publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Études

Publié le 15 oct 2021Lecture 7 min

EMPEROR-Preserved - 1er traitement efficace dans l’insuffisance cardiaque à FEVG préservée ?

Raphaël COHEN*, Hôpital européen Georges Pompidou, INSERM U970, Paris

Aucune classe thérapeutique chez les patients avec une insuffisance cardiaque (IC) à fraction d’éjection préservée (HFpEF ou ICFEp) n’a à ce jour permis de réduire les événements CV majeurs y compris ceux recommandés dans l’IC à FE réduite (ICFEr : bêtabloquants, IEC-ARA2, antialdostérone, sacubitril-valsartan). Dernièrement, l’étude PARAGON-HF évaluant le bénéfice de l’association sacubitril-valsartan dans l’ICFEp n’a pas montré de supériorité par rapport au placebo sur les (ré)hospitalisations pour IC et/ou les décès cardiovasculaires(2). L’ICFEp restait donc à ce jour sans traitement spécifique hormis la prise en charge des facteurs de risque CV.

L'ICEp (anciennement dénommée IC diastolique) est fréquente puisqu’elle touche environ 50 % des IC, soit 13 millions de patients dans le monde avec une incidence croissante. Elle est la 1re cause d’hospitalisation chez les patients de plus de 65 ans(2,3). Contrairement à l’ICFEr qui se caractérise par une raréfaction et une élongation cardiomyocytaire aboutissant à une dilatation du ventricule gauche, activant le système sympathique et le SRAA, pérennisant un remodelage délétère et une baisse de la fonction systolique VG, l’ICFEp se caractérise par une inflammation locale et systémique renforcée par un dépôt graisseux épicardique, une atteinte coronaire microcirculatoire et une rigidité vasculaire systémique accrue, ceux-ci aboutissant à des pressions de remplissage élevées, une défaillance rénale entraînant une hypertrophie ventriculaire gauche (HVG), une rétention hydrosodée et une intolérance à l’effort. Les causes sont multiples (ischémique, rétrécissement aortique, HTA, diabète, insuffisance rénale chronique…), correspondant à des phénotypes différents, rendant difficile l’obtention d’une prise en charge univoque. Les inhibiteurs du sodium glucose co-transporteur 2 (iSGLT2) ou gliflozines, commercialisés depuis 2015 sont efficaces dans le diabète de type 2 (DT2). De plus, ils diminuent le risque de développer une insuffisance cardiaque chez ces patients DT2(3). Deux grandes études, DAPA-HF avec la dapagliflozine et EMPEROR-Reduced avec l’empagliflozine ont inclus des patients (avec ou sans DT2), mais tous avec une FEVG < 40 % ainsi qu’un traitement de l’IC comprenant bêtabloquants, IEC ou ARA 2, antialdostérone et parfois l’association sacubitril-valsartan. Les résultats rapportés sont très favorables avec diminution des (ré)hospitalisations pour IC et/ou décès CV (baisse de 25 à 30 %)(5,6). Cette efficacité serait due aux effets pléiotropes des iSGLT2 : effet natriurétique et antihypertenseur a minima, réduction de l’inflammation systémique et du stress oxydatif, augmentation de l’hémoglobine et de l’hématocrite via la sécrétion rénale d’EPO. Figure 1. • Hypothèse de recherche De par leurs mécanismes d’actions, les iSGLT2 pourraient donc être une thérapeutique d’intérêt potentiel dans l’ICFEPp et pourraient constituer la 1re classe médicamenteuse efficace dans cette pathologie. • Design de l’étude Étude industrielle multicentrique, internationale (> 600 hôpitaux dans 23 pays), réalisée en double aveugle, ayant randomisé par bloc (1/1) et stratifiée selon la fonction rénale (DFG < ou > 60 ml/min/1,73 m2) et selon la FEVG (< ou > 50 %), 5 998 patients entre mars 2017 et avril 2020. Critères d’inclusion : patients