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COVID-19

Publié le 07 mai 2020Lecture 19 min

SARS-CoV-2 et COVID-19 : le point à 4 mois d’une pandémie

Colas TCHÉRAKIAN, service de pneumologie, hôpital Foch, Suresnes ; Centre de compétence des déficits immunitaires ; Centre de référence des éosinophiles (CEREO)

Depuis le 24 janvier 2020, en moins de 3 mois, le SARS-CoV-2 aura fait 20 000 morts en France alors qu’il n’a touché qu’une proportion modeste de la population française (5,6 %) (https://hal-pasteur.archives-ouvertes.fr/pasteur-02548181). Il a paralysé le pays, pris en otage les habitants et complètement changé le quotidien des soignants qui l’ont croisé. Alors que l’infection montre enfin une inflexion liée au confinement, c’est ici l’occasion de faire le point avant la nouvelle vague.

Le foisonnement de la littérature est sans précédent sur le sujet avec 5 284 articles sur PubMed en 3 mois, auxquels s’ajoutent 1 900 articles en préprint accessibles qui devraient paraître rapidement (https://connect.medrxiv.org/relate/content/181). La mise à disposition gracieuse des publications par les revues, la possibilité d’accès aux articles non encore acceptés pour publication et l’aide par des revues de bibliographie sur le sujet (https://bibliovid.org) a permis une progression exponentielle des connaissances sur le sujet. Voici ici les éléments (non exhaustifs) qui se dessinent sur ce virus et sa pathogénie. D’où vient-il ? On connaissait déjà de nombreux coronavirus que l’on voit passer chaque année responsables de « rhumes » mais, parmi ces nombreux coronavirus, trois sont responsables d’épidémie grave : le SARS-CoV a posteriori nous pourrions l’appeler le SARS-CcV-1 ; le MERS-CcV ; et aujourd’hui le SARS-CoV-2, qui est responsable de la maladie COVID-19 (Corona Virus Disease 2019). Aucun des deux précédents virus n’a eu besoin d’un laboratoire pour émerger, tout comme les différentes grippes aviaires et porcines. L’analyse génomique publiée dans Nature devrait permettre de clore les théories les plus loufoques sur le sujet, n’en déplaisent aux Américains et au Pr Montagnier (Andersen KG et al. Nat Med 2020). Il s’agit d’une mutation du SARS-CoV-2 de la chauve-souris qui lors de son passage dans un hôte intermédiaire (pangolin ?) a acquis, entre autres, la capacité à se fixer au récepteur ACE2 humain. Le deuxième élément, crucial, a été l’acquisition d’une capacité à se transmettre directement d’homme à homme. Quelles particularités pour le SARS-CoV-2 ? Le R0 est plus haut que la grippe, proche de 3. Pour rappel le R0 est le nombre de personnes qui seront infectées par un sujet source, qu’il soit malade symptomatique ou non et c’est un élément important. En effet le SARS-CoV-2, contrairement aux précédentes infections par le SARS-CoV-1 et le MERSCoV, laissent des porteurs asymptomatiques ou pauci-symptomatiques, mais qui restent porteurs d’une excrétion virale. Cela participe grandement à la diffusion de la maladie et a empêché de faire une isolation rapide et efficace des sujets infectés pour contenir efficacement l’infection initialement. Par ailleurs le taux d’attaque (risque d’être infecté lorsque l’on mange en face de quelqu’un de malade ou que l’on assiste à la même réunion) est d’un tiers. Cela signifie que si vous mettez en salle de réunion neuf personnes avec un malade, trois personnes ressortiront également malades. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé, en pistant les premiers cas, ils avaient participé à des meetings professionnels. Le comeback des gouttelettes de Flügge : dès 1890, Flügge démontra que même en parlant de minuscules gouttelettes se mettaient en suspension et pouvaient contenir des microorganismes. C’est la portée des gouttelettes et leur temps en suspension dans l’air qui, à l’aide de caméras modernes et de modélisations mathématiques, rend perplexe. Plusieurs mètres de distance et plusieurs minutes (voire heures en absence d’aération) en suspension. Ceci explique pourquoi les premiers cas avaient contracté le COVID-19 après des meetings en salle de réunion. Une publication récente faisant part de l’excrétion d’une traînée de particules infectantes jusqu’à 5 mètres derrière un jogger. N’enlevez