Publié le 26 avr 2022Lecture 3 min
Dans le DT2, l’hypoglycémie sévère est un facteur de risque d’insuffisance cardiaque
Jean-Louis SCHLIENGER, Université de Strasbourg
L’étude ACCORD comparant un traitement intensif du DT2 à un traitement conventionnel a suggéré l’existence d’une relation inattendue entre la survenue d’hypoglycémies sévères et un risque accru d’événements cardiovasculaires. Depuis, d’autres études ont conforté la réalité d’une telle relation mais sans s‘intéresser aux effets de l’hypoglycémie sur l’incidence de l’insuffisance cardiaque.
Reprenant les données d’ACCORD, les auteurs ont inclus l’insuffisance cardiaque (IC) comme critère de jugement principal. Rappelons qu’ACCORD est une étude multicentrique randomisée opposant un bras de traitement intensif visant à obtenir un taux d’HbA1c < 6 % à un bras où l’HbA1c était maintenue entre 7 et 7,9 % chez plus de 10 000 sujets DT2 ayant des antécédents ou des facteurs de risque cardiaques. Pour évaluer l’impact des hypoglycémies sévères sur le risque d’IC, tous les participants ayant des antécédents ou des signes d’IC au cours des 24 mois qui ont suivi la randomisation ont été écartés de cette étude d’une durée médiane de 3 ans. Les épisodes d’hypoglycémie sévère ont été définis par la nécessité de recourir soit à une assistance médicalisée, soit à l’intervention d’un tiers. Les hypoglycémies < 0,70 g/L détectées par automesure ont été considérées comme modérées. Le diagnostic d’IC fondé sur des données cliniques, radiologiques, biologiques ou post-mortem a été validé par un comité d’expert. La relation entre l’IC incidente et l’hypoglycémie a été précisée par une courbe de Kaplan-Meier. Le risque relatif a été calculé à partir de modèles de risques proportionnels de Cox prenant en compte des variables multiples.
Sur 9 208 participants éligibles d’âge moyen 63 ans, 365 ont présenté au moins un épisode d’hypoglycémie sévère et 249 une IC incidente soit 9,1 pour 1 000 patients-années (8,0-10,3). Le risque d’IC était plus élevé en cas d’hypo sévère (p < 0,001) (figure). Après ajustement sur diverses variables (âge, durée du diabète, consommation d’alcool et de tabac, cholestérolémie, HbA1c, IMC, traitement antihypertenseur, maladie coronarienne), le risque relatif d’IC était de 1,68 (1,06-2,66) chez les sujets ayant présenté une hypo sévère nécessitant une assistance médicale et de 1,49 (1,01- 2,21) chez ceux dont l’hypo nécessitait l’intervention d’un tiers. Le risque d’IC n’était pas significativement augmenté par les hypo modérées.
Ces données montrent que l’hypoglycémie sévère est associée à un risque accru d’’insuffisance cardiaque qui persiste après la prise en compte de nombreux facteurs de confusion. La sévérité de l’hypoglycémie apparaît déterminante pour cette association qui semble être causale. Les mécanismes en cause sont encore hypothétiques : ischémie induite par l’hypo, altération de la structure et de la fonction myocardique comme le suggère la relation entre l’hypo et l’élévation de la troponine T, réponse sympatho-rénale secondaire à l’hypo, remodelage cardiaque inapproprié, effet arythmogène de l’hypo… Quoi qu’il en soit, la relation avec l’IC incidente incite fortement à prévenir les hypoglycémies sévères — notamment dans le DT2 où le risque d’IC est multiplié par 2 à 4 indépendamment de toute hypo — en préférant les classes thérapeutiques à faible risque d’hypoglycémie. La classe des iSGLT2 dont les effets préventifs vis-à-vis de l’insuffisance cardiaque sont bien établis répond à ce nouveau cahier des charges.
Figure. Incidence cumulative de l’insuffisance cardiaque selon la sévérité de l’hypoglycémie.
Publié par Diabétologie Pratique
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