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Valvulopathies

Publié le 01 sep 2021Lecture 5 min

Thromboses veineuses associées au cancer - Nouvelles perspectives thérapeutiques en 2021

Raphaël HINDRÉ1,2, Amer HAMDAN1,2, Benjamin PLANQUETTE1,2,3,4

La maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV) est fréquente au cours du cancer et représente la deuxième cause de mortalité après la progression néoplasique. Elle s’exprime, le plus souvent, sous la forme d’une embolie pulmonaire (EP), de thrombose veineuse profonde (TVP) des membres inférieurs, ou de thrombose des membres supérieurs et/ou cave liée à l’utilisation des cathéters veineux centraux. Un cancer est présent chez près de 20 % des sujets présentant une MTEV et les sujets ayant un cancer actif ont un risque de survenue d’un événement thrombo-embolique veineux 4 à 7 fois plus important que la population générale(1). Ce risque diffère selon de nombreuses caractéristiques liées au patient (âge élevé, sexe féminin, antécédents de MTEV, immobilité, obésité), au cancer (organe primitif, stade, histologie, durée d’évolution) et au traitement (chimiothérapie, hormonothérapie, antiangiogénique, chirurgie, cathéter veineux central)(1).
La prise en charge de ces patients repose essentiellement sur le traitement anticoagulant qui empêche la progression du thrombus et diminue le risque de récidive. Cette synthèse résume le mécanisme d’action et la place des différents anticoagulants dans la prise en charge de la MTEV au cours du cancer. Les recommandations thérapeutiques sont issues des recommandations françaises de traitement de la MTEV au cours du cancer actualisées en 2021(2) ainsi que des recommandations internationales ITAC (International Initiative on Thrombosis and Cancer) publiées en 2019(3).