pas votre masque aux toilettes ! Dans les modes de contaminations, on rappelle également qu’il y a une aérosolisation des bactéries et des virus après avoir tiré la chasse d’eau, qui explique que dans les clusters de contamination, l’utilisation des toilettes publiques soit le seul lieu de contamination retrouvé pour certains patients. Combien de temps et à partir de quand une personne est-elle contaminante ? Le JAMA rappelle les modes d’infections et les mesures de protection grand public (Desai AN et al. JAMA 2020 Apr 9). La charge virale excrétée est infectante plus de deux jours avant l’infection et maximale dans les 12 heures avant l’apparition des premiers signes cliniques (He et al. Nat Med 2020). La fin de l’infectiosité est sujette à débat. Probablement moins longtemps sur le plan de l’excrétion respiratoire, sous forme de gouttelettes, que sous la forme digestive (Yi XU, Nature Med 2020 Mar 13). Alors que l’on voit la majorité des patients baisser l’excrétion virale naso-pharyngée en une quinzaine de jours voire avant, l’excrétion virale digestive peut continuer jusqu’à un mois, posant la question d’une persistance de la contamination manuportée. Ceci pose plusieurs problèmes pour les personnes infectées visà- vis de leur entourage et de la dissémination de l’infection même après guérison clinique (pour ceux qui étaient symptomatiques) et pour le personnel soignant qui revient au contact des patients. Cela impose donc un strict respect de mesures barrières et probablement pour des durées supérieures à celles préconisées aujourd’hui. Le personnel soignant fait partie des personnes infectées. L’origine de l’infection n’est pas forcément l’hôpital puisque l’interrogatoire retrouve 8 fois sur 10 une contamination familiale. On a noté en Italie comme en Chine et en France un pourcentage de la population soignante infectée importante. Cela pose un problème éthique pour les travailleurs de la santé présentant des facteurs de risque d’évolution vers une forme grave de COVID : doit-on les écarter ? (Tsai et al. JAMA 2020) Contamination nosocomiale : c’est aujourd’hui une problématique qui va crescendo avec des cas identifiés tous les jours dans les unités non COVID. COVID-19 et nouveau-né : les études de JAMA Pediatric du 26 mars 2020 et du JAMA du 26 mars 2020 montrent qu’il y a une potentielle contamination du nouveau-né par la mère, sans conséquence pour le nouveau-né. On se protège comment ? Idéalement par un masque chirurgical pour chacun. Les masques en tissu sont un pisaller moins efficace que les masques chirurgicaux (en tout cas pour la grippe, BMJ Open 2015 Mar 26). Après quand on n’a rien d’autre… Les masques chirurgicaux sont efficaces (Leung N et al. Nature Med 2020). Porter un masque pour une protection efficace n’est pas si simple. La plupart du temps il y a des erreurs de manipulation contaminantes ou un non-respect du nombre d’heures de protection (4 heures) (Feng et al. Lancet Respir J 2020). On rappelle qu’il reste du virus (certes 0,1 %) à J7 sur les masques chirurgicaux. Un masque… c’est jetable, il faut donc en avoir en quantité suffisante (Chin AWH et al. The Lancet Microbe 2020). Physiopathologie • Localisation et mode d’entrée : lors de la cartographie des sites retrouvant le virus, c’est l’atteinte pulmonaire qui prédomine (alvéoles dans 93 % des cas et dans les expectorations, 72 %). Les sécrétions nasopharyngées (63 %), le pharynx (32 %), les selles (29 %), le sang (1 %) avec une virémie courte et chez les patients les plus graves ; pas d’excrétion urinaire. Finalement les signes cliniques correspondent aux zones où il y a des récepteurs au virus de type ACE2 c’est-àdire respiratoire, rénal, digestif, cardiaque, cérébral et vasculaire. Partout où il y a du récepteur ACE2 il y a du virus et potentiellement une atteinte clinique. Si la localisation pulmonaire est la plus parlante en termes de retentissement, elle n’est pas la seule expression de la maladie (Wang L et al. 2020 ; Zhang Y et al. 2020). Le virus semble augmenter le nombre de récepteurs ACE2 après l’infection. Plus le nombre de récepteurs est augmenté plus forte sera la réponse immunitaire (Li G et al. J Autoimmun 2020). Pas de relation entre la gravité et