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HTA

Publié le 25 jan 2022Lecture 7 min

Comment améliorer la prise en charge de l'HTA ?

Denise CARO, Paris

Le dépistage et le traitement de l’HTA, malgré les recommandations clairement définies, ne sont pas toujours optimaux. D’après Santé publique France, en 2018 la moitié seulement des hypertendus sont contrôlés. Depuis dix ans, aucune amélioration n’a été enregistrée et la situation tend même à se dégrader en particulier chez les femmes(1) négligées au niveau de la prise en charge de leur risque cardiovasculaire. Lors d’une émission e-direct réalisée par Axis TV, cas cliniques à l’appui, trois experts expliquent comment mieux faire.

• Cas Clinique N°1 : Hypertension Blouse-Blanche « HTA-BB » ou HTA blouse blanche (Pr Hanon) Conclusion : La patiente a une PA “normale haute”. • L’HTA « normale haute » ne doit pas être banalisée, l’HTA blouse blanche surveillée et la surcharge pondérale réduite. Ces élévations tensionnelles se limitant au cabinet du médecin ont été considérées longtemps comme anodines. Or, au terme d’un suivi de 8 ans, les personnes ayant une HTA dite « blouse blanche » ou « HTA-BB » font autant d’AVC que les hypertendus(2). L’HTA-BB expose à un risque de mortalité cardiovasculaire intermédiaire entre celui des normotendus et celui des hypertendus(3). Selon une méta-analyse regroupant des études sur 3 à 19 ans de suivi, l’HTA-BB augmente le risque d’événements CV de 36 % et le risque de mortalité de 33 %(4). Les facteurs de risque de l’HTA-BB : IMC élevé, dyslipidémie, hyperglycémie(3) sont retrouvés chez les hommes comme chez les femmes (stress et surcharge pondérale plus fréquents chez les femmes ; la dyslipidémie et l’élévation des gamma GT chez les hommes(5)). Ces HTA-BB doivent être surveillées. Le Pr Hanon rappelle que le Comité de lutte contre l’HTA a élaboré une application « suivi-HTA » (gratuite) qui facilite ce suivi (www.depisthta.net). Le patient enregistre les chiffres d’automesure, l’application fait les calculs et dispense des conseils adaptés. La surveillance de la PA doit être associée aux mesures hygiéno-diététiques : réduction pondérale (en cas d’IMC élevé), régime DASH (riche en fruits, légumes et céréales complètes, pauvre en graisses notamment saturées), activité physique, limitation de la consommation d’alcool. La réduction de la consommation de sel est plus accessoire (en cas de doute la natriurèse des 24 heures doit être effectuée). L’augmentation des apports potassiques peut être intéressante. « Le poids n’est pas suffi samment pris en compte dans l’HTA (et l’HTA-BB) », rappelle le Pr Hanon. La réduction pondérale a un impact direct sur les chiffres (1 kg = 1 mmHg) ; toutefois, en cas de reprise de poids, les chiffres tensionnels s’élèvent à nouveau(6). • Cas Clinique N°2 : Objectifs tensionnels à atteindre (Pr Hanon) Une plus grande exigence quant aux objectifs tensionnels à atteindre. Le Pr Hanon rapporte le cas d’un homme de 52 ans, fumeur, traité par ARA2, qui est vu en consultation pour un renouvellement d’ordonnance. À l’examen, le praticien note une PA de 148/90 mmHg. Le patient prétend « être autour de 140 » à l’automesure, sans fournir de données précises. ⇒ Trop souvent, le médecin se contente d’une PAS entre 140 et 160 mmHg. Or la pression idéale est autour de 120 mmHg ; au-delà, quel que soit l’âge, plus les chiffres s’élèvent, plus le risque de survenue d’événements CV est important(7). Une baisse de 5 mmHg est associée à une réduction du risque d’événements CV(8). ⇒ De plus, une PAS de 150 mmHg à 50 ans augmente le risque de maladie d’Alzheimer de 50 % dans les années à venir ; une PAS supérieure à 130 mmHg l’augmente de 34 %(9). « Traiter correctement l’HTA pour