAPT a montré que la prolongation de l’aspirine et du clopidogrel pendant 18 mois un an après un infarctus réduisait de moitié le risque d’infarctus(5). C’est donc la stratégie PCI + OMT avec le traitement antiplaquettaire qu’elle implique qui réduit le risque d’infarctus spontané. On ne peut pas élargir cette conclusion au concept de revascularisation.
Le traitement médical en première intention conduit à plus de revascularisations ultérieures
Les données sont résumées dans le tableau. Il montre que la revascularisation en routine permet de moins revasculariser les patients qui ont déjà tous été revascularisés par rapport à une stratégie d’abord médicale.
L’impact de la revascularisation sur la qualité de vie
La revascularisation diminue l’angor, permet d’alléger le traitement anti-angineux mais cet effet s’atténue avec le temps(2). L’effet placebo n’avait jamais été évalué avec l’angioplastie. L’étude anglaise ORBITA(6) a comporté une procédure fictive en double aveugle avec une méthodologie voisine de celle de SIMPLICITY 3 pour la dénervation rénale(7). Elle a fait la Une de la presse américaine et le New York Times titrait « Unbelievable : Hearts Stents fail to ease chest pain ». En voici le résumé : inclusion de 200 patients avec un angor stable et une lésion coronaire monotronculaire, adaptation du traitement médical pendant 6 semaines, évaluation par test d’effort et échographie à la dobutamine, questionnaire de qualité de vie, randomisation en deux groupes dilaté et non dilaté. La procédure a été réalisée chez des patients partiellement sédatés et avec un isolement sonore par un casque. Tous les patients ont eu une mesure de la FRR et IFR. Le suivi a été fait par une équipe non informée du traitement. Après 6 semaines, les patients ont été réévalués. L’angioplastie a réduit objectivement l’ischémie sur les données de la FFR postangioplastie et de l’échographie de stress. Mais aucune différence n’a été observée sur l’angor, la qualité de vie et le critère primaire qui était la durée d’amélioration du test d’effort. L’effet placebo est ainsi démontré sous réserve du faible effectif de l’essai. Cette étude est remarquable par sa méthodologie et nous rappelle la dimension subjective des symptômes.
Les limites de cette stratégie
Ce mode de prise en charge est difficile à faire comprendre aux patients mais aussi aux médecins. Le manque de stratification du risque en est la principale critique.
On pourrait faire la même critique à la revascularisation en routine immédiate et de tous les vaisseaux.
L’étude ISCHEMIA
Les études précédentes comportaient un biais lié à la randomisation faite en connaissant l’anatomie coronaire ce qui conduisait à moins inclure les patients anatomiquement les plus graves.
L’essai en cours ISCHEMIA contourne ce biais(8). Le patient a un coroscanner en aveugle pour éliminer les sténoses du tronc commun et les coronaires normales.
Puis il est randomisé avant la coronarographie entre revascularisation immédiate et traitement médical.
En pratique
Tous les patients avec une cardiopathie ischémique stable doivent avoir le traitement médical optimal qui diminue la progression de l’athérome et prévient la thrombose coronaire.
Un traitement médical en première intention avec des indications de revascularisation adaptées à l’évolution sous traitement peut être proposé.
En attendant les résultats d’ISCHEMIA, les arguments en faveur de cette stratégie s’équilibrent avec ceux d’une revascularisation en routine et précoce.
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