l’utilisation des IEC, il y a même des études en cours pour voir s’il y aurait un effet protecteur (Meng J et al. Emerging microbes & infections 2020). • Par ailleurs il a été noté proportionnellement moins de caucasiens dans les études et en pratique, qui peut faire penser à des susceptibilités génétiques sousjacentes. (Goyal P et al. N Engl J Med 2020). • Le groupe sanguin : comme souvent dans les infections, le groupe sanguin 0 est protecteur car le sujet peut faire des anticorps contre un plus large panel d’épitopes (les groupes A et B diminuant la production des anticorps, pour ne pas être autoréactif contre eux-mêmes). • COVID, activation de la coagulation et thrombose : il est rapporté dans la littérature des cas cliniques de thrombose pendant le COVID, en particulier en soins intensifs. (Xie Y et al. Radiology Cardiothoracic Imaging 2020 ; Danzi GB et al. Eur Heart J 2020). Il est noté à plusieurs reprises la présence d’une coagulabilité inhabituelle chez les patients COVID-19, confirmée par une prévalence de 11 % d’embolie pulmonaire chez les patients COVID-19 hospitalisés. Une étude pragmatique montre que l’administration d’une anticoagulation (préventive le plus souvent) chez les patients présentant plus de 3 000 ng /ml de D-dimères permettait de baisser la mortalité (33 % versus 52 %) (Shiyu Y et al. J Thromb Thrombolysis 2020). • Qu’est-ce qui tue dans le COVID ? Il existe une phase initiale de réplication virale puis une phase inflammatoire secondaire, qui pourrait être due à un défaut de production d'interféron de type échec de la clairance virale. C’est dans ce cadre qu’ont été mis en place des essais rétrospectifs et prospectifs sur différentes molécules anti inflammatoires, dont les anti-IL6, avec des résultats qui semblent bénéfiques dans une fenêtre thérapeutique étroite. Il s’agit des patients oxygéno-requérants dont les besoins s’accélèrent en 24-48 heures. Les corticoïdes semblent avoir une place également, mais encore une fois tout est une question de timing et de dose. Présentation clinique  Alors que les formes graves submergent mes hôpitaux, c’est essentiellement les formes légères qui caractérisent la maladie. Pour mémoire, nous avons des données sur le por tage asymptomatique et la diffusion de la maladie grâce aux contaminations dans le paquebot Diamond Princess au Japon, qui était une sorte de « laboratoire fermé » puisque les patients y ont été maintenus en quarantaine. On sait qu’un tiers des patients infectés seront asymptomatiques. Dans une lettre du 22 mars 2020 au BMJ les auteurs ont essayé de reproduire à plus large échelle ce qui avait été observé sur le paquebot Diamond Princess dans une petite ville d’Italie de 5 000 habitants. Tous les patients ont été testés et les patients positifs ont été confinés rigoureusement, permettant une diminution drastique du nombre de cas et permettant de casser l’épidémie démontrant l’efficacité d’un confinement rigoureux. Cette fois-ci il n’y avait pas un tiers mais trois quarts de patients asymptomatiques. Les tests sérologiques à plus large échelle pourraient montrer qu’une proportion probablement plus considérable de la population française a été infectée par le COVID, avec des formes pauci-, voire asymptomatiques ? Les estimations disponibles en France relèvent seulement un taux de 2,6 % de patients hospitalisés. Parmi ces patients 18 % iront en réanimation et 20 % décéderont (dont des sujets âgés n’ayant pas été en réanimation) (https://hal-pasteur.archives-ouvertes.fr/pasteur-02548181). Parmi les éléments inhabituels dans une infection virale, l’anosmie sera la signature de ce virus, avec une fréquence de 30 à 60 %, souvent isolée. Dans les formes digestives la symptomatologie peut être initiale dans 16 % des COVID-19 sur une série de 1141 patients PCR+. Si vous avez un doute diagnostique sur l’abdomen, faites un scanner thoracique qui sera positif dans 96 % des cas (Clinical Gastro Hepat 18 mars 2020) L’atteinte neurologique est presque passée inaperçue devant la gravité de l’atteinte respiratoire. Pour tant elle très fréquente, allant du simple vertige au Guillain-Barré en passant par la méningite. La confusion est très fréquente, surtout chez le sujet âgé (Helms J et al. N Engl J Med 2020). Un score de probabilité d’infection a été proposé (Song CY et al. COVID-19 early warning score: a multi-parameter screening tool to identify highly suspected patients. 