Publié le 15 jan 2022Lecture 5 min
Impact de la pandémie sur la prise en charge de l’HTA
Roxanne GAÏSSET, CIC, Hôpital européen Georges Pompidou, Paris
Le contrôle insuffisant de la pression artérielle chez les patients hypertendus, enjeu majeur de santé publique, a été exacerbé au cours de la pandémie de Covid-19 dans un contexte d’offre de soins limitée. La Covid-19 a, en effet, profondément bouleversé le mode de prise en charge des maladies chroniques, et notamment celle de l’hypertension artérielle. Trois essais, présentés lors de l’American Heart Association (AHA), mettent en avant l’impact de cette pandémie sur la prise en charge des patients.
• Étude BP Track
Contexte
L’étude BP Track a été conçue pour identifier les opportunités d’amélioration du contrôle de la pression artérielle. L’objectif de l’étude était de voir l’évolution du contrôle de l’HTA avant et pendant la pandémie de Covid-19.
Méthodes
Il s’agit d’une étude transversale américaine issue de la base de données PCORnet incluant 24 systèmes de santé entre 2017 et 2020. Le critère de jugement principal était la proportion de patients ayant une PA contrôlée (définie par une PA ambulatoire la plus récente < 140/90 mmHg).
Résultats
Les données médicales électroniques ont pu être analysées sur près de 1,8 million de patients hypertendus âgés de 18 à 85 ans.
La proportion de patients ayant une PA contrôlée est passée de 60,5 % en 2019, avant la pandémie, à 53,3 % en 2020 soit une chute de 7,2 % (IC95% : -9,0 ; -5,4 %) (figure 1). Pour une cible de PA plus stricte < 130/80 mmHg (s’alignant sur les directives européennes), la proportion avait également diminué de 4,6 % au cours de cette période (29,6 % vs 25 % de patients contrôlés). Le pourcentage de patients non contrôlés et ayant eu un suivi adéquat (définie par une consultation dans les 4 semaines du déséquilibre tensionnel) était passé de 36,7 % à 31,7 % entre 2019 et 2020.
Conclusion
Alors que les taux de contrôle de PA chez les patients hypertendus étaient déjà sous-optimaux avant la pandémie de Covid-19, cette dernière a accentué ce phénomène de manière significative avec une réduction de 7,2 % des patients contrôlés. Une des hypothèses pour expliquer cette diminution du contrôle tensionnel pourrait être la baisse du nombre de visites médicales des patients hypertendus dans un contexte de tension du système de soins.
• A Remotely Delivered Hypertension and Lipid Program
Contexte
Le contrôle des facteurs de risque cardiovasculaires comme l’HTA ou l’hypercholestérolémie est encore insuffisant aujourd’hui et la question d’une prise en charge à distance par téléconsultation s’impose dans le contexte actuel(1,2). L’objectif de cette étude était d’évaluer l’efficacité d’un programme d’optimisation du contrôle de la pression artérielle et du LDL-cholestérol.
Population étudiée
Il s’agit des 10 000 premiers patients inscrits de janvier 2018 à janvier 2021 à un programme de gestion des risques cardiovasculaires au sein du système de santé international Mass General Brigham (tableau 1). À l’inclusion, 12 % des patients avaient > 75 ans et un peu plus de la moitié étaient des femmes (55 %).
Méthodes
Les patients éligibles étaient identifiés à partir de la base de données électronique de Mass General Brigham regroupant 28 479 patients. Les patients étaient inclus lorsque l’hypertension artérielle ou l’hypercholestérolémie n’était pas contrôlée.
Au total, 2 groupes de patients étaient créés : un groupe « gestion des dyslipidémies » et/ou un groupe « gestion de l’HTA » (figure 2). L’organisation du programme est résumée dans la figure 3. Chaque patient bénéficiait via une plateforme digitale d’un suivi régulier avec deux interlocuteurs principaux : un standardiste responsable de l’éducation thérapeutique et un pharmacien responsable de l’optimisation thérapeutique basée sur des algorithmes.
