Publié le 15 sep 2021Lecture 4 min
Tout ce que je dois savoir sur l'amylose cardiaque
Émilie BARON, Hôpital européen Georges Pompidou, Paris
Paris Echo
L’amylose cardiaque se caractérise par le dépôt puis l’accumulation extra-cellulaire, au niveau cardiaque, de fibrilles amyloïdes par le biais de mécanismes variables selon le type d’amylose (mutation de protéine, transformation sous l’influence de divers facteurs…)(1).
• Physiopathologie de la cardiopathie amyloïde
L’amylose cardiaque se caractérise par le dépôt puis l’accumulation extra-cellulaire, au niveau cardiaque, de fibrilles amyloïdes par le biais de mécanismes variables selon le type d’amylose (mutation de protéine, transformation sous l’influence de divers facteurs…)(1). Ces fibrilles amyloïdes s’organisent en feuillets bêta plissés, ce qui leur confère une grande stabilité et rigidité.
La coloration par le rouge Congo et la biréfringence jaunevert en lumière polarisée sont caractéristiques de la substance amyloïde P permettant la stabilisation de la fibrille amyloïde. Elles ne sont toutefois pas spécifiques du type de protéine impliquée (et donc du type d’amylose). Il existe plusieurs types d’amylose cardiaque en fonction de la protéine « précurseur ». Les plus fréquentes sont :
– l’amylose AL : correspondant à la production de chaînes légères kappa ou lambda ;
– l’amylose à TTR : correspondant à la production de transthyrétine, qui peut être héréditaire (TTR mutée, de transmission autosomique dominante) ou sauvage (d’origine sénile). Les dépôts de fibrilles amyloïdes sont responsables d’une infiltration de l’interstitium myocardique engendrant une strangulation des cardiomyocytes responsable d’une rigidification et d’un épaississement du myocarde.
Il s’agit d’un processus progressif, dynamique, non immunogénique, associé à l’âge. Les conséquences sont variées en fonction du tissu infiltré (figure 1). Bien que la FEVG puisse être conservée jusqu’à un stade tardif de l’évolution, le volume d’éjection systolique diminue, entraînant une dépendance du débit à la fréquence cardiaque, expliquant la nécessité de maintenir des fréquences cardiaques élevées. La compréhension de la physiopathologie permet d’anticiper la progression et les complications de la maladie.
• Diagnostic de l’amylose cardiaque : une approche pas à pas
Le récent document publié par le groupe d’étude de l’ESC sur les maladies du myocarde et du péricarde s’articule autour de deux axes : quand suspecter une amylose et comment la confirmer.
Quand suspecter une amylose cardiaque ?
L’amylose cardiaque doit être suspectée devant la présence d’une hypertrophie ventriculaire gauche ≥ 12 mm associée à la présence d’au moins un « drapeau rouge » ou d’un scénario clinique. Les drapeaux rouges sont :
– cardiologiques : hypotension artérielle ou normalisation tensionnelle d’un patient ancien hypertendu, un aspect de pseudo-infarctus dans les précordiales, un microvoltage, une élévation du NT-proBNP disproportionnée par rapport au degré d’insuffisance cardiaque, une élévation persistante de la troponine, des signes échocardiographiques tels que l’altération du strain global longitudinal ventriculaire gauche avec préservation de l’apex, des anomalies à l’IRM telles que la présence d’un rehaussement tardif transmural ou sous-endocardique diffus) ;
– extra-cardiologiques : polyneuropathie, syndrome du canal carpien, dysautonomie, protéinurie, syndrome néphrotique, rupture du tendon bicipital.
Les scénarios cliniques évocateurs d’amylose sont l’existence :
– d’une symptomatologie cardiaque en présence d’une gammapathie monoclonale ;
– d’un syndrome néphrotique ;
– d’une neuropathie périphérique ou d’une maladie inflammatoire systémique ;
– de toute insuffisance cardiaque à FEVG préservée ;
– d’une CMH inexpliquée du sujet âgé ;
– d’un rétrécissement aortique serré, surtout s’il s’agit d’une forme à bas débit bas gradient paradoxal.
Une fois l’amylose cardiaque suspectée, il conviendra d’en confirmer le diagnostic par des techniques non invasives et invasives. L’algorithme proposé s’appuie sur la combinaison des résultats de la scintigraphie osseuse aux biphosphonates et du bilan hématologique (immunofixation des protéines sanguines et urinaires, chaînes légères libres) afin de classer la suspicion d’amylose en probabilité faible (scintigraphie et bilan hématologique normaux), en probable amylose TTR ou en probable amylose AL, cette dernière constituant une urgence thérapeutique du fait de son caractère rapidement progressif (figure 2).
• Cardiopathie amyloïde et sténose aortique : une liaison dangereuse ?
Environ 10 à 15 % des patients ayant un rétrécissement aortique (RAC) serré pris en charge pour un TAVI ont une amylose cardiaque concomitante, la forme la plus fréquente étant l’amylose TTR sauvage. Cette prévalence de l’amylose cardiaque atteint même 25 à 30 % dans les sténoses aortiques à bas débit bas gradient paradoxal(3).
Cela souligne l’importance de savoir rechercher et dépister une amylose cardiaque en cas de rétrécissement aortique serré dégénératif — en particulier en cas de bas débit bas gradient paradoxal — puisqu’en cas d’amylose TTR le patient pourra bénéficier d’un traitement spécifique par tafamidis. En dehors de l’hypertrophie ventriculaire gauche, habituelle en cas de sténose aortique serrée, il conviendra donc de rechercher des éléments en faveur d’une amylose parmi lesquels : un antécédent de canal carpien, de canal lombaire étroit, de surdité, de rupture tendineuse du biceps, un microvoltage à l’ECG malgré une hypertrophie ventriculaire gauche importante en échographie, un bloc de branche droit...
À noter qu’en cas d’amylose associée à une sténose aortique, le score calcique valvulaire aortique qui est d’une utilité démontrée dans les formes à bas débit bas gradient paradoxal peut être pourvoyeur de faux négatif(4). En effet, l’infiltration de la substance amyloïde contribuant également à la sténose n’est pas détectée par le scanner non injecté à la différence des dépôts calciques. Le remplacement valvulaire aortique améliore le pronostic des patients aussi bien en cas de sténose aortique isolée qu’en cas de sténose aortique associée à une amylose cardiaque(5).
D’après une session modérée par T. Damy et N. Piriou, et présentée par T. Damy, J.-C. Eicher et P. Pibarot
PARIS ÉCHO 2021
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