10.1101/2020.03.05. 20031906). Il fonctionne bien et peut permettre de diagnostiquer des patients en absence de PCR ou pour la recherche (tableau). À ce jour le document qui fait référence pour décider de l’hospitalisation et/ou du mode de suivi est celui du HCSP : le critère d’hospitalisation principal reste une saturation < 95 % dans les derniers documents disponibles (dernière mise à jour du HCSP du 8 avril publiée le 15/04 : https://www.hcsp.fr/Explore.cgi/Telecharger?NomFichier=hcspa20200408_cosacoprenchdoouenstdeso.pdf). Facteurs pronostiques Facteurs péjoratifs Clinique L’âge de plus 70 ans, la présence d’une comorbidité (HTA et diabète), une lymphopénie, une élévation de la troponine, de l’urée, de la PCT, de l’acide lactique sont des facteurs de risque de mauvais pronostic. À noter, un risque probablement accru de formes graves chez les patients prenant des AINS (mécanisme par augmentation des récepteurs ACE2, récepteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2). On rajoutera dans les facteurs de risque de mauvais pronostic le cancer et le sexe masculin. Biologique Il y a une élévation de la troponine chez 10 à 20 % des patients hospitalisés, c’est un critère de mauvais pronostic. On retrouve des cardiomyopathies et des épanchements péricardiques. Il est noté des arrêts cardiaques lors de l’infection par COVID chez des patients sans antécédent cardiovasculaire (Fried J et al. Circulation 2020). L’impact d’une élévation de la troponine est majeur sur la survie avec 51 % de mortalité dans le groupe troponine élevée versus 4 % dans le groupe troponine normale (J Shi S et al. JAMA Cardiol 2020 ; Guo T. JAMA Cardiol 2020). Le ratio neutrophile/lymphocyte (RNL) est un facteur pronostic défavorable (Liu et al. J Infection 2020) ce qui n’est guère étonnant, la lymphopénie et la polynucléose étant elles-mêmes de pronostic défavorable. Pour finir le score CALL (Ji D et al. Clin Inf Dis 2020) permet de prédire l’évolution défavorable chez les patients hospitalisés. Il repose sur 4 variables (Comorbidités, Age élevé, Lymphocytes abaissés et LDH augmentées). Reste à savoir si ce score permettra de stratifier les patients à traiter systématiquement, par exemple par immunomodulateur ? Facteurs protecteurs Les enfants et le COVID-19 : seuls 16 % sont asymptomatiques et les deux tiers présentent de la fièvre et de la toux. Il y a comme chez l’adulte des formes digestives (environ 10 %). Les rares enfants hospitalisés en réanimation avaient des comorbidités. L’asthme semble un facteur protecteur de forme grave de COVID car la prévalence de sujets asthmatiques hospitalisés pour COVID grave est sous représentée par rapport à la population générale et par rapport à ce que l’on voit habituellement dans les infections virales (VRS, grippe, etc.). Pour la BPCO, elle y est sous-représentée également, mais en cas de COVID et de BPCO la mortalité est augmentée (Halpin DMG. Lancet Respir Med 2020). C'est la même chose pour le tabagisme. Moins de fumeurs dans les COVID hospitalisés, mais si hospitalisé et fumeur : plus mauvais pronostic. Par ailleurs un article du NEJM montre que les patientes infectées enceintes ne développent jamais de formes graves. Les tests de dépistage et de confirmation La PCR nasopharyngée C’est un test opérateur dépendant et qui dépend, en termes de sensibilité, du moment où il est réalisé (Lirong X et al. N Engl J Med 2020). Elle plus performante initialement au niveau nasopharyngé la première semaine et moins performante du fait d’une décroissance de l’excrétion virale au niveau nasopharyngé puisqu’il y a plutôt une concentration virale au niveau respiratoire la deuxième semaine. Certaines études rapportent une sensibilité du scanner supérieure à la sensibilité de la PCR. Dans l’article de Ai T et al. Radiology 2020, on retrouve jusqu’à un tiers de patients présentant une imagerie typique de COVID avec une symptomatologie compatible et une PCR négative, ceci témoignant d’une mauvaise sensibilité. En revanche la spécificité est bonne puisqu’une