protéger le cerveau, un message à délivrer auprès des patients et des médecins. » Conclusion : Davantage de rigueur sur l’objectif à atteindre tant chez les patients avec un diagnostic d’HTA qui vient d’être posé que chez les patients déjà traités en monothérapie. Un meilleur contrôle de la PA évite les altérations de la fonction cognitive. • Cas Clinique N°3 : HTA gestationnelle (Dr Antakly) • L’HTA gestationnelle grève le futur L’HTA gestationnelle (élévation des chiffres tensionnels après la 20e semaine d’aménorrhée chez une femme sans antécédent d’HTA avant la grossesse) est fréquente : la prévalence des désordres hypertensifs de la grossesse est de 7,4 % en France*(10). C’est un facteur de risque à part entière comme le tabac et le diabète qui multiplie par 6 le risque de survenue d’une HTA permanente dans les 8 ans à venir ; une prééclampsie le multiplie par 8(11). En 2015, la Société française d’HTA a estimé que toute femme ayant eu une HTA gestationnelle doit bénéficier d’une consultation d’information et d’annonce à distance de l’accouchement pour expliquer le risque CV et rénal encouru à moyen ou long terme, l’importance d’un suivi et les précautions à prendre pour d’éventuelles futures grossesses. « Cette élévation tensionnelle pendant la grossesse permet de repérer les femmes à risque d’HTA, d’insuffisance rénale, d’événements CV ou d’AVC. Le sur-risque existe dès le post-partum et se majore au fil des ans, en particulier à la ménopause. L’information, la surveillance et la mise en œuvre de mesures/règles hygiéno-diététiques doivent débuter rapidement après l’accouchement », ajoute le Dr Antakly. Dans la vraie vie, trop souvent cette consultation n’a pas lieu. • Cas Clinique N°4 : Prise en charge d’une patiente jeune (Dr Antakly) « Il faut arrêter de penser que les femmes sont protégées par leurs hormones et qu’elles ne risquent rien », explique le Dr Antakly, qui donne l’exemple d’une patiente de 40 ans, vue en consultation de routine. En surpoids (IMC 28 kg/m2 ), fumeuse, sans antécédent personnel d’HTA gestationnelle, ni d’hérédité CV, non diabétique. À la consultation, sa PA est de 140/87 mmHg. Ce tableau clinique chez une femme jeune doit être pris au sérieux. Il faut demander à la patiente de faire une automesure tensionnelle et lui expliquer les règles hygiéno-diététiques à suivre. Avoir une HTA grade 1 (140-149/90-99) à 40 ans, multiplie par 2 le risque de syndrome coronaire aigu dans les 15 ans. Ce facteur de risque pèse plus lourd chez la femme que chez l’homme(12). D’une façon générale, chez l’homme comme chez la femme, l’attitude du médecin est déterminante. L’inertie est plus fréquente que l’inobservance thérapeutique(13). Conclusion : Exigence accrue chez une femme jeune et chez une femme ayant eu une élévation tensionnelle pendant la grossesse. « Plusieurs facteurs nuisent à atteindre les objectifs tensionnels alors que les recommandations sont claires ? », Dr Wajman (cardiologue, Paris). Une communication insuffi sante des autorités de santé sur l’HTA, un enjeu majeur de santé publique ; les réticences des patients à prendre un traitement à vie alors qu’ils ne ressentent aucun symptôme et qu’ils n’ont pas réellement conscience des risques encourus, l’hésitation des médecins à instaurer ou majorer un traitement, et enfi n les diffi cultés à s’attaquer en même temps aux différents facteurs de risque, l’HTA faisant alors les frais de « ces demandes compétitives ». Un hypertendu traité par un praticien ayant un comportement d’inertie a 25 fois moins de chance d’avoir une PA contrôlée que s’il est traité par un médecin plus vigilant. Mais il existe également des patients inobservants ! Recommandations de la Société internationale d’HTA en 2020 : – PA < 140/90mmHg