Cardiologie générale
Publié le 15 mai 2018Lecture 4 min
Le microbiote et les maladies cardiovasculaires : du laboratoire au chevet du patient
Jacques AMAR, Fédération de cardiologie, service d’HTA – Centre d’excellence ESH, CHU de Toulouse
Les facteurs de risque cardiovasculaire traditionnels et une faible consommation de fruits expliquent la quasi-totalité des événements cardiovasculaires comme l’a montré l’étude INTERHEART. Cependant, un risque résiduel important persiste chez les patients contrôlés pour leurs facteurs de risque. L’identification du mécanisme qui relie la diététique, les facteurs de risque et le risque résiduel sont un enjeu majeur pour améliorer la prévention des maladies cardiovasculaires. Un candidat crédible est la relation entre l’hôte et son microbiote.
Le microbiote humain, c’est l’ensemble des microorganismes qui revêtent nos épithéliums, notamment l’intestin et qui sont aussi présents dans nos tissus par exemple dans notre sang(1). Ces microorganismes interagissent avec nous par les métabolites qu’ils synthétisent et leurs constituants. Pour analyser la relation hôte-microbiote, nous allons considérer ces 3 composants : la flore intestinale, la barrière intestinale et enfin la translocation bactérienne.
Microbiote intestinal et facteurs de risque cardiovasculaire
Diabète et obésité
Le rôle causal du microbiote intestinal dans la survenue d’une obésité a été établi(2) : des souris sans germe colonisées par des fèces de souris obèses gagnent plus de poids qu’avec des fèces provenant d’une souris non obèse. Chez l’homme(3), des
différences de microbiote selon le statut métabolique ont été observées. Wang et coll.(4) ont montré le rôle causal de l’immunité intestinale dans la survenue d’une résistance à l’insuline et en particulier le rôle des lymphocytes TH17. Notre groupe a montré le rôle de la translocation de composants bactériens comme les lipopolysaccharides et de bactéries vivantes dans la survenue du diabète(5,6). Cette translocation est régulée par l’alimentation(7) et l’immunité intestinale, et son importance prédit chez l’homme la survenue d’un diabète(8).
L’hypertension artérielle
Comme dans le diabète, il existe des différences de flore intestinale selon le statut tensionnel(9) et le rôle causal du microbiote aété démontré : des souris colonisées par du microbiote de patients hypertendus développent une pression artérielle plus élevée qu’avec du microbiote de normotendus. Wilck et coll.(10) ont montré chez la souris que l’administration de lactobacillus murinus prévenait la survenue d’une hypertension induite par le sel. Cette action est médiée par un impact sur l’immunité intestinale, notamment la voie des lymphocytes TH17 comme cela a déjà été observé dans le diabète. Point de départ de notre recherche sur la translocation, nous avons publié une corrélation positive entre la concentration dans le sang de récepteurs solubles CD14, le principal récepteur des LPS bactérien et la rigidité aortique en population générale(11).
Microbiote intestinal et maladies cardiovasculaires
Des différences dans la composition de la flore bactérienne intestinale ont été mises en évidence selon la présence d’une maladie athéroscléreuse(12). Concernant la barrière intestinale, il a été montré qu’une modification de la défense intestinale favorisait le développement de l’athérosclérose dans un modèle murin(13). Concernant le rôle de la translocation bactérienne, un métagénome très diversifié au sein de la plaque d’athérome a été observé chez l’homme(14) : il faut donc dépasser le concept du pathogène isolé responsable de la rupture de plaque. L’action du triméthyl amine oxyde (TMAO), un dérivé de la choline, a été étudiée par le groupe de Stanley Hazen. La choline, un acide aminé présent dans la viande rouge est métabolisé en triméthyl amine par la flore intestinale. Ce composé bactérien passe la barrière intestinale et est transformé en TMAO dans le foie. Les auteurs ont montré le rôle proathérogène de ce composé chez l’animal(15). Chez l’homme, ce groupe a décrit la présence de ce composé dans le sang, et a montré que sa concentration était modulable par une antibiothérapie et qu’elle prédisait la survenue d’événements cardiovasculaires(16).
Quelles stratégies thérapeutiques pour contrôler la relation hôte-microbiote ?
L’antibiothérapie a échoué à prévenir les maladies cardiovasculaires. Les raisons de cet échec tiennent peut-être au fait que la cible est une communauté microbienne et pas un pathogène isolé.
La stratégie « pré-biotique » a été étudiée grâce aux études diététiques. En effet, la diététique est un moyen très efficace de sélectionner notre microbiote. À cet égard, un régime riche en fruits et donc en fibres non digestibles par l’homme, mais digestibles par certaines bactéries intestinales, est associé dans une étude conduite chez 500 000 personnes, à une réduction de la pression artérielle et de l’incidence des maladies cardiovasculaires(17). Une étude d’intervention a montré qu’un régime méditerranéen riche en fruits, légumes, huile d’olive ou fruits à coques, réduit de 30 % le risque cardiovasculaire chez les patients sous antihypertenseurs ou statine montrant l’efficacité de cette approche sur le risque résiduel(18). De façon intéressante, l’impact d’un tel régime sur le microbiote intestinal a été établi.
En conclusion, nous disposons d’un corpus de données montrant que la relation hôte-microbiote est un mécanisme reliant les facteurs de risque cardiovasculaire, la diététique et le risque résiduel. Il reste maintenant à déterminer parmi les 3 composantes de cette relation – la flore, la paroi intestinale et la translocation bactérienne – la cible et la stratégie adéquates.
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