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Cardiologie générale

Publié le 15 nov 2021Lecture 5 min

La simulation est-elle l’avenir de l’enseignement en médecine ?

Anne BERNARD, CHU et université de Tours, MediSIM, centre de simulation de l’université de Tours

En France, historiquement, les études de médecine ont toujours été structurées essentiellement autour d’une alternance de cours théoriques, de savoir livresque et de stages hospitaliers au cours desquels l’étudiant met en pratique ses connaissances, souvent la première fois directement sur le patient. Depuis une dizaine d’années, une dynamique moderniste se met en place suivant le modèle des pays anglo-saxons qui ont placé très tôt le développement des compétences au centre de l’enseignement, notamment avec l’utilisation de la simulation, sous toutes ses formes.

Miller, pédagogue du XXe siècle expliquait que l’apprentissage en médecine suivait une forme de pyramide. Le socle, c’est l’acquisition des connaissances : « L’étudiant sait ». Puis, il est capable d’utiliser ses connaissances pour analyser et interpréter des données et ainsi résoudre un cas clinique, « il sait comment faire ». Après ces deux étapes cognitives suivent deux étapes comportementales : l’étudiant apprend à « montrer comment il fait », et enfin il sait gérer une situation dans un milieu professionnel, « il fait ». La place de l’enseignement par simulation s’inscrit dans la 3e étape de la pyramide. L’étudiant travaille ses compétences dans un univers sécuritaire, tout en restant pleinement actif de sa formation, en suivant l’adage : « Jamais la première fois sur le patient ». La simulation est une technique qui permet d’imiter un processus ou une situation afin de former un étudiant aussi bien en diagnostic qu’en thérapeutique, mais aussi s’entraîner, reproduire de façon illimitée des scénarios ou des situations exceptionnelles ou non. Ce modèle d’enseignement par simulation est utilisé depuis longtemps dans l’aéronautique ou l’industrie nucléaire. C’est une méthode indiscutable et essentielle à toutes les étapes de la formation, de la formation individuelle du pilote ou de l’équipage au complet. C’est aussi un passage obligatoire pour le maintien des compétences en formation continue. En médecine, cette méthode a aussi une longue histoire ! Madame Angélique du Coudray, au XVIIIe siècle, avait fabriqué un mannequin en tissu. Elle a fait le tour de la France et formé des centaines de sages-femmes pour enseigner l’art de l’accouchement. C’est ensuite à partir des années 1960 que les anesthésistes- réanimateurs ont conçu des mannequins pour former aux gestes de réanimation cardio-pulmonaire. Les objectifs fondamentaux de la simulation sont ceux de tout enseignement en médecine. Une formation par simulation possède 3 types d’objectifs selon les Pr Granry et Moll, auteurs du rapport de mission pour la Haute Autorité de santé : pédagogiques (connaissances, acquisitions de compétences techniques, évaluation des pistes d’amélioration), psychologiques (formation aux compétences non techniques, au travail d’équipe, aux compétences de communication) et puis des objectifs fondamentaux : respect des impératifs éthiques, assurer la qualité et la sécurité des soins pour réduire les erreurs en médecine. De nombreuses études ont montré que la simulation pouvait répondre aux objectifs d’une formation en médecine : satisfaction des apprenants, acquisition de compétences techniques ou non techniques, et modification des comportements pour transposer l’apprentissage dans la mise en pratique auprès du patient. Le bénéfice pour le patient est encore à évaluer. Il a été montré que la formation à la ponction veineuse par simulation permettait de réduire le nombre de complications, notamment d’infections. La Haute Autorité de santé souligne dans son rapport que « l’amélioration du savoirfaire grâce à la simulation est indiscutable de même que l’analyse et la modification des comportements, tout particulièrement en situation de crise ». • Application des outils de simulation en cardiologie Premier type d’outils, les mannequins de tâches servent à reproduire des gestes ou procédures. Par exemple, l’auscultation cardiaque, mais aussi des gestes invasifs comme le drainage péricardique avec écho-guidage. Certains sont de haute technicité et dotés de logiciels performants : simulateurs d’échocardiographie transthoracique/ transœsophagienne ; simulateurs de procédures interventionnelles pour la coronarographie et la rythmologie. Il y a ensuite les mannequins de haute-fidélité : des simulateurs patients, pilotés par ordinateur, qui peuvent parler et reproduire des changements physiologiques très complexes. Ils sont utilisés dans des scénarios avec plusieurs apprenants pour gérer des situations de crise. Ces simulateurs peuvent être installés directement dans un service hospitalier habituel, c’est la simulation « in situ ». On définit aussi l’outil patient standardisé ou simulation humaine : des patients experts ou des comédiens formés à jouer le rôle d’un patient (ou membre de la famille) de façon standardisée et à interagir avec l’apprenant. La simulation hybride combine les patients standardisés et les mannequins de tâche pour former à intégrer le relationnel patient au cours de la maîtrise d’un geste technique. Enfin, la simulation numérique est composée d’outils interactifs comme les serious games, les tables cliniques interactives pour apprendre le raisonnement clinique jusqu’à la réalité augmentée. Elle peut être mixte : par exemple, associer un mannequin de tâche de haute technicité à un casque virtuel qui permet de superposer virtuellement l’anatomie avec la coupe d’échographie cardiaque obtenue. La simulation s’adresse à tous les niveaux de la formation : de la formation initiale à la formation continue, y compris comme méthode évaluative. L’enseignement par simulation a une place pour former nos étudiants au savoir-faire comme au savoir être. Il va prendre un rôle important dans l’évaluation des étudiants avec les ECOS (examens cliniques à objectifs structurés) qui sont le gold standard pour l’évaluation de la performance clinique dans les pays anglo-saxons et qui vont le devenir en France avec la loi santé 2022. Pour la formation des internes, la simulation a un rôle particulier dans la formation aux situations de crise et l’apprentissage du travail en équipe. Le débriefing du scénario est alors l’étape clé de toute formation par la simulation. On analyse avec eux, étape par étape, leur comportement, les procédures mises en place et les pistes d’amélioration, tout cela dans une atmosphère bienveillante pour une formation la plus optimale possible. En formation continue, la simulation permet de se questionner sur nos pratiques professionnelles afin d’améliorer les procédures d’une équipe pluri-professionnelle. • La simulation présente certaines limites indéniables Le matériel est très coûteux, et la rentabilité des centres de simulation est une vraie question. Les ressources humaines à fournir sont considérables : temps formateur et aussi technicien pour entretenir ces simulateurs. Il peut être reproché à certains mannequins patients ou situations mises en scène un manque de fidélité ou de réalisme qui vont limiter l’engagement psychologique de l’apprenant.

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