pour l’ensemble de la population ; toutefois avant l’âge de 65 ans, l’objectif est de 130/80 mmHg et chez les personnes très âgées une PAS de 150 mmHg est acceptable. – En automesure : PA < 135/85 mmHg(14). La stratégie thérapeutique est simple : commencez une monothérapie. – Inhibiteurs du système rénine-angiotensine — ISRA — (IEC ou sartan) ou, inhibiteurs calciques dihydropyridiniques (DHP) ou diurétiques thiazidiques. – Si après un mois de traitement, la PA n’est pas à l’objectif, passez en bithérapie : ISRA + DHP ou ISRA + diurétique thiazidique. « L’association ISRA + DHP permet d’éviter de recourir à un diurétique, en particulier chez les patients prédiabétiques, du fait des modifi cations métaboliques liées au diurétiques », souligne le Dr Wajman. La Société internationale d’HTA recommande une bithérapie d’emblée chez les patients avec une PAS supérieure à 160. Si malgré une bithérapie le patient n’est pas à l’objectif tensionnel, passez à une trithérapie. En cas d’échec, recherchez une HTA secondaire(15). • Les antagonistes calciques dihydropyridiniques : une classe facile à prescrire en mono- ou bithérapie Les inhibiteurs calciques DHP, faciles à utiliser, ne nécessitent pas de bilan préalable (pas d’ionogramme, d’ECG, d’évaluation de la fonction rénale). Efficaces sur la prévention des AVC (notamment chez les sujets âgés), ils s’opposent à la variabilité tensionnelle. Ils peuvent être prescrits chez les hypertendus obèses, diabétiques, âgés et chez la femme enceinte (nicardipine). Leur rapport efficacité/tolérance est bon. Le risque d’œdèmes des membres inférieurs est estimé à 20 % pour l’ensemble de la classe mais varie selon la molécule utilisée : 19 % avec l’amlodipine, 9,3 % avec la lercanidipine, 7,4 % avec la nisoldipine, 30 % avec la félodipine(16). En ce qui concerne la nicardipine, sur 270 210 patients traités par voie orale sur les 12 derniers mois, 4 signalements d’œdèmes périphériques conduisant à l’arrêt du traitement ont été déclarés à la pharmacovigilance (soit 1,5 patient/100 000). Durant les 10 dernières années (2012-2021), 66 cas d’œdèmes ont été signalés, la moitié ayant motivé l’arrêt du traitement (ce qui correspond à 0,3 patient/100 000)(17). « En cas de survenu d’œdème périphérique, il faut rassurer le patient. La dose de DHP peut être diminuée, la DHP peut être substituée à une autre ou opter pour une bithérapie ISRA/DHP, qui expose moins à cet effet indésirable. Il est proscrit de prescrire des diurétiques dans ce cas », indique le Dr Wajman. Messages clés : – Davantage d’exigence sur les objectifs tensionnels. – Surveillance accrue de la PA pendant la grossesse. – Les inhibiteurs calciques DHP : une classe facile à prescrire, efficace et bien tolérée. D’après l’émission « Mieux dépister et prendre en charge les patients hypertendus méconnus à travers 3 cas cliniques », modérée par le Dr Pierre Sabouret et avec la participation du Pr Olivier Hanon (hôpital Broca, Paris ; Président du Comité de lutte contre l’HTA), du Dr Yara Antakly (cardiologue, hôpital Saint-Joseph, Paris) et du Dr Alain Wajman (cardiologue, Paris).  Émission réalisée en partenariat avec le laboratoire X.O Abréviations :  ARA2 : antagoniste des récepteurs de l’angiotensine 2 AVC : accident vasculaire cérébral CV : cardiovasculaire DASH : Dietary Approaches to Stopping Hypertension DHP : dihydropyridinique ECG : électrocardiogramme IEC : inhibiteur de l’enzyme de conversion IMC : indice de masse corporelle ISRA : inhibiteur du système rénine-angiotensine PA : pression artérielle PAS : pression artérielle systolique Découvrez également les moments forts de cette émission e-Direct REGARDER LE BEST OF >> CR_XO_02-012023

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