• Mécanisme d’action des différents anticoagulants Il existe trois différentes classes de traitement anticoagulant : • Les héparines, traitement injectable d’action immédiate, fixent l’antithrombine et potentialisent son activité anticoagulante. Elles ont un effet anti-IIa et anti-Xa dépendant de la longueur de l’héparine administrée. Elles incluent l’héparine non fractionnée (HNF) ayant une activité anti-IIa et anti-Xa, l’héparine de bas poids moléculaire (HBPM) ayant principalement une activité anti-Xa et le fondaparinux, qui est la séquence de cinq sucres par laquelle l’héparine se lie sur l’antithrombine, ayant une activité anti-Xa exclusive. • Les antagonistes de la vitamine K ou anti-vitamine K (AVK) inhibent l’action de la vitamine K indispensable à la synthèse des facteurs X, IX, VII, II de la coagulation. Ils sont efficaces après 3 à 7 jours de traitement et nécessitent un dosage régulier de leur activité par mesure de l’INR (International Normalized Ratio). • Les anticoagulants oraux directs (AOD), dont 3 ont l’AMM dans le traitement de la MTEV en France : le rivaroxaban et l’apixaban, inhibiteurs directs et sélectifs du facteur du Xa ; le dabigatran ayant une activité anti-IIa. Ce dernier n’est pas remboursé par la Sécurité sociale dans l’indication de la MTEV. La cascade de la coagulation ainsi que les mécanismes d’action des traitements anticoagulants sont représentés dans la figure 1. • Prise en charge thérapeutique Le choix du traitement anticoagulant initial Plusieurs essais ont comparé l’association d’HBPM relayée par un AVK à un traitement prolongé par HBPM. En 2003, l’étude CLOT retrouvait une diminution significative de 50 % des récidives thrombo-emboliques après 6 mois de traitement par daltéparine comparé aux AVK (9 % vs 17 % ; HR 0,48 [0,30- 0,77]) et un risque d’hémorragie majeure comparable(4). Des résultats concordants ont été observés douze ans plus tard dans l’étude CATCH comparant la tinzaparine aux AVK avec une réduction non significative des récidives thrombo-emboliques sous HBPM (7,2 % vs 10,5 % ; HR 0,65 [0,41-1,03]) et un risque d’hémorragie majeure faible autour de 2,5 % à 6 mois dans les deux groupes(5). Ces études ont permis d’asseoir la recommandation d’utilisation des HBPM sans relais par AVK pour une durée minimale de 6 mois chez les patients atteints d’un cancer et présentant une MTEV(2). Les HBPM en une seule injection/jour doivent être préférées à celles en deux injections/jour lorsqu’il n’existe pas de sur-risque hémorragique. Il n’existe pas de données sur le fondaparinux dans cette indication. L’HNF qui nécessite une surveillance biologique de son activité anticoagulante, n’est pas indiquée au long cours, y compris chez des patients avec une insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 20 ml/min) qui contre-indique une HBPM. Dans ce cas, la prescription d’un AVK demeure la seule possibilité thérapeutique(2). Depuis 2018, quatre essais prospectifs randomisés en ouvert ont comparé un AOD à la daltéparine chez les patients avec un cancer(6-9). Il ressort de ces études de noninfériorité, que les AOD semblent au moins aussi efficaces que la daltéparine. Il existait même une tendance à la réduction du risque de récidive sous AOD. En dehors de l’étude HOKUSAI-VTE(9) cancer, évaluant l’édoxaban, le taux de saignement majeur n’était pas statistiquement plus important sous AOD. Cependant les hémorragies digestives ou uro-génitales non graves, mais cliniquement pertinentes, étaient plus nombreuses chez les patients sous AOD, notamment dans HOKUSAI-VTE cancer et SELECT-D(8,9), évaluant le rivaroxaban. Dans l’essai CARAVAGGIO(6), il n’a pas été mis en évidence de différence de risque hémorragique dans le bras apixaban comparativement au bras daltéparine. Plusieurs métaanalyses de ces essais ont été publiées. Elles retrouvent une tendance non significative à une réduction du risque de récidive thromboembolique sous AOD au prix d’une augmentation non significative du risque d’hémorragie majeure sous AOD(10,11). L’ensemble de ces données a conduit les sociétés savantes à proposer dès les 6 premiers mois de traitement l’utilisation des HBPM ou de l’apixaban en première intention(2). Il est suggéré d’utiliser un traitement par rivaroxaban ou édoxaban après 5 jours d’HBPM (non disponible en France) en dehors d’un cancer uro-génital ou digestif. Enfin, il faut garder à l’esprit que les malades inclus dans ces essais étaient sélectionnés et peu d’entre eux avaient une insuffisance rénale même modérée (clairance de la créatinine < 50 ml/min) ou une thrombopénie importante (< 100 g/l). À noter également, les patients ayant des métastases cérébrales ou tumeur primitive cérébrale étaient exclus de l’essai CARAVAGGIO(6). Il convient donc de rester très prudent chez ces patients à haut risque hémorragique. Durée du traitement anticoagulant Une durée minimale de 6 mois est recommandée pour le traitement d’une MTEV en contexte de cancer(2,3). La poursuite de l’anticoagulation après 6 mois doit être discutée en fonction de sa tolérance, selon le caractère actif ou non du cancer, son stade, les préférences du patient et nécessite une évaluation du rapport bénéfice/risque. Il est recommandé d’interrompre le traitement anticoagulant après 6 mois de traitement lorsque le cancer n’est plus actif (absence de traitement anticancéreux, y compris une hormonothérapie, et absence de maladie tumorale détectable, y compris biomarqueurs, depuis au moins 6 mois). L’anticoagulation doit en revanche être poursuivie lorsque le cancer est actif ou lorsqu’il y a eu une récidive de MTEV sous traitement anticoagulant dans les 6 premiers mois. L’indication du traitement anticoagulant sera à réévaluer tous les 6 mois(2). En conclusion, les possibilités thérapeutiques de la MTEV au cours du cancer se sont étoffées ces dernières années. Les HBPM demeurent le traitement de référence mais imposent des injections quotidiennes. Les données scientifiques récemment publiées permettent désormais de proposer les AOD en première ligne de traitement chez les patients présentant une TVP ou EP avec un cancer actif, à condition qu’il n’existe pas d’insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 30 ml/min), pas de thrombopénie < 50 g/l, pas de sur-risque de saignement du tractus digestif ou urinaire, ni d’interaction médicamenteuse majeure avec les traitements antinéoplasiques.

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