PCR positive confirme le diagnostic. Ceci a donc conduit à modifier les recommandations et à pouvoir poser le diagnostic de COVID en cas de scanner typique et d’une symptomatologie compatible. En cas de PCR négative, il est conseillé de refaire la PCR une deuxième fois. Il faut noter que la PCR peut être négative au niveau ORL et positive sur le LBA qui est plus sensible. Elle peut également être positive au niveau des selles. Le deuxième test diagnostique est le scanner Le scanner s’est rapidement montré comme un examen sensible et spécifique pour le diagnostic du COVID. Les images peuvent manquer les 48 à 72 premières heures et l ’atteinte pulmonaire va croissante en suite et culmine à 14 jours (Pan F et al. Radiology 2020). Il a par ailleurs un impact pronostique de par l’étendue des lésions. On retrouve comme élément du verre dépoli, des condensations essentiellement sous pleurales, multifocales et patchy. Il peut également s’observer des réticulations ou du crazy paving. Des bandes d’atélectasie peuvent également se voir avec des bandes curvilignes sous pleurales. Enfin nous avons constaté des pneumonies organisées plus tardives. Des adénopathies peuvent s’observer chez 4 à 8 % des patients mais l’épaississement pleural peut se voir jusqu’à un tiers des cas (Shi H et al. Lancet Infect Dis 2020). L’épanchement péricardique est visible également avec une fréquence de 5 %, qui semble associée aux formes plus sévères. Compte tenu de l’importance diagnostique et pronostique la société de radiologie a émise des recommandations, pour classer en termes de probabilité d’infection COVID  et son extension (https://pubs.rsna.org/doi/full/10.1148/ryct.2020200152). Le troisième test diagnostique est la sérologie La sensibilité et la spécificité restent à déterminer. Les anticorps semblent apparaître 5 jours après le début de symptômes (détection des IgM au 5e jour et des IgG au 14e jour). L’intérêt majeur est de confirmer des diagnostics chez les pat ients asymptomatiques, pauci-symptomatiques ou chez les patients ayant eu un tableau clinique compatible avec PCR négative. À la date du 20 avril, le Conseil National Professionnel de Biologie Médicale met en garde par une circulaire sur l’absence de sérologie approuvée à ce jour par le centre national de référence. Des tests sont en cours dans certains laboratoires pour évaluer la sensibilité et la spécificité des différentes sérologies. Compte tenu de leur utilisation future à large échelle et des conséquences sur la gestion des populations, il faut des tests parfaitement validés. Immunisé ou pas après infection : telle est la question ? Une lettre de Nature du 26 mars 2020 montre que les patients infectés ne se réinfectent pas. Ceci semble aller à l’encontre d’autres publications, qui témoignaient d’un risque de réinfection. En réalité il s’agissait plutôt de repositivation de la PCR. En effet il semble que certains organes (foie, reins) puissent être des réservoirs du virus, qui serait relargué tardivement, après les 15 jours, entraînant des réminiscences de la maladie, rapidement contrôlé par les anticorps du système immunitaire. La durée de protection des anticorps produits est inconnue. De quelques mois par analogie aux coronavirus endémiques « du rhume », à plusieurs années pour le SARS-CoV-1. La détection d’anticorps contre l’épitope le plus fréquent permettrait d’avoir une sérologie fiable et de suivre le maintien des anticorps au cours du temps (Petherick A et al. Lancet 2020). Quand le système immunitaire joue contre nous : l’infection par le virus de la dengue nous a appris le risque paradoxal d’une pré-immunisation. En effet certains anticorps produits lors d’une première rencontre avec un sous-type viral peut, à la deuxième rencontre, faciliter l’entrée du virus dans la cellule au lieu de la bloquer. Ce sont les anticorps facilitants. Comme nous avons déjà rencontré d’autres coronavirus, nous pourrions avoir produits des anticorps croisant avec le SARS-CoV-2 et facilitants. Cette hypothèse a été évoquée pour expliquer le tableau fulminant de certaines COVID. Elle n’a pas été démontrée à ce jour. Covid-19 et traitements Le nombre d’essais en cours est impressionnant, tant pour les traitements