Publié le 15 mar 2023Lecture 5 min
Risque cardiovasculaire chez les femmes : des pistes d’optimisation
Michele DEKER, Neuilly
Depuis une vingtaine d’années, on observe davantage d’infarctus du myocarde chez des femmes jeunes. Il est donc important de connaître les facteurs de risque cardiovasculaires dans cette population, afin de les rechercher et les corriger. Les femmes présentent, en effet, des spécificités qui portent non seulement sur le risque mais aussi sur les modalités diagnostiques et la physiopathologie des événements cardiaques.
Les facteurs de risque traditionnels ont un impact différent chez les femmes comparativement aux hommes. Ainsi, le diabète abolit la protection cardiovasculaire (CV) dont les femmes bénéficient jusqu’à la ménopause ; il multiplie le risque CV par 2,6 en moyenne. L’augmentation de la pression artérielle avec l’âge est plus prononcée chez les femmes et le seuil des complications associées à l’HTA (fibrillation atriale et insuffisance cardiaque à FE préservée) est plus bas. Le risque associé au tabac est de 25 % plus élevé ; le tabagisme associé à la contraception orale multiplie le risque d’IDM par 10 et celui d’AVC par 3. Le risque CV lié aux paramètres lipidiques est similaire chez la femme et chez l’homme, mais il augmente en cas de ménopause précoce. Le risque CV est augmenté en cas de ménopause précoce, de syndrome des ovaires polykystiques, d’obésité maternelle, de diabète gestationnel, alors que l’allaitement maternel est protecteur.
THM : importance de « l’effet âge »
La chute de la production d’estradiol qui marque le début de la ménopause est un élément essentiel de l’augmentation du risque CV (x 4,3 après la ménopause). Les femmes ayant une insuffisance ovarienne prématurée (IOP) ont un risque CV plus élevé : davantage d’HTA, de syndrome métabolique.
La publication des études nordaméricaines WHI et HERS a porté un coup d’arrêt au traitement hormonal de la ménopause (THM) en montrant une augmentation du risque de maladie coronarienne, contrairement aux attentes. Depuis, ces études ont été revisitées et « l’effet âge » des estrogènes a été mis à jour. Ainsi, il a été montré qu’un traitement précoce par les estrogènes sur une artère saine augmente la vasodilatation et diminue l’activation de l’inflammation et la progression de l’athérome. L’effet anti-athéromateux de l’estradiol sur une artère saine passe par le récepteur nucléaire alpha alors que l’effet vasodilatateur est médié par le récepteur membranaire des estrogènes. En revanche, l’effet des estrogènes sur une artère malade est délétère en raison de la diminution des récepteurs des estrogènes.
La découverte de « l’effet âge » des estrogènes a conduit à réévaluer le bénéfice du THM dans l’étude WHI chez les femmes de 50-59 ans, en montrant une réduction du risque cardiovasculaire et du diabète incident. Une métaanalyse récente sur le THM montre un léger sur-risque coronarien, non significatif, chez les femmes prenant un THM tous âges confondus(1). L’âge de début du THM par rapport au début de la ménopause est important comme le confirme l’étude ELITE(2), en montrant une amélioration du risque CV chez les femmes ayant débuté le traitement précocement vs tardivement.
Selon les dernières recommandations françaises du CNGOF : l’évaluation du risque CV à la ménopause est indiquée ; il n’y a pas de différence en termes de survenue des IDM selon le type d’estrogène ou sa voie d’administration, mais la voie transdermique est recommandée en prévention du risque thromboembolique veineux.
Diagnostic d’ischémie : quelles spécificités chez la femme ?
La démarche diagnostique débute par l’évaluation des symptômes et l’examen clinique, suivis par un bilan paraclinique de base, pour établir la probabilité pré-test. Le choix du test diagnostique dépend de cette probabilité, des caractéristiques du patient (échogénicité, capacité d’effort), de la puissance des tests et de leur disponibilité, de l’expertise locale et de la valeur ajoutée du test (effort, valeur localisatrice, viabilité, etc.). L’ECG a une bonne valeur pronostique mais une performance diagnostique médiocre. Les tests d’imagerie fonctionnels (échographie, scintigraphie, IRM) permettent de détecter l’ischémie à l’effort ou lors d’un stress pharmacologique ; dotés d’une très bonne sensibilité/spécificité, ils permettent d’évaluer l’étendue et la localisation de l’ischémie, et d’étudier la viabilité myocardique. Une autre possibilité est le coroscanner, qui détecte les sténoses coronaires avec une excellente sensibilité mais une faible spécificité.
Chez les femmes, la probabilité pré-test est très inférieure comparativement à celle des hommes ; les capacités d’effort sont moindres, ce qui impacte la valeur pronostique des tests d’effort dont la rentabilité quasi nulle. L’IRM et l’échographie sont de loin préférables couplés à l’effort. La coronarographie d’emblée a peu de place chez les femmes.
En pratique, il faudrait privilégier le coroscanner avant l’âge de 65 ans et l’échographie d’effort après 65 ans chez les femmes. Chez les sujets asymptomatiques, les tests fonctionnels gardent peu d’indications.
SCA : quelles spécificités féminines ?
La douleur thoracique est présente dans 70 % des cas chez les femmes contrairement aux idées reçues. Les femmes se distinguent par la fréquence accrue de symptômes associés : digestifs (nausées, épigastralgies) ; douleurs ; essoufflement. Dans l’étude WAMIF, 91,6 % des femmes ont rapporté des douleurs atypiques, et 60 % des symptômes associés.
Il existe des spécificités physiopathologiques : 10-25 % des SCA chez la femme ne sont pas associés à une obstruction coronaire. La dissection coronaire spontanée est beaucoup plus fréquente chez les femmes ; 90 % des dissections coronaires spontanées touchent des femmes, en particulier avant 50 ans, sans de facteurs de risque traditionnels. On a aussi évoqué des dissections coronaires dans le péripartum, qui représentent moins de 10 % de l’ensemble des dissections.
Une autre entité est représentée par les MINOCA, ou infarctus sans obstruction, qui représentent 6-8 % des SCA, avec un risque x 5 chez les femmes et jusqu’à 17 % chez les femmes jeunes. Pour les mettre en évidence il faut pousser les investigations, déterminer leur physiopathologie. L’étude HARP-MINOCA a montré en utilisant l’imagerie endocoronaire et l’imagerie multimodale en coupe que l’on peut poser un diagnostic étiologique dans 85 % des cas. Le MINOCA recouvre en effet plusieurs étiologies.
Le pronostic du SCA est encore plus sévère chez la femme, avec une surmortalité de 1,8 à 2 durant la phase hospitalière mais par de surmortalité à 1 an. Le délai d’appel du SAMU est plus long chez les femmes, d’où la nécessité d’informer. Il y a aussi davantage de complications (saignements, complications d’accès vasculaire) qui tendent à régresser avec l’utilisation de la voie radiale.
En revanche, il n’y a pas de particularités thérapeutiques. Le bénéfice de l’angioplastie primaire est identique, des bénéfices identiques dans les formes complexes et avec les nouvelles générations de stents ; pas de différence en termes de tolérance et d’efficacité des traitements médicamenteux. Il reste néanmoins des différences en termes de prescription des traitements, qui ne sont pas justifiables.
D’après un atelier-débat Organon modéré par A. Maas et C. Mounier-Véhier avec la participation de F. Paillard, S. Christin-Maître, G. Lemesle et S. Manzo-Silberman
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