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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 15 déc 2021Lecture 5 min

L’ablation de tachycardie ventriculaire, pour qui ?

Amir ZOUAGHI(1,2) et coll.*, 1. Unité de rythmologie, service de cardiologie, CHU Bichat-Claude Bernard, Paris ; 2. Service de cardiologie, CHU Lariboisière, Paris

L’ablation par cathéter fait, de nos jours, partie intégrante de l’arsenal thérapeutique dans la prise en charge des tachycardies ventriculaires. Les premières ablations de tachycardie ventriculaire ont eu lieu dans les années 1950, via l’exérèse chirurgicale des anévrismes post-infarctus. Les techniques d’ablation ont ensuite progressivement évolué, avec les premières descriptions dans les années 1980 des ablations percutanées, initialement par fulguration, puis par radiofréquence.
Cette évolution technique s’est associée à une évolution et à une extension progressive des indications d’ablations. Celles-ci ont donné lieu à des recommandations en 2015(1) ainsi qu’un consensus d’experts en 2019(2). Schématiquement, on distingue les patients porteurs d’une cardiopathie des patients ayant un cœur structurellement sain. Une fois l’indication théorique établie en fonction de l’arythmie documentée et de la cardiopathie sous-jacente, il conviendra d’anticiper d’éventuels problèmes de voie d’abord et d’accès anatomique (zone cible à proximité des voies de conduction, substrat endocardique ou épicardique…). Enfin, il faudra évaluer le risque inhérent à la procédure et anticiper la prise en charge des complications en particulier hémodynamiques lors de la réalisation de procédures longues chez des patients ayant souvent un statut altéré dès la période préopératoire.

• Principales indications Cardiopathie ischémique La cardiopathie ischémique représente le principal pourvoyeur d’ablation de tachycardie ventriculaire (TV). Il existe donc une littérature relativement riche à ce sujet. L’indication phare dans ce cadre, recommandée en classe I, est la TV monomorphe récidivante malgré un traitement antiarythmique bien conduit, essentiellement par amiodarone. Cette recommandation découle de l’étude VANISH, publiée en 2016 dans le NEJM(3). Celle-ci a randomisé une population de patients porteurs d’une cardiopathie ischémique, d’un DAI et ayant présenté une tachycardie ventriculaire soutenue malgré un traitement antiarythmique en 2 groupes : un groupe d’escalade du traitement antiarythmique et un groupe d’ablation de tachycardie ventriculaire. Après un suivi médian de 28 mois, il a été mis en évidence une réduction significative d’un critère composite associant les chocs appropriés, les orages rythmiques et les décès dans le groupe ablation (figure 1). Ce bénéfice a été uniquement retrouvé dans le sous-groupe de patients ayant présenté des récidives sous amiodarone. Plusieurs autres séries ont, elles, mis en évidence une réduction de la récidive de TV après ablation(4,5). Par extension, l’ablation est également recommandée chez les patients présentant des TV récidivantes en cas de contreindication ou d’intolérance aux antiarythmiques. L’ablation en première intention, après un premier épisode de tachycardie ventriculaire soutenu, a montré un bénéfice en termes de réduction de chocs appropriés dans plusieurs essais randomisés(6). Néanmoins, dans la majorité de ces essais, la stratégie d’ablation n’était pas comparée à un traitement antiarythmique. De plus, cette stratégie n’a pas montré de bénéfice sur des critères durs, notamment de mortalité(7) (figure 2). Cardiopathie dilatée non ischémique La cardiopathie dilatée non ischémique est une entité hétérogène regroupant des étiologies très variées. Les tachycardies ventriculaires dans ce cadre sont plus fréquemment polymorphes, impliquant un substrat plus hétérogène, de localisation épicardique ou intramurale. Ces différences expliquent des taux de succès moins importants que dans la cardiopathie ischémique. Plusieurs études ont néanmoins montré que l’ablation de tachycardie ventriculaire chez cette population était sûre et efficace, avec une absence de récidive au long terme chez 50 à 70 % des patients(8). Des séries rétrospectives ont, elles, retrouvé une association entre l’absence de récidive après l’ablation et une réduction de la mortalité et de la transplantation cardiaque. Il n’y a pas d’essais contrôlés randomisés comparant l’ablation aux antiarythmiques dans cette indication. L’ablation est donc recommandée en classe I en cas d’échec ou d’intolérance ou de contre-indication aux antiarythmiques, et en classe IIa si les antiarythmiques ne sont pas souhaités. La tachycardie ventriculaire de branche à branche est une entité particulière, impliquant une réentrée à travers le système conductif. Elle survient habituellement sur un terrain de cardiopathie sous-jacente. Ce type de tachycardie est très accessible aux procédures d’ablation, avec un succès chez la majorité des patients. L’ablation doit donc être proposée en première intention pour réduire le risque de récidive et de chocs appropriés. Cardiopathies rythmiques héréditaires L’évolution de la dysplasie ventriculaire droite arythmogène (DVDA) est souvent marquée par des épisodes de tachycardie ventriculaire, même sous traitement antiarythmique. L’ablation dans cette indication a montré des résultats satisfaisants, surtout en combinant un abord endocardique et épicardique(9). Les patients porteurs d’un syndrome de Brugada ont un substrat arythmogène localisé à la face antérieure de la chambre de chasse du ventricule droit, sur son versant épicardique. Plusieurs études ont montré que l’ablation de ce substrat pouvait réduire les événements rythmiques chez les patients les plus sévères (FV à répétition, orage rythmique…). Néanmoins, il existe peu de données sur les résultats à long terme et il s’agit d’une technique complexe réservée à des équipes ultra-spécialisées. Cette ablation est actuellement proposée en 2e intention, après échec d’antiarythmique, et notamment la quinidine. Cœur structurellement sain Les TV infundibulaires représentent l’étiologie la plus fréquente de TV sur cœur sain. L’ablation dans ce cadre est associée à des taux de succès importants avec peu de complications, surtout pour les TV originaires de l’infundibulum pulmonaire. Elle peut donc être proposée en cas d’échec des traitements antiarythmiques, mais également en 1re intention selon la préférence du patient. La TV fasciculaire (ou TV de Belhassen) est une autre étiologie classique de TV sur cœur structurellement sain. Elle est également très accessible aux procédures d’ablation, qui peuvent être proposées en 1re intention ou après échec des inhibiteurs calciques. Dans les autres cas de TV sur coeur sain, l’ablation est en général proposée après l’échec ou l’intolérance à un traitement antiarythmique. Certaines localisations notamment sont à risque plus élevé (sommet du VG, TV épicardiques…) avec une classe de recommandation moins élevée (IIa). • Réalisation pratique de l’examen : quelles sont les bonnes questions ? Abord de la zone cible : endocarde ou épicarde ? La technique d’abord percutanée de l’épicarde a été décrite au milieu des années 1990. Cette technique a permis un essor important de l’ablation de tachycardie ventriculaire, via la cartographie du substrat épicardique et l’ablation de ce substrat. Cet abord est d’autant plus important dans le cadre de cardiopathies ayant un substrat essentiellement épicardique, comme les DVDA, les myocardites ou les CMD non ischémiques de manière plus générale. Néanmoins, l’abord épicardique s’associe à un risque procédural plus important et les adhérences péricardiques rendent cet accès de plus en plus difficile au fur et à mesure des procédures. Cet abord est donc recommandé en 2e intention, après échec d’une ablation endocardique seule ou s’il existe des arguments ECG ou d’imagerie évoquant une origine épicardique. L’ablation combinée endocardique et épicardique peut s’envisager en 1re intention dans des centres experts avec des opérateurs entraînés, dans des indications particulières. Tolérance du geste : comment anticiper ? L’ablation de TV est un geste complexe non dénué de risques, qui s’adresse le plus souvent à des patients particulièrement fragiles. Dans un large registre américain d’ablation de tachycardie ventriculaire d’origine ischémique, le taux de complications intrahospitalières. était de 11,2 %, dont 1,6 % de décès intrahospitalier(10). L’évaluation du risque procédural et la sélection des patients sont donc essentielles. Plusieurs scores ont été développés dans ce cadre dont le plus étudié est le score PAAINESD (tableau 1). Un score supérieur à 17 serait associé selon plusieurs études à un risque de complications majeures (allant jusqu’à 24 %). De manière générale, l’ablation de tachycardie ventriculaire requiert un environnement adapté avec des opérateurs et du personnel paramédical expérimentés et un volume d’ablation suffisant. Chez des patients présentant des cardiopathies avancées ou en cas d’abord épicardique, un plateau technique complet est nécessaire avec une collaboration étroite avec les anesthésistes et les chirurgiens cardiaques notamment (classe I dans le consensus d’experts de 2019[2]).

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