antiviraux que pour les traitements anti-inflammatoires avec à la date du 20 avril, 425 essais en cours sur les traitements. Cela va d’essais avec l’hydroxychloroquine à l’utilisation de transfert adoptif de cellule T. Ici, par exemple, le site de l’APHP pour les recherches en cours : http://recherche-innovation.aphp.fr/covid-19/ On peut diviser les essais de plusieurs façons : phase précoce « virale » et phase tardive « immune ». Traitements antiviraux Dans la phase précoce l’administration de plasma issu de patients ayant guéris du COVID- 19 a démontré son efficacité (JAMA 27 mars 2020). C’est la démonstration de l’efficacité des anticorps dans le contrôle de la maladie virale. Le Kaletra® (lopinavir 200 mg + ritonavir 50 mg) semble inefficace dans une publication du NEJM. Il se discute un manque de puissance de l’essai avec un nombre de patients pas assez important pour définitivement clore le débat. Il est actuellement testé dans l’essai Discovery. Et l’hydroxychloroquine ? Plusieurs études de virologies par l’équipe du Pr Raoult avec une association hydroxychloroquineazithromycine montrant sur de petites populations de patients une diminution et une négativation rapide des PCR (Gautret P et al. Travel Med Infect Dis 2020). Beaucoup de reproches à ces études avec, en particulier, l’absence de groupe contrôle. Surtout, l’étude de la charge virale ne nous informant en rien sur l’évolution clinique des patients, avec trop de perdus de vue. D’autres équipes ont publié des résultats conflictuels sur le sujet. Faut-il prescrire l’hydroxychloroquine ? Pour l’instant pas d’indication en ville. C’est pourtant probablement, s’il y avait une efficacité de l’hydroxychloroquine, la population idéalement ciblée. En effet l’idée est de baisser la charge virale et le temps d’excrétion virale pour diminuer la contagiosité des gens et essayer de freiner la dispersion du virus et le R0 de la maladie. Aujourd’hui, elle est réservée à l’usage hospitalier alors que les études ne montrent pas d’efficacité dans cette population (patients hospitalisés, oxygéno-requérants, dans l’idée d’une diminution du risque d’évolution défavorable avec passage en réanimation ou décès). Ce qu’on attend : des essais en bonne et due forme, en double aveugle contre placebo en ville, dans une population avec une prise en charge précoce. Les problèmes : premièrement, la cardiotoxicité, surtout en association avec l’azithromycine, dans une maladie qui a déjà sa propre cardiotoxicité avec des risques de morts subites. Deuxièmement, la population de patients a l’impression que l’efficacité de l’hydroxychloroquine est démontrée et accepte difficilement la proposition d’étude contre placebo (qualifiée de non éthique par le Pr Raoult, malgré l’absence de démonstration de l’efficacité certaine). Pour finir sur les antiviraux les plus en vue, le remdesivir : des essais en cours et une sér ie publ iée dans le NEJM : on déplore là encore l’absence de groupe contrôle (Grein J et al. N Engl J Med 2020). L’étude Discovery menée par l’INSERM et l’AP-HP aidera à identifier les traitements les plus efficaces et éliminer les traitements inefficaces. Les bras comprennent l’hydroxychloroquine, le remdesivir, le Kaletra® avec ou sans interféron associé. Traitements immunomodulateurs de la phase tardive Des études sur la corticothérapie vont débuter. Les essais sur les anticytokiniques : anti-IL6 (tocilizumab et sarilumab), anti-IL1 sont en cours et prochainement anti-TNF (basé sur la constatation de moins de formes graves chez les patients traités par anti- TNF). Des essais sur la colchicine sont prévus également. Enfin une immunomodulation par le BCG En cours d’essai également. En effet il a été noté une incidence 10 fois moindre dans les populations vaccinées, effet retrouvé également sur la mortalité. Ceux qui veulent passer en revue les différents essais peuvent se rendre sur le site suivant : https://clinicaltrials.gov/ct2/results?cond=COVID&term=&cntry=&state=&city=&dist= Les traitements anticoagulants C’est sûrement un traitement à part entière de la maladie COVID. Mais les modalités thérapeutiques ne sont pas tranchées, ni pour le traitement prophylactique, ni pour le curatif. Nous avons montré que