insuffisants cardiaques symptomatiques (NYHA II-IV) avec une FEVG > 40 %, diabétiques ou non, avec un NT-proBNP élevé (> 300 pg/ml sans FA ou > 900 pg/ml avec FA) et présentant des modifications structurelles échocardiographiques (HVG, dilatation de l’OG) ou ayant été hospitalisé pour IC au cours des 12 derniers mois. Une analyse en intention de traiter a été effectuée. • Critères de jugement Principal : critère combiné de mortalité CV et d’hospitalisation pour IC. Secondaire : hospitalisations pour IC, déclin de la fonction rénale. Exploratoire : mortalité CV, qualité de vie. Figure 2. • Résultats Population de l’étude Les sujets inclus étaient âgés en moyenne de 72 ans (45 % étaient des femmes) et présentaient une FEVG moyenne de 54 %. Les deux tiers avaient une FEVG > 50 % ; 50 % des patients étaient diabétiques et 50 % avaient un DFG < 60 ml/min/ 1,73 m2. Ils étaient particulièrement bien traités (> 80 % recevaient des bêtabloquants, un IEC/ARA2, et au moins 1/3 étaient sous antialdostérone). Il s’agissait néanmoins majoritairement de patients peu symptomatiques (82 % étaient en classe fonctionnelle NYHA II) ; 65 % des patients présentaient une ICFEp d’origine non ischémique, 50 % présentaient une FA et 90 % étaient hypertendus. Le suivi moyen était de 26 mois avec arrêt du traitement reçu dans 23 % des cas, un suivi incomplet dans 3 % des cas et seulement 0,6 % de patients perdus de vue. Les patients ont été randomisés pour recevoir de l’empagliflozine (10 mg/jour) ou un placebo en plus des autres traitements. Critère de jugement principal À 26 mois de suivi, le critère de jugement principal (mortalité CV ou hospitalisation pour IC) a concerné 415 des 2 997 patients (13,8 %) ayant reçu l’empagliflozine et 511 des 2 991 patients (17,1 %) du groupe placebo, soit une diminution relative du risque de 21 % d’événements sous empagliflozine (HR = 0,79 ; IC95% : 0,69-0,90 ; p = 0,0003). Le nombre de sujets à traiter pour éviter un décès CV ou une hospitalisation pour IC est de 31. Figure 3. Analyse des composants du critère principal L’effet bénéfique de l’empagliflozine sur le critère de jugement principal est essentiellement dû à la baisse des hospitalisations. Comparativement au groupe placebo, l’empagliflozine a permis de réduire les hospitalisations (première admission ou réhospitalisation) pour IC de 27 % (HR = 0.73, IC95% : 0,61- 0,88 ; p < 0,001). Le risque de décès CV n’est en revanche pas différent entre les deux groupes (HR = 0,91, IC95% : 0,75-1,09] ; NS). De même, il n’y a pas d’effet significatif sur le risque d’hospitalisation toutes causes ou sur la qualité de vie. Figure 4. Analyse des sous-groupes L’effet bénéfique de l’empagliflozine est observé dans la grande majorité des sous-groupes (diabétiques, selon IMC ou le DFG) avec néanmoins un point important à noter, une non-efficacité pour les FEVG > 60 % et faible efficacité pour une FEVG entre 50 et 60 %. Figure 5. Analyse des critères de jugement secondaires On observe une diminution significative du nombre d’hospitalisations pour IC (1re ou récurrence), 407 événements sur 2 997 dans le groupe empagliflozine vs 541 sur 2 991 dans le groupe placebo, soit une réduction relative du risque de 27 % (HR 0,73, IC95% : 0,61-0,88 ; p < 0,001). De même, les auteurs décrivent une moindre diminution du DFG dans le groupe empagliflozine, quoique très modérée (1,36 ml/min/1,73 m2/an de différence de variation de DFG [IC95% : 1,06-1,66 ; p < 0,001]) et sans réel impact clinique. Enfin, il n’y a pas de variations des événements rénaux (délai de mise en dialyse