Publié le 15 jan 2021Lecture 4 min
Définition et physiopathologie du syndrome cardio-rénal - Quelle définition utiliser ?
Antoine FAYOL*/**, Marine LIVROZET*, *Centre d’investigation clinique, **Unité médico-chirurgicale d’insuffisance cardiaque sévère - Hôpital européen Georges Pompidou, AP-HP, Paris
Le syndrome cardio-rénal (SCR) est une entité difficile à appréhender. Si les interactions physiologiques entre le coeur et le rein sont reconnues depuis longtemps, l’entité du syndrome cardio-rénal n’apparaît qu’au début des années 2000, avec une classification internationale proposée en 2008. L’objectif de ce premier article est de faire un rappel sur les définitions des différentes sociétés internationales et sur la physiopathologie de ce syndrome.
Définition
Le SCR est défini comme une dysfonction aiguë ou chronique du coeur ou des reins induisant une dysfonction aiguë ou chronique de l’autre organe. En 2008, Ronco et coll. définissent ainsi 5 types de SCR(1). La nécessité de cette définition est venue de l’observation d’une mortalité accrue chez les patients insuffisants cardiaques ayant un débit de filtration glomérulaire (DFG) altéré(2), et d’une proportion importante et croissante d’insuffisants rénaux chez les insuffisants cardiaques (> 30 %)(3). En parallèle, les insuffisants rénaux ont un risque accru d’événements cardiovasculaires (ischémiques et insuffisance cardiaque) ; on estime ainsi que la mortalité d’origine cardiovasculaire explique 50 % des décès chez les patients insuffisants rénaux(4).
L’insuffisance cardiaque et l’insuffisance rénale chronique font partie des maladies les plus fréquentes en Europe mais l’identification des patients ayant un SCR reste trop rare. La prise en charge de ces patients ainsi que les stratégies thérapeutiques qui leur sont proposées sont insuffisantes, comparées aux autres pathologies cardiovasculaires.
Classification internationale de 2008
La première classification internationale émise en 2008 permet de classer le SCR en 5 catégories en fonction de l’atteinte d’organe initiale, de l’atteinte d’organe secondaire et du délai d’initiation (tableau 1). L’objectif de cette classification était de faciliter le diagnostic et l’identification d’une population cible à laquelle proposer des thérapeutiques spécifiques. Douze ans après, la classification reste très peu utilisée en pratique courante (figure).
Figure. Syndrome cardio-rénal. A. Type I. B. Type II. C. Type III. D. Type IV.
En effet, pour un patient donné il est souvent difficile de différencier l’atteinte initiale de l’atteinte secondaire lors d’une hospitalisation ; et un patient initialement suivi pour une forme aiguë peut évoluer vers une forme chronique. Cette classification a toutefois l’intérêt de mieux catégoriser les patients, notamment dans le cadre d’essais cliniques, restant rares à ce jour.
Des classifications alternatives, orientées sur les mécanismes physiopathologiques indépendamment de l’atteinte d’organe initiale, ont également été proposées. Par exemple, une classification avec 7 catégories distinctes a été proposée(5) : hémodynamique, urémique, vasculaire, neuro-hormonale, liée à l’anémie (ou au métabolisme du fer), liée au métabolisme phospho-calcique, et enfin un mécanisme plus vague regroupant la dénutrition, l’inflammation globale ou la cachexie. Ces classifications n’ont pas été validées par la pratique.
Diagnostic
Si le diagnostic de l’insuffisance cardiaque ou rénale aiguë reste relativement aisé, l’imputabilité de l’atteinte d’organe initiale sur l’atteinte d’organe secondaire peut être compliquée face à un patient présentant un SCR. Le tableau 2 rappelle des définitions selon les dernières recommandations internationales émises par l’ESC ou par les KDIGO(6).
Le diagnostic du SCR nécessite donc une évaluation clinique et paraclinique plus ou moins complexe (biomarqueurs rénaux et cardiaques, échographie rénale et cardiaque transthoracique a minima) avec une réévaluation à plus de 3 mois. Cette notion de temporalité nécessaire pour poser le diagnostic définitif limite l’identification de ce syndrome et donc de sa prise en charge optimale.
Physiopathologie
Il existe 2 volets physiopathologiques expliquant le SCR : un volet hémodynamique et un non hémodynamique(8).
Parmi les facteurs hémodynamiques, le bas débit cardiaque ne semble avoir qu’un impact mineur sur la fonction rénale. En revanche, la PVC apparaît comme un élément essentiel dans les variations de DFG (EScAPE), puisqu’elle est inversement corrélée à celui-ci. Elle reste néanmoins difficilement estimable en pratique courante.
Les études actuelles se sont surtout intéressées à l’optimisation de la volémie en période aiguë. En termes de perte de poids et d’amélioration de la fonction rénale, ces études suggèrent une supériorité d’un traitement diurétique intensif ajusté à la diurèse quotidienne par rapport au traitement diurétique standard. Cette attitude a été validée chez des patients ayant une fonction rénale altérée avec des créatinines basales entre 130 et 170 μmol/l. Les études évaluant la place de l’ultrafiltration par rapport à un traitement diurétique ne sont pas en faveur de l’ultrafiltration(9), puisqu’elle est associée à une évolution défavorable de la fonction rénale et à davantage d’événements indésirables.
Cependant, les outils d’évaluation de la volémie et du poids sec idéal à atteindre pour chaque patient, ainsi que la stratégie de décongestion appropriée dans l’insuffisance cardiaque décompensée et chronique ou l’insuffisance rénale restent des problématiques non résolues(8).
Concernant le volet non hémodynamique, différents mécanismes sont impliqués et alimentent les dernières publications sur le sujet : diabète, hypertension artérielle, athérosclérose, dysfonction endothéliale, anémie, troubles ioniques, anomalies du métabolisme phosphocalcique, toxines urémiques, troubles du métabolisme du fer et inflammation chronique peuvent aboutir à un SCR(8).
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