la fréquence de l’embolie pulmonaire était élevée (11 %) chez les patients hospitalisés pour COVID-19 et , comme nous l’avons vu dans la physiopathologie, certains patients ont des critères de coagulation intravasculaire disséminée. Devant cette propension à la thrombose, certaines équipes ont repris à leur compte un traitement prophylactique empirique à dose efficace, comme pour le H1N1 dont la fréquence de thrombose était également élevée (Obi AT. J Vasc Surg Venous Lymphat Disord 2019). Il y a des arguments dans la littérature et dans la pratique quotidienne pour penser qu’une anticoagulat ion prévent ive s tandard (enoxaparine 0,4 ml/j) pourrait être insuffisante, en particulier chez les patients avec des hauts niveaux de D-Dimères, un IMC élevé ou une hospitalisation en réanimation (Klok FA et al. Thrombosis Research 2020 ; Tang N et al. J Thromb Haemost 2020 ; Thachil J et al. J Thromb Haemost 2020). Un algorithme a été proposé par Groupe Français d’études sur l’hémostase et la thrombose qui comprend une proposition de traitement anticoagulant préventif à dose efficace chez les patients à haut risque. La stratification du risque repose sur les risques inhérents au patient (IMC, facteurs de risque de thrombose) et à la gravité de la COVID (oxygénothérapie haut débit ou intubation et perturbation de l’hémostase avec élévation des D-Dimères et/ou du fibrinogène) (http://site.geht.org/app/uploads/2020/04/COVID-19-GIHP-GFHT-3-avril-final.pdf) Concernant le traitement curatif, il repose sur les HBPM à l’hôpital. Il n’y a pas de recommandations pour le choix du type d’anticoagulant lors de la poursuite du traitement en ambulatoire (HBPM, anticoagulants oraux d’action directe ou même AVK). Faut-il mettre des antibiotiques ? Actuellement c’est le plus souvent le cas, sachant que le COVID peut s’accompagner, comme les autres infections virales de co-infections (bactériennes le plus souvent, mais parfois aspergillaires également) (Kim D et al. JAMA 2020). Que va-t-on devenir ? Plusieurs scenarii sont possibles. Certains proposent des suites de confinements-déconfinements adaptés sur la saturat ion du sys tème de soins (Kissler et al. Science 2020) (Leung et al. The Lancet 2020). La fin sera sonnée par l’acquisition d’une immunité de groupe, lorsque 60 à 70 % de la population aura développé une immunité. Le problème c’est que ce modèle s’étale jusqu’en 2022 et que les premiers infectés risquent d’avoir perdu leur immunité ! L’estimation du nombre de personnes infectées en Ile-de-France ayant conduit à la vague de saturation des hôpitaux ne serait que de 12 %, ne laissant rien présager de bon pour le déconfinement (https://hal-pasteur.archives-ouvertes.fr/pasteur-02548181). À l’inverse le confinement est efficace et a fait chuter le R0 de 84 % selon ce même article. Nous ne savons pas encore l’effet de l’été sur le virus. S’il y a effectivement un effet de la chaleur et des UV (supporté par les différences de disséminations dans les pays chauds), il y aurait une trêve estivale avec un retour du virus à l’automne. Enfin les études thérapeutiques en cours vont modifier le profil évolutif de la maladie. Nous voyons déjà au quotidien l’amélioration de la prise en charge avec l ’acquisition de l ’expérience et la diminution du passage en réanimation (anti-IL6, corticothérapie adaptée) qui va encore s’affiner avec le résultat des essais. Le traitement qui permettrait le déconfinement le plus rapide serait une vaccination. Elle semble possible (puisque les anticorps sont bloquants sur le virus avec l ’administration d’une plasmathérapie efficace) et qu’il existe des épitopes viraux immunisants (Yuan M et al. Science 2020). La question est : dans quel délai ? Même s’il y a eu une accélération sans précédents des procédures administratives pour réaliser des essais , on imagine mal un vaccin opérationnel avant 12 à 18 mois minimum. Enfin les séquelles psychologiques chez les confinés, les patients ayant fait un COVID sévère et les soignants seront à l’ordre du jour pour de nombreuses années encore (Hong- Xing W et al. Psychotherapy and psychosomatics 2020 ; Brooks SK et al. Lancet 2020). Publié dans OPA Pratique

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