chronique, transplantation rénale, réduction soutenue d’au moins 40 % du DFG ou baisse soutenue du DFG de plus de 10 ou 15 ml/min/1,73 m2 par rapport à la valeur initiale). Analyses supplémentaires(7) et impact thérapeutique D’autres résultats d’EMPEROR-Preserved soulignant les avantages du traitement par l’empagliflozine, par rapport au placebo ont été rapportés(7) : – une baisse significative de 29 % du nombre d’admissions dans une unité de soins intensifs au cours d’une hospitalisation pour IC ; – une réduction (non significative) de 33 % du besoin d’amines vasopressives ou d’inotropes positifs pendant cette hospitalisation ; – une amélioration significative de la classe fonctionnelle NYHA ; – le traitement par l’empagliflozine était également associé avec une réduction de 39 % des consultations dans des services d’urgences avec ou sans utilisation de diurétiques intraveineux ; – en plus de réduire les hospitalisations pour IC, l’empagliflozine a également réduit les décompensations cardiaques des patients ambulatoires, mis en évidence par la majoration du traitement diurétique per os se produisant 27 % moins souvent que pour les patients sous placebo. Enfin, l’analyse des critères de jugements secondaires de l’étude principale parue dans le NEJM met en évidence une moindre dégradation du DFG dans le groupe empagliflozine. Néanmoins, contrairement aux autres études testant les iSGLT2, l’utilisation de l’empagliflozine ne semble pas avoir d’effet néphroprotecteur. Tolérance Les principaux effets secondaires rapportés avec l’empagliflozine sont : l’hypotension artérielle (10,4 % vs 8,6 %), les infections génitales (2,2 % vs 0,7 %) ou urinaires (10 % vs 8 %). En revanche, il n’y a pas de différence entre les groupes pour les fractures osseuses (4,5 % vs 4,2 %), les acidocétoses (0,1 % vs 0,2 %) ou les amputations de membre inférieur (0,4 % vss 0,6 %). Conclusion de l’essai Dans une population d’ICFEp, l’empagliflozine associée aux traitements cardioprotecteurs diminue significativement la survenue d’hospitalisations pour IC et/ou de décès CV par rapport au placebo. • Impact clinique, limites et perspectives Il s’agit du 1er traitement efficace testé dans l’ICFEp. Là où le reste du panel thérapeutique de l’ICFEr a échoué, l’empagliflozine diminue les hospitalisations pour IC et/ou la mortalité CV chez patients diabétiques ou non. L’empagliflozine pourrait donc intégrer l’algorithme de prise en charge de l’ICFEp. Les auteurs ont discuté lors des différentes sessions de l’ESC 2021, d’un potentiel effet additif, voire synergique de sacubitrilvalsartan associé à l’empagliflozine. La principale interrogation soulevée par cette étude est la suivante : est-ce que les patients inclus dans l’étude sont bien des ICFEp ? Il aurait été plus logique (et honnête) de mettre la barre de la FEVG à 50 % pour les inclusions. Dans ce cas, il est probable que l’étude ait été négative puisque le bénéfice de l’empagliflozine a été retrouvé essentiellement chez les patients avec une FE < 50 %. Or ces patients (avec une FEVG comprise entre 41 et 49 %) ont été redéfinis dans les nouvelles recommandations comme des ICFE modérément altérées et ils ressemblent davantage d’un point de vue physiopathologique à ceux de l’ICFEr que ceux de l’ICFEp. L’étude DELIVER avec la dapagliflozine confirmera ou non les résultats d’EMPEROR-Preserved (résultats attendus pour 2022). * D’après Anker SD et al. Empagliflozin in heart failure with a preserved ejection fraction. NEJM 2021 Aug 27.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 6 sur 46
publicité
publicité