Résultats
Dans le groupe « gestion de l’HTA » (N = 3 367), il existait une réduction significative de la PAS (-10 mmHg en moyenne) et PAD (-6 mmHg en moyenne) entre les mesures cliniques et automesures à l’inclusion comparées aux mesures de fin de programme. La diminution des chiffres de pression artérielle était plus marquée dans le sous-groupe ayant bénéficié d’un suivi complet (N = 1 492) avec une réduction de PAS et PAD respectivement de 12 et 7 mmHg en moyenne (figure 4).
Concernant la gestion des dyslipidémies, le taux de LDL-C était abaissé chez tous les patients suivis (LDL-C à 1 g/l vs 1,45 g/l ; p < 0,0001), avec un effet plus marqué chez les patients ayant bénéficié d’un suivi complet (LDL-C à 0,7 g/l vs 1,4 g/l ; p < 0,0001) (figure 5).
Conclusion
• CRHCP (VILLAGE BP)
Contexte
L’objectif de cette étude était de tester l’efficacité d’un programme dirigé par un « médecin de village » ayant un rôle actif polyvalent comparé aux soins courants sur le contrôle de la pression artérielle sur une période de 18 mois. Il s’agissait d’une population de patients hypertendus vivant en zone rurale en Chine. Le critère de jugement principal était le contrôle de la pression artérielle sur 18 mois (PA < 130/80 mmHg selon les recomman - dations ACC/AHA) avec des objectifs plus stricts que les recommandations chinoises actuelles (PA < 140/90 mmHg).
Population étudiée
Près de 34 000 patients âgés de 40 ans et plus, issus de 326 villages chinois ont été randomisés dans l’étude. L’HTA était définie par une PA moyenne (calculée sur 6 mesures sur 2 jours) répondant aux critères :
– PAS ≥ 140 mmHg et/ou PAD ≥ 90 mmHg sans traitement ;
– PAS ≥ 130 mmHg et/ou PAD ≥ 80 mmHg sous traitement.
Les patients ayant une maladie cardiovasculaire, un diabète ou une insuffisance rénale chronique avec une PAS moyenne ≥ 130 mmHg et/ou PAD ≥ 80 mmHg était également éligible.
L’âge moyen était de 63 ans avec 60 % de femmes, une majorité de patients était d’un faible niveau d’éducation (30 % possédaient un diplôme d’étude supérieur), avec une HTA peu sévère à l’inclusion (grade I).
Méthodes
Au total, 326 villages ont été randomisés en deux groupes : un groupe interventionnel avec un programme de soins dirigé par « un médecin de village » et un groupe soins courants (163 villages par groupe).
Les médecins de village « interventionnels » étaient formés sur la mesure standardisée de PA ainsi que sur les recommandations thérapeutiques antihypertensives. Ils veillaient à l’observance des patients et les conseillaient sur les règles hygiéno-diététiques avec un suivi tous les mois. Chaque médecin de village était supervisé par un médecin généraliste de l’hôpital du canton et par un médecin hospitalier référent en HTA dans la ville ou le comté. Les patients des villages « interventionnels » recevaient gratuitement ou à prix réduit les traitements antihypertenseurs, les appareils de mesure tensionnelle et un coaching santé.
Résultats (figures 6 et 7)
À 18 mois, 57 % des patients avaient une PA contrôlée < 130/80 mmHg dans le groupe interventionnel contre 19,9 % dans le groupe contrôle avec une différence de 37 % (IC95% : 34,9-39,1 % ; p < 0,001). Dans le groupe interventionnel, 77,3 % des patients avaient une PA < 140/90 mmHg à 18 mois vs 44,5 % dans le groupe contrôle, sachant qu’environ 13 % des patients étaient à l’objectif à l’inclusion.
Entre M0 et M18, les moyennes de PAS dans le groupe inter - ventionnel et contrôle avaient baissé respectivement de 26,5 et 11,9 mmHg soit une différence de 14,6 mmHg (IC95% : - 15,7 à -13,3 mmHg ;p < 0,001), tandis que les PAD avaient diminué respectivement de 14,7 et 7,7 mmHg soit une différence de 7 mmHg (IC95% : -7,7 à -6,5 mmHg ; p < 0